Exécutions extrajudiciaires: Amnesty apporte de nouvelles preuves accablantes

Militaires Arrêts Cameroun Bir La crise anglophone dure et continue de faire des victimes.

Wed, 15 Aug 2018 Source: cameroun-info.net

C’est une nouvelle vidéo qui accuse les forces de défense et de sécurité. Obtenue et mise en ligne depuis le 10 août 2018 par l’ONG de défense des droits humains, Amnesty International, cette vidéo effroyable est virale depuis quelques jours sur les réseaux sociaux. Elle montre des hommes en armes et portant l'uniforme de l'armée camerounaise exécuter une dizaine de personnes désarmées et habillées en civils au cours d’une opération militaire dans le village d’Achigachia, région de l’Extrême-Nord du pays. Dans cette vidéo, un groupe de soldats dans leur tenue de camouflage lézard distinctive, patrouillent dans les rues du village d’Achigachia. Certains sont armés de fusils Zastava M21, et d’autres se tiennent sur un pick-up doté d’un canon anti-aérien ZPU-2, décrit Amnesty International.

La scène, qui semble filmée par un membre des forces de sécurité, montre des soldats en train de brûler des structures qui sont probablement des maisons, puis se concentre sur un groupe de 12 personnes alignées contre un mur, toutes assises ou allongées. À 1'40" dans la vidéo, de nombreux soldats tirent sur le groupe avec des armes automatiques durant un long moment, en se tenant à une distance de quelques mètres. Un soldat s’avance alors et tire à nouveau à bout portant sur plusieurs personnes du groupe, probablement pour s’assurer qu’il ne reste aucun survivant. S’exprimant en français, les soldats parlent d’eux en disant qu’ils mènent une opération « kamikaze ».

Dans son communiqué publié le 10 août dernier sur Twitter, « Amnesty International a analysé cette vidéo et a pu découvrir qu'elle a été tournée dans la ville d'Achigachia et nous pensons qu'elle décrit le massacre qu'il y a eu lieu en janvier 2015. Nous pensons qu'une opération militaire a été lancée pour récupérer les corps de soldats qui avaient été tués par Boko Haram fin décembre 2014. Et quand les militaires sont entrés dans Achigachia, ils ont également exercé des représailles contre la population. Parmi eux, il y avait beaucoup de personnes âgées », a déclaré Ilaria Allegrozzi, spécialiste de la région du lac Tchad à Amnesty International. Elle poursuit: « il s’agit là de nouvelles preuves crédibles appuyant les allégations selon lesquelles les forces armées camerounaises auraient commis de graves crimes contre des civils, et nous demandons donc l’ouverture immédiate d’une enquête approfondie et impartiale. Les personnes soupçonnées d’avoir une responsabilité dans ces actes odieux doivent être traduites en justice ».

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Interrogé sur Radio France Internationale (RFI) sur la responsabilité des forces armées dans cette nouvelle vidéo, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement a dit n’avoir pas encore pris connaissance de cette vidéo, mais assure que si des soldats sont impliqués dans des crimes, ils seront jugés. Issa Tchiroma Bakary souligne qu’aucune « armée au monde, quelle que soit la nation de laquelle elle est issue, ne peut prétendre être immunisée contre des dysfonctionnements et des écarts ». D’après lui, toute accusation levée contre les forces de défense et de sécurité du pays fait « l’objet d’une enquête, d’une investigation sérieuse ». Le ministre affirme que le chef de l’Etat « n’accepte pas que quelques brebis galeuses, quelques soldats égarés puissent, par leur comportement inacceptable, porter atteinte à l’honneur, à la dignité, être attentatoires » à l’armée camerounaise. Mais, tant qu'une enquête n'a pas été menée, il ne « reconnaît pas » la vidéo et « rejette » les accusations qu'il qualifie de « diffamatoires ».

En juillet dernier, après avoir qualifié de « fausse nouvelle », une première vidéo montrant l’exécution de deux femmes et deux de leurs enfants à l’Extrême-Nord par l’armée, le gouvernement a finalement ouvert une enquête dont la mise aux arrêts de sept militaires a été publiée le 10 août dernier par le porte-parole du gouvernement. Une première étape saluée par Amnesty International, qui demande toutefois aux autorités de prendre en compte l'ensemble des abus systématiques de l'armée.

Source: cameroun-info.net