Le Ministère de la Défense a reçu le 21 juin dernier une note confidentielle de la part des soldats au front. Dans la lettre interceptée par la rédaction de CamerounWeb, les militaires racontent d'une part le calvaire qu'ils subissent dans la zone anglophone et d'autre part, une interpellation directe au ministre Atanga Nji, leur ministre de tutelle.
Ces soldats au front dans cette guerre fratricide ont décidé de rompre le silence et de porter haut leur message avec des propositions qui selon eux, pouvaient mettre fin aux combats.
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Huit, c'est le nombre de propositions faites au Ministère de la Défense pour résoudre définitivement la crise. Ils exigent de la part de leur hiérarchie une prise au sérieux de leur message et rappelle à tous de doubler de vigilance.
Ci-dessous l’intégralité de la note confidentielle:
Note confidentielle à l' attention de la haute hiérarchie .
Jeudi 21 juin 2018.
13h : 53min
Excellence,
Nous vous rendons compte de ce que la situation reste assez tendue sur le terrain et les esprits sembles même plus surchauffés après la communication du PM hier, qui, à notre avis, n'était vraiment pas indiquée en ce moment. C'est une très bonne idée et nous avions d'ailleurs eu à faire des propositions dans ce sens il y a des mois.
Excellence, nous sommes dans une situation assez critique et qui doit être minutieusement étudiée avant de prendre des mesures.
Le comportement de nos forces sur le terrain et de certaines élites anglophones ont poussé les populations à une radicalisation extrême, donc la première des choses à faire doit être de reconquérir cette population déjà acquise à la cause sécessionniste. Les populations se sentent plus en sécurité aux côtés de sécessionnistes que de notre côté. Nous ne pouvons pas en ce moment mener aucune action de reconstruction dans les zones cibles aujourd'hui ; nous vous disons la vérité parce que nous sommes sur le terrain, les actions que le gouvernement veut mener n'auront aucun effet ou alors les résultats attendus ne seront pas au rendez-vous et ce sera de l'argent dépensé pour rien. Nous préférons vous le dire de manière très franche pour éviter de se lancer dans un projet qui n'aura pas de suite et qui va bénéficier aux individus.
Et puis le Ministre Atanga Nji n'est pas, selon les populations, la personne indiquée pour coordonner une telle action ; les populations ne veulent pas entendre parler de lui.
A ce jour, il est question d'envoyer des personnes assez crédibles sur le terrain pour parler aux populations, ces personnes doivent être recrutées beaucoup plus dans la société civile, des religieux, nos stars de musique, du sport et des hommes politiques que ce soit du parti au pouvoir et de l'opposition.
Une rencontre entre le chef de l'État de le chairman Fru Ndi est indiquée en ce moment, il faut des mesures politiques assez fortes pour mettre un terme à cette crise, ce qu'on veut faire maintenant n'aura aucun résultat.
La population a été poussée à la radicalisation à dessein par ceux qui voulaient qu'on en arrive là, dans une voie sans issue, dos au mur.
L'élite anglophone est très hypocrite et sait où elle va, ce qui se passe n'est pas acceptable.
Ce plan a été bien élaboré avec leur complicité et les fonds qui seront mis à leur disposition dans le cadre de ce plan d'urgence seront destinés à alimenter le camp ennemi. Les populations n'ont jamais émis un vœu d'un besoin quelconque.
L'on peut se demander pourquoi l'élite anglophone ne s’est-elle pas levée comme celle de l'Extrême Nord pour combattre ce qui se passe là ?
Que l'élite anglophone ramène le calme et la paix dans les deux régions, elle est seule à pouvoir le faire.
Aujourd'hui les populations se réfugient dans les forêts aux côtés des combattants sécessionnistes, ce qui empêche que nos forces puissent mener des actions de grandes envergures, où les populations peuvent être touchées, l'objectif étant de mettre à tout prix la communauté internationale sur le dos du régime en place.
Ce qui se passe a pour seul objectif de faire partir le Président Biya du pouvoir, ces collaborateurs ne veulent plus de lui et cherchent les voies et moyens pour y arriver.
Excellence, si des bonnes mesures ne sont pas prises, notre pays va connaitre sans tarder une escalade de violence sans précédent et tout est réuni pour qu'on y arrive.
Nous devons prendre ce qui se trame au sérieux ; aucun sac de riz et autres ne peuvent faire revenir la paix et la stabilité dans les deux régions et il n'y que le chef de l'État seul et en toute lucidité peut le faire. Ces collaborateurs ont montré leurs limites.
Nous proposons :
1 - Dans un premier temps, d'envoyer sans tambours ni trompettes des gens sur le terrain rencontrer les populations, causer avec elles, leur parler de l'intérêt de la paix et du vivre ensemble et à l'issu qu'on prenne des mesures. Ceci doit se faire pas sous caméras, mais des causeries vraiment familiales
2 - Que le Ministre Atanga Nji et toutes les élites soient écartelés de la recherche des solutions à cette crise, à défaut de les envoyer eux même éteindre le feu qu'ils ont allumé.
3 - Associer des personnalités de la société civile, du monde sportif, artistique, religieux, traditionnel et politique à la recherche d'une solution définitive à cette crise.
4 - Que le Président de la République en toute humilité appelle une assise avec des dignitaires tels John Fru Ndi, le Cardinal Tumi, Chief Mukete, Mbombo Njoya, les Lamibes et autres ayant une crédibilité bien établie et pouvant parler aux populations.
5 - La libération sous condition du retour immédiat à la paix des leaders sécessionnistes interpelés et leur confier des missions sur le terrain pour ramener la paix.
6 - Rendre la décentralisation effective dans les brefs délais.
7 - Sortir Atanga Nji du gouvernement en nommant une autre personne venant du NW.
8 - Mettre enfin sur pied le plan d'urgence.
Excellence, toutes autres actions en dehors de ces propositions ne conduiront nulle part. Si nous restons dans une situation de supériorité et de non dialogue, il sera difficile de venir à bout de cette menace.
Nous avons besoin de paix, il faut donc que nous puissions la rechercher avec beaucoup d’humilité, quel que soit ce que ça peut nous coûter. L'ennemi n'a aucun souci à ce que ça dure autant, donc, il est question que nous la recherchions avec humilité et nous pouvons y arriver, c'est possible. Il faut qu'on agisse au plus vite, parce qu'au fur et à mesure que ça traine, les idées naissent, les gens se radicalisent. Il y a encore des gens ayant l'amour de la patrie dans ces régions. Nous les avions approchés, mais ils manquent juste d'un appui pour parler aux autres.
Nous ne pouvons rien faire sans ces populations.
En attendant, nous devons:
Doubler de vigilance, renforcer la sécurité au tour des autorités dans les deux régions, Renforcer le renseignement et lui doter des moyens adéquats.
A toutes fins utiles