Exclusif: fuite d'une lettre d'un ministre de Biya aux ambazoniens

Conseil Ministres Biya Le ministre, auteur de la lettre serait d'origine anglophone

Sat, 21 Jul 2018 Source: www.camerounweb.com

Une lettre confidentielle écrite par un ministre de Paul Biya aux ambazoniens circule depuis un instant sur la toile. D'après les informations, la lettre serait écrite par un ministre anglophone sous l'anonymat le 14 juillet dernier et transmis à un activiste anglophone qui réside au Canada.

Dans cette longue note, le ministre en question peint le réel point de vue de la crise anglophone par le président Biya et ses ministres et les stratégies secrètes adoptées par en vue de flouer la population lors des distributions du plan d'urgence et les menaces qui planent sur les ministres anglophones du gouverment de Yang.

Voicii en entier la lettre du ministre anglophone

« Mon cher fils,

J’ai décidé d’écrire ce jour au peuple du Southern Cameroon à travers toi parce que tu as un grand forum et une grande audience. Je t’écris pour que le peuple de l’ex-West Cameroon ait des informations de première main sur ce qui se passe entre nous ministres et élites de nos deux régions.

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Beaucoup de gens pensent que nous sommes insensibles, que nous n’avons pas de cœur ni de conscience et que nous sommes aveugles sur ce qui arrive à notre peuple. Honnêtement, je voudrais te faire savoir que nous sommes tout aussi frustrés et abattus par ce que notre peuple subit au quotidien. Laisse-moi être honnête envers toi, mon cher ami. Les massacres sur le terrain sont pires que ce que vous avez l’habitude de publier sur les réseaux sociaux. Notre peuple est tué tous les jours par une armée que nous finançons à travers nos impôts et le pire est à venir.

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Je sais que beaucoup d’entre vous ne nous croiront pas. Nous sommes plus en mauvaise posture que vous. Toutes les oreilles, tous les yeux et tout ce que vous pouvez imaginer sont tournés vers nous. Les gardes du corps autour de nous sont plus nombreux qu’auparavant. Au départ, nous pensions qu’ils avaient pour rôle de nous protéger. Mais aujourd’hui, leurs missions est de nous surveiller et de rendre compte de qui nous rencontrons chaque jour, à qui nous parlons, à qui nous téléphonons et de quoi nous parlons, bref tous les détails sur nous. Tout ceci parce qu’ils ne font confiance à personne d’entre nous. Mais ils ont besoin de nous à leurs côtés pour démontrer à la face du monde que ceux des anglophones qui se plaignent sont une minorité pour la plupart à l’étranger.

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Nous savons que beaucoup d’entre vous se demanderont « pourquoi ne démissionnez-vous pas ? », « Pourquoi ceux qui parmi vous sont hors du gouvernement ne prennent pas position à propos de cette crise ? ». Laisse-moi te dire que le régime de Paul Biya est plus criminel qu’aucun autre régime que tu pourrais imaginer. Et même quand vous avez réussi à quitter ce système, il garde un contrôle sur vous par des moyens tant visibles qu’invisibles. Nous sommes tous confondus, nous sommes tous confus et inquiets et beaucoup d’entre nous pourraient même se suicider si ça ne va plus.

Le président pense que nous ne faisons pas assez pour casser la révolution et dans le même temps, vous notre peuple, vous nous voyez comme des vendus, prêts à tout sacrifier pour nos intérêts égoïstes. Une fois de plus, vous comprenez que nous aussi nous perdons des membres de nos familles dans cette crise. Nous perdons aussi nos biens. Rappelle-toi de la villa d’Arrey Mengot qui a été brûlé dans son village tout comme la résidence du Premier Ministre, et bien d’autres incidents…Parfois, certains de nos collègues dans le gouvernement nous accusent d’être en collusion avec les combattants sur le terrain.

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Nous avons tenu meeting sur meeting. Ceux du Nord-Ouest et ceux du Sud-Ouest et à chaque réunion, il y a toujours des indics pour les renseigner. Tout ce qu’ils veulent c’est briser l’unité qui vous caractérise parce que pour eux, c’est le seul moyen de casser le mouvement. Nous avons tout essayé dans ce sens. En vain. NOUS AVONS MÊME MONTE UN GROUPE DE JEUNES POUR SEMER LA CONFUSION SUR LE TERRAIN.MAIS TOUJOURS ET SOUVENT, ILS SE SONT RETOURNES CONTRE NOUS. ET NOUS AVONS ETE FORCES PAR LE GOUVERNEMENT DE SACRIFIER CERTAINS D’ENTRE EUX (Font-ils allusion aux jeunes massacrés à Menka fin mai dernier ? ndlr)

Nous avons finalement compris que les Anglophones seront dans une situation bien pire. Beaucoup d’entre nous pourraient être tués l’un après l’autre. Nous sommes désormais inquiets quant au futur de notre territoire…Il est possible que ce soit ma première et dernière lettre à toi. J’espère que tu ne dévoileras pas mon identité car si tu le fais, tu sais ce qu’il adviendra de moi à l’immédiat. Je voudrais que tu passes ce message à notre peuple, dis-lui que nous semblons insensibles mais nommes avec vous tous. Nous savons que le salut des Anglophones au Cameroun dépend de la manière dont prendra fin cette révolution.

Sache-le de nous, si vous êtes défaits par les armes, l’histoire vous jugera aussi sévèrement que si vous n’aviez pas démarré cette révolution. Je le dis parce que le traitement auquel nous tous aurions droit par la suite, en tant que peuple, serait inimaginable…Je voudrais plaider au nom des populations qui contribuent en faveur des déplacées qui se trouvent dans différentes forêts. Retiens ceci. Nous ne contribuons pas parce que nous voulons, c’est une obligation et ceux qui ne contribuent pas sont considérés non seulement comme déloyaux mais aussi comme des soutiens aux groupes armés.

…Dans cette contribution, une partie ira aux populations juste pour une mise en scène. Mais une importante autre servira à ce que je ne saurais te dire pour le moment. Je voudrais que tu dises à notre peuple de faire très attention quand il reçoit des membres des délégations gouvernementales que nous formons. Certains à nos côtés sont des militaires (en civil, ndlr)…Les militaires viendront dans les jours qui viennent remettre des motos aux jeunes des communautés sous le prétexte de relancer leurs activités économiques après que celles qu’ils avaient aient été brûlées.

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Celui qui utilise ces motos aura été dupé. Ces motos sont suréquipées d’appareils de localisation, de micro d’enregistrement et de mini-cameras qui permettront aux militaires d’avoir des informations sur ce qui se passe dans la localité. C’est la raison principale pour laquelle j’ai écrit cette lettre. Certains d’entre nous ont refusé de se taire et voir ces actes inhumains se perpétuer.

Vos garçons sont en train de massacrer ces militaires terriblement. Et j’essaye de comprendre comment des jeunes sans formation militaire peuvent le faire. C’est une source de grande inquiétude et nous en sommes horrifiés. C’est pour cette raison que tous les moyens sont mis en œuvre pour vous contenir. J’ai été choqué de voir le ministre de la Défense proposer au gouvernement-qui l’a accepté- que 500 millions de F CFA soient débloqués pour organiser les funérailles de centaines de militaires tués dans nos 2 régions. La liste annexée à cette requête comporte au moins un millier de noms. C’est une humiliation pour cet Etat !

…Je sais que cette décision de débourser cet argent sera publiée sur les réseaux sociaux. C’est horrible, cher frère et le futur est incertain. La situation est devenue confuse depuis que le président a annoncé qu’il se porte candidat pour un autre mandat. Nous pensions qu’il allait céder à la pression internationale et laisser un autre prendre les rênes du pouvoir…Nous sommes dans un dilemme et nous sommes en train de prier pour que vous parveniez à nous libérer tous.

…Les semaines qui viennent seront très dures pour vous et seule l’unité et la coopération vous seront utiles. Le gouvernement va bientôt faire revenir au pays des centaines de snipers formés à l’étranger pour faire plus de dégâts et permettre que la présidentielle se tienne dans les deux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, qu’ils pleuvent ou qu’il neige. Si vous êtes divisés, vous serez vaincus.

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Les députés et sénateurs qui ont tentés de démissionner sont dans de sales draps. Laisse-moi te révéler que plus de la moitié de ces députés et sénateurs veulentt la séparation plus que vous. Mais ils ont peur de ce qui leur arrivera s’ils démissionnent. Je sais que beaucoup d’entre vous diront « mais, ils ont été élu par le peuple ! ». Mais ces parlementaires représentent le gouvernement. Ils font ce que nous leur demandons de faire. Les parlementaires de l’opposition ne peuvent pas démissionner. S’ils le font, les militaires seront à leurs trousses et ils seront traités de terroristes et arrêtés.

Nous sommes déjà en enfer. Nous sommes tous en enfer mon frère. Mes prières sont que ceux qui réussiront à démissionner se réfugient dans une ambassade étrangère pour demander la protection. Autrement, ils vivront pire que ce qu’ils connaissent actuellement. A nos frères et sœurs qui sont dans l’armée. Qu’ils sachent que beaucoup d’entre eux seront tués. Le ministre de la Défense est convaincu que ce sont eux qui vendent des renseignements aux combattants en brousse quand l’armée planifie une attaque. C’est pour cela que bon nombre d’entre eux ont été piégés et tués. Le ministre de la Défense estime qu’il est difficile de travailler avec eux. Je ne sais pas quoi leur conseiller pour se protéger.

Enfin, laisse-moi te dire ceci. Nous allons être obligés de financer des conflits tribaux : banyangui/bakossi, oroko/bakweri, meta/nso’o, etc. Puis ça va dégénérer dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Et si vous tombez dans le piège, vous êtes mal barrés. Si vous êtes sages, ignorez-nous. Le président va bientôt procéder à de vastes nominations sur fond de division pour vous briser, vous, peuple. Mais vous devez rester unis et résistants.

Voilà tout ce que je voulais dire. Si j’ai d’autres opportunités, je n’hésiterai pas à vous aider. Dans le cas contraire, tenez-vous en à ce que je viens de vous dire. J’espère que cette lettre te parviendra avant la survenue des événements que j’ai mentionnés dans la lettre.

Source: www.camerounweb.com