En rébellion vis-à-vis du ministre des Postes et Télécommunications, tutelle technique de l’Agence de Régulation des Télécommunications, le président du conseil d’administration de l’établissement public répond d’une procédure judiciaire initiée par un administrateur. Ce dernier se plaint d’avoir été banni sans fondement des réunions de l’instance de décision de la structure.
M. Simon Kaldjob, le représentant des usagers et bénéficiaires des services des télécommunications au sein du conseil d’administration de l’Agence de Régulation des Télécommunications (ART) ne veut plus laisser aucun répit au Pr Justine Diffo pour jouir pleinement de son mandat au sein de cette instance de décision de la structure. Depuis novembre 2020, le concerné n’a pris part à aucune session du conseil d’administration de l’ART. La faute à la présidente de l’instance (PCA), qui a décidé de l’en éloigner par tous les moyens. Après de vaines interventions du ministre des Postes et Télécommunications (Minpt) pour un retour à la normale, M. Kaldjob vient de saisir le juge administratif dans l’espoir de briser ce qui ressemble à l’intransigeance de Mme Diffo.
Le 4 octobre dernier, le représentant des usagers et bénéficiaires des services des télécommunications au sein du conseil d’administration de l’ART a en effet introduit un recours contentieux auprès du président du Tribunal administratif du Centre dans le but de faire sanctionner ce qu’il considère comme un «excès de pouvoir» de la présidente du conseil d’administration (PCA) de l’ART contre sa personne. Cette procédure judiciaire suit son cours pendant qu’une autre, celle-là orientée vers le juge pénal, est en préparation. Le plaignant espère ainsi à la fois recouvrer ses droits d’administrateur, mais aussi faire sanctionner certains autres actes qu’il attribue à son adversaire. Le combat, désormais incontournable, s’annonce épique.
Décision unilatérale
Désigné comme membre de ce conseil en 2016, comme on le découvre dans le recours dont Kalara a pris connaissance, M. Kaldjob y a assumé régulièrement son rôle depuis lors, jusqu’à l’arrivée de Mme Diffo à la présidence de l’instance, en remplacement de M. Hessanat Mahamat. Le 9 juin 2020 d’ailleurs, la nouvelle PCA avait bien convié le membre du conseil à une session qu’elle avait présidée. Ce fut la dernière fois que ce dernier tint sa place au sein de l’instance. Maître Léopold Louis Lambert, avocat de M. Kaldjob, écrit dans son recours que «de façon vraiment curieuse, l’actuel président du conseil, sans aucun problème à la base, a décidé unilatéralement de ne plus convoqué le requérant aux assises et autres travaux du conseil». C’était en novembre 2020.
Faisant recours aux textes portant réorganisation et fonctionnement de l’ART, M. Kaldjob a essayé, dans un premier temps, d’obtenir que le ministre des Postes et Télécommunication, tutelle technique de l’établissement public, trouve une solution au différend naissant avec le PCA. «Par correspondances respectives du 10 décembre 2020 et du 3 janvier 2021, accuse l’avocat du recourant, Mme le ministre des P&T a enjoint le PCA à convoquer sieur Kaldjob Simon pour les sessions des 14 et 15 décembre 2020 et pour celles du 2 au 5 février 2021 […]. Mme le PCA refuse toujours de donner suite aux correspondances de la tutelle technique […]. Une fois de plus, le requérant n’a pas été convoqués aux travaux tenus le 27 avril 2021». Le contenu de certaines des correspondances du ministre de tutelle évoquées par l’avocat de M. Kaldjob est révélateur de l’épaisseur du mur que Mme Diffo a dressé contre toute intervention en faveur de la participation de son collaborateur aux réunions du conseil d’administration.
Ainsi, dans un courrier du 3 février 2021, Mme Libom Li Likeng Minette, le ministre des P&T, qui dit agir conformément aux instructions du Premier ministre et de la présidence de la République, fait les observations suivantes : «Il me revient que sur votre instruction, le représentant des usagers et bénéficiaires des communications électroniques au conseil d‘administration a été empêché d’accéder à la salle des travaux du conseil, avec des voies de fait le 14 décembre (2020). De surcroît, jusqu’à date, vous avez réitéré l’illégalité, en omettant de convoquer ledit administrateur pour prendre part à la session du conseil d’administration programmée le 5 février 2021. En tout état de cause, et dans le rôle de tutelle technique, je rappelle qu’en l’état actuel de la réglementation régissant l’ART, le PCA ne peut pas, de son propre chef, arguer de quelque outrage que ce soit pour interdire à un administrateur de prendre part aux sessions du conseil, a fortiori le démettre».
Achat de place ?
En fait, M. Kaldjob explique avoir tenté d’aller rencontrer le Pr Diffo pour comprendre sa mise à l’écart, sans succès. Pis : à l’occasion de cette visite non aboutie, l’administrateur aurait été bloqué de force par la garde du PCA de l’ART. Le représentant des usagers et bénéficiaires des services des télécommunications aurait perdu sa tablette dans cette circonstance. Un matériel qui serait encore confisqué au cabinet du PCA, suscitant, du reste, la plainte devant le juge pénal déjà évoquée. L’administrateur, qui dit ne pas être au courant des raisons officielles du traitement qui lui est infligé, croit désormais dur comme fer qu’il fait l’objet d’un abus pour avoir «dénoncé des recrutements à l’ART sur la base d’achat de place et de corruption». Il suppose aussi que le fait pour lui de s’opposer parfois à la validation de certains comptes de l’entreprise, pourrait lui valoir les foudres qu’il dit subir. Mais tout cela relève de la spéculation.
Le PCA de l’ART, que Kalara a approché dans le but d’avoir sa version des faits aussi bien sur ses divergences avec la tutelle technique de l’établissement public que sur son attitude à l’égard d’un administrateur de la structure, n’a pas réagi comme souhaité. Tantôt prise dans le cadre du voyage récent de M. le Premier ministre dans la Région du Nord-Ouest, tantôt en déplacement à l’Ouest du pays, dans le cadre des obsèques de feu M. le sultan, roi des Bamouns, le Pr Diffo n’a finalement pas accepté d’éclairer la lanterne de votre journal. Une chose est sûre : le PCA de l’ART ne pourra pas se dérober devant la justice. C’est en tout cas ce dont est sûr M. Kaldjob.