A Kerawa, les habitants prévoient de retourner prochainement à leurs champs qu’ils avaient été contraints d’abandonner du fait des exactions de Boko Haram
Les populations de l’Extrême Nord du Cameroun, qui ont dû abandonner champs et maisons en raison des exactions perpétrées par Boko Haram, retrouvent peu à peu l’espoir de regagner leurs terres, au regard des victoires répétées de l’armée camerounaise, ces dernières semaines, sur le groupe terroriste.
Kerawa, Mora, Mokolo, Archimdé ou encore Kousseri, autant de localités qui se sont vidées en quelques mois de plusieurs milliers de leurs habitants fuyant l’horreur des attaques du groupe armé.
A Kerawa, village camerounais séparé du Nigéria voisin par une petite rivière appelée Mboua, la population, essentiellement constituée d’agriculteurs et d’éleveurs, n’a qu’un rêve : emmener paître son bétail “comme avant”.
Un rêve qu’elle touche du doigt ces derniers temps.
Comme nombre de ses pairs, Aladji Mahamat à “hâte” de retrouver son champ de mil, à l’entrée nord de Kerawa, “pas très loin de la frontière”, qu’il a été forcé d’abandonner il y a quelques mois.
“Avant, j’allais au champ tous les jours. Je cultivais du mil, du bon mil. Et avec l’argent de la récolte, je parvenais à nourrir ma femme et mes enfants” se remémore-t-il.
Mais, face aux “terroristes qui tuent, pillent et kidnappent”, il a “tout laisser tomber”.
Aujourd’hui, pourtant, il “croit enfin” que la situation “n’est plus que temporaire”. Comme Aladji, Malloum Ali, est un jeune agriculteur qui cultivait du mil et des oignons dans le champ hérité de son père et vendait du bois durant la saison “creuse” (lorsqu’il n’y avait pas récolte).
“Nous avons tous abandonné nos champs lorsque Boko Haram est arrivé. On nous avait aussi interdit de cultiver le mil car, les membres de Boko Haram pouvaient s’y cacher. Aujourd’hui, je vis d’un petit commerce en attendant de retrouver, bientôt, mon champ”, dit-il, dans un sourire.
Un espoir nourri par les victoires de “l’armée camerounaise qui a clairement repris le dessus sur le groupe terroriste” lance Seiny Boukar Lamine, maire de l’arrondissement de Kolofata qui comprend Kerawa.
“La situation s’améliore considérablement”, assure-t-il d’ailleurs.
Pour “chasser définitivement” Boko Haram, de nombreux jeunes agriculteurs et éleveurs ont intégré le comité de vigilance de Kerawa composé d’une centaine de jeunes.
“Nous aidons l’armée à combattre Boko Haram en leur fournissant des renseignements et nous espérons tous les chasser pour pouvoir regagner nos champs. Nous prévoyons déjà de racheter du bétail, petit à petit, dès que la guerre prendra complètement fin”, renseigne Aladji Mahamat.
Les populations de l’Extrême Nord espèrent retrouver leur vie d’avant Boko Haram.
Mahamat explique qu’aujourd’hui, les forces de défense camerounaises accompagnent parfois des habitants qui vont “en groupe dans leurs champs rapprochés, afin de récupérer des récoltes”. Une situation improbable il y a encore quelques mois.
“La situation est tout à fait différente à présent. Nous avons réussi à développer une stratégie de planification qui porte ses fruits sur le terrain. La population en est ravie et accueille les forces de défense en héros. Ce combat nous a tous rapproché”, confirme le colonel Didier Badjeck, chef de la division Communication au ministère de la Défense du Cameroun.
“Aujourd’hui, notre armée est entrain de chasser tous les éléments de Boko Haram. Il y a quasiment plus d’attaques comme avant, en dehors de quelques kamikazes qui se font exploser. Je pense que bientôt, nous retournerons au champ sans problème”, espère Hachim Hashimi, jeune nigérian de Kérawa Nigéria qui a aussi une “grande famille du côte Kerawa Cameroun”.
Plus de 330 attaques de Boko Haram ciblant, la plupart du temps, des villageois, ont été répertoriés entre août 2014 et mars 2016, par l’armée camerounaise. Ces attaques ont provoqué le déplacement internes de plus de 170 mille camerounais de l’Extrême Nord- région la plus peuplée du pays avec près de 3 millions d’habitants-, qui ont trouvé refuge dans des “villes plus calmes”, avait annoncé lundi, à la presse, le Directeur Régional de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) en Afrique de l’Ouest et du Centre, Richard Danziger.
Toutefois, ces dernières semaines, les troupes camerounaises, déployées aux frontières nigérianes, dans le cadre de la Force Multinationale Mixte des Etats du Bassin du Lac Tchad (FMM), ont infligé de lourdes défaites aux assaillants nigérians.
Ainsi, près de 300 combattants de Boko Haram ont été tués et environ 2000 otages ont été libérés, au cours d’une récente opération conjointe menée dans le nord du Nigéria, par les soldats camerounais et les militaires nigérians du 152 ème bataillon, avait révélé, en début de semaine, le général camerounais Bouba Dobekréo, Commandant du premier secteur de la FMM.
Une base logistique de Boko Haram dans laquelle le groupe fabriquait des explosifs avait également été détruite au cours de cette opération, tandis que de nombreux arsenaux de guerre avaient été saisis, d’après la même source.
Première mission d’envergure créée en Afrique pour lutter contre Boko Haram, la Force multinationale mixte (FMM) regroupe plus de 10 mille militaires issus du Nigéria, du Cameroun, du Tchad, du Niger et du Bénin. Elle est entrée dans sa phase opérationnelle depuis novembre 2015. Depuis, plusieurs “victoires” ont été enregistrées.