Dans sa lettre ouverte adressée au peuple camerounais et à Paul Biya, la présidente du CPP, Mme Kah Walla est revenue sur l’extradition des leaders séparatistes du Nigeria vers le Cameroun. Selon elle, il s’agit tout simplement d’un « kidnapping international », car le régime Biya est habitué à ces manœuvres depuis des lustres.
Ci-dessous l’intégralité de sa lettre ouverte.
Dans le Sud-Ouest et le Nord-Ouest, la crise a atteint des proportions aiguës.
Des centaines sont morts y compris des civils et des forces armées, des milliers sont illégalement incarcérés, nous comptons aujourd’hui entre 15 000 et 45 000 réfugiés.
Les attaques des groupes armés se multiplient chaque jour, les représailles des forces armées entraînent la perte de vies innocentes et la destruction de villages entiers. Les effets sociaux et économiques de tout ce qui précède sont désastreux.
Aucun camerounais n’est exempté. Nous payons tous et continuerons à payer pendant des décennies, le prix de la gouvernance irresponsable qui a conduit notre pays à ce point. Que pouvons-nous faire? Aujourd’hui, nous vous demandons de joindre votre voix à celle de deux groupes qui commettent des actes de violence dans notre pays et qui mettent en danger la vie des Camerounais.
Au régime de Biya et au gouvernement du Cameroun:
Vous êtes le seul groupe responsable de la situation de notre pays. Il y a trente-cinq ans, un pays prospère et pacifique vous a été remis. Pendant trois décennies, vous nous avez menés sur la voie de la pauvreté et des conflits croissants. Aujourd’hui, nous sommes au bord de la guerre pure et simple. Il est temps que cela s’arrête. En tant que régime, vous devez prendre des mesures immédiates pour veiller à ce que notre pays ne s’écroule pas complètement.
1. Vous avez affirmé que vous êtes en possession de Sisiku Ayuk Tabe et de 46 autres leaders du mouvement séparatiste au Cameroun. Le processus juridique par lequel ces dirigeants ont été transférés du Nigeria au Cameroun n’est pas clair. Le processus juridique par lequel vous les détenez et par lequel ils seront jugés n’est pas clair. Ce mépris continu de la primauté du droit par votre régime a enflammé et exacerbé la crise anglophone aux proportions extrêmes qu’elle connaît aujourd’hui.
Nous, Camerounais, exigeons que vous corrigiez immédiatement cette situation en faisant ce qui suit:
• Assurer immédiatement que ces dirigeants aient accès à leurs familles et à leurs avocats. C’est leur droit garantit par la loi camerounaise. Votre violation continue de la loi crée des tensions et de la panique parmi leurs adeptes. Cette situation entraînera davantage de conflits et d’effusions de sang si elle n’est pas réparée immédiatement.
• Expliquer aux Camerounais quel processus légal a été utilisé pour extrader ces personnes. Au cours des dernières années, le gouvernement du Cameroun a régulièrement enlevé et incarcéré ses propres citoyens. Sans explication, nous sommes obligés de croire que vous avez maintenant recours au kidnapping international.
2. Au cours des dernières années, vous avez illégalement arrêté et continuez à détenir des milliers de Camerounais. Notamment des régions de l’Extrême Nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Au nom de la lutte contre Boko Haram ou des extrémistes anglophones, vous avez illégalement privé des milliers de leurs droits fondamentaux en tant que citoyens en leur refusant un procès légal et pour beaucoup les soumettant à la torture et à des conditions de détention inhumaines. Les plus connus sont Ahmed Abba, Ivo Fomusoh, Nivelle Nfor, Azah Levis, Bibixy Mancho et Terrence Penn, mais il y en a des milliers d’autres.
Nous, camerounais, exigeons que vous corrigiez immédiatement cette situation en faisant ce qui suit:
• Libérez immédiatement toutes les personnes arrêtées sans procédure légale! Vous avez déjà causé des dommages indescriptibles à la vie de ces milliers de jeunes et de leurs familles. Relâchez-les immédiatement afin qu’ils puissent commencer à guérir et à reconstruire leur vie.
3. L’échec de ce régime nous a mené au bord de la guerre. Ne nous emmenez pas plus loin dans la guerre. Démissionnez.
Aux différents groupes armés qui luttent dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest
Il ne fait aucun doute que c’est le régime de Biya qui a introduit et suscité la violence dans la lutte pour les droits anglophones ;
Il ne fait aucun doute que l’État camerounais a continuellement utilisé une force disproportionnée pendant l’année écoulée dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest ;
Il est clairement établi que le Gouvernement camerounais a systématiquement pris pour cible des civils et puni des masses d’innocents pour des crimes commis par quelques-uns; Il ne fait aucun doute que votre décision d’utiliser la violence pour lutter pour vos droits a puni et continue de mettre en danger la vie des anglophones pour lesquels vous vous battez.
Tous les anglophones, qu’ils soient séparatistes, fédéralistes ou même ceux qui sont attachés au modèle centralisé actuel, s’entendent sur la nécessité de mettre fin à la discrimination et de s’assurer que les anglophones jouissent de tous leurs droits en tant que citoyens. Toutefois, peu d’anglophones approuvent le recours à la violence comme moyen de se battre pour ces droits. Vous nous avez imposé cette violence et la plus grande victime est la population anglophone. Avant que vous commenciez à utiliser la violence, les anglophones faisaient entendre leur voix par des manifestations non violentes: marches, villes mortes, grèves, etc. Ce n’était pas un combat facile, mais la bataille continuait et vous aviez une autorité morale contre un gouvernement qui viole les droits humains fondamentaux. Depuis que vous avez commencé à recourir à la violence, l’armée s’est sentie justifiée de multiplier sa violence par dix. Aujourd’hui, les dizaines de milliers d’anglophones ont perdu leur foyer et fuient en tant que réfugiés et personnes déplacées. Tout le monde sait quand la guerre commence. Personne ne sait quand cela se termine. Saviez-vous qu’une fois qu’une personne devient un réfugié, le temps moyen passé dans ce statut est de 4 à 10 ans? Vous avez placé les anglophones au centre de la guerre ouverte.
En tant que camerounais, nous demandons que vous cessiez immédiatement l’usage de la violence dans la lutte pour les droits anglophones.
• Les personnes dont la vie est menacée par cet usage de la violence sont des anglophones. Quand reconstruiront-elles ces maisons qui ont été incendiées? Quand retrouveront- elles les moyens de subsistance qu’elles ont perdu ?
• Les soldats qui ont été tués suivent les ordres. Ils n’ont aucun pouvoir pour prendre des décisions susceptibles de changer le sort des anglophones. Certains d’entre eux sont anglophones. Ces meurtres causent de grandes souffrances aux innocents et n’ont pas fait avancer la cause anglophone d’un iota.
• Vous combattez une cause juste avec des moyens injustes. Cessez et renoncez à la violence. Laissez-nous continuer le combat sans violence.
Chers Camerounais,
Rejoignez-nous quand nous levons la voix pour dire: NON! à la violence, quel que soit l’auteur. Rejoignez-nous quand on dit: OUI! Au respect des droits de l’homme fondamentaux pour tous. OUI! Au respect des procédures légales dans toutes les arrestations et détentions. OUI! Pour libérer tous ceux et celles injustement arrêtés de l’Extrême Nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. OUI! Au départ de ce régime défaillant qui semble déterminé à nous couler tous avec le navire qu’il a mal géré pendant 35 ans. Nous ne permettrons pas que cela arrive. Levons nous pour nos droits. Levons nous pour nos concitoyens.
Levons nous pour notre pays.
Soyons Debout pour le Cameroun !
Pour le Cameroon People’s Party
Kah Walla