Les recherches continuent sur le site de cette catastrophe écologique mais on désespère de trouver les corps d’autres victimes.
Samedi, 9 novembre 2024, à 12h, lorsqu’arrive le cortège du gouverneur de la Région de l’Ouest sur le site de l’éboulement du 5 novembre dernier, les sauveteurs n’ont retiré qu’un seul nouveau corps. La veille, vendredi 8, la moisson avait été plus prolifique : six corps avaient été sortis de terre, portant le total des morts à douze. Jusqu’à 16h, au moment où les fouineurs, composés d’une compagnie des sapeurs-pompiers et de conducteurs d’engins civils de la Commune de Dschang interrompaient les fouilles, plus rien n’a été trouvé. La veille, outre les corps, ils avaient déterré trois véhicules (1 Coaster, 1 Picnic, un véhicule de livraison de la société Camlait) et une moto. Les fouilles de la journée ont pourtant porté sur un espace que de nombreuses personnes présentent comme le réceptacle idéal de la traînée de terre qui a enseveli tout sur son passage ce jour de malheur. Deux tractopelles et une pelle-chargeuse sont à pied d’œuvre, dans un exercice qui connaît des ratés. Une nouvelle fois, un engin a été renversé par le mouvement de la terre et il a perdu tout son carburant. Comme le premier jour, le conducteur est sorti sauf.
Douloureuse attente
Malgré les balises sécuritaires et la présence dissuasive des gendarmes, de nombreuses familles campent sur les lieux, assises sous des arbustes et à même la route, des deux côtés de la faille créée par l’effondrement d’un gros pan de sol. Elles espèrent avoir des nouvelles des leurs. De nombreuses personnes sont annoncées comme disparues. Comme Olivier, employé à la commune de Santchou et missionné sur la colline pour superviser l’enlèvement des premières mottes de terre et dont on n’a pas les nouvelles depuis lors. La jeune Davila Sonfack explique que sa tante était dans l’un des véhicules qu’on recherche, en compagnie de son mari dont le corps a été retrouvé. Georges P. veut le corps de sa mère, qu’il a personnellement mis dans un véhicule ce jour maudit. Ils sont convaincus que plusieurs véhicules et leurs passagers sont enfouis dans la terre, malgré les fouilles infructueuses. Plusieurs personnes, dont la colline constituait leurs champs, ne sont pas réapparues depuis la survenue de l’accident géologique. Dès qu’un corps est trouvé, c’est la course à l’identification. Plusieurs victimes ont déjà ainsi été inhumées, cependant que d’autres attendent à la morgue de l’hôpital régional annexe de Dschang.
Les familles désapprouvent la vitesse et la manière dont les fouilles sont menées. Quelques-uns pensent même que l’administration devrait associer les populations aux travaux, pour que les choses aillent vite. Elles soulignent surtout que des recherches plus fructueuses devraient être faites dans les bas-fonds environnants. Pour l’instant, la zone est interdite au public, malgré l’impatience et surtout l’insouciance des usagers. A vue d’œil, d’autres fentes sont visibles sur le mur, signe que le danger n’est pas totalement épargné. « Ceux qui ont parcouru cet axe routier ces jours-ci ont vu de nombreuses chutes de blocs en route le long du trajet. C’était des indices d’instabilité du massif à plusieurs endroits. (…) Les répliques vont se produire encore, parce que la nature cherche à retrouver son équilibre naturel. Il ne faut pas se précipiter pour rétablir la circulation dans cet axe routier au risque de provoquer d’autres déséquilibres dans le site. Il n’est pas exclu que le fait d’avoir cherché à rétablir la circulation après le premier éboulement à 10h30 mn a facilité le 2ème écroulement plus important. Des indices sont encore visibles sur le site comme l’apparition de nouvelles sources d’eau jaillissantes au pied. L’activité humaine a un très faible impact sur l’occurrence du phénomène. La grande épaisseur du manteau d’altération et la forte pente du massif ont bénéficié de l’apport d’eau pour se mettre mouvement », prévient le Pr Kagou, au nom d’une équipe de géologues et de géographes de l’Université de Dschang descendue sur le site.
Danger permanent
Silence radio du côté du Délégué régional des Travaux publics de l’Ouest. Pas de trace non plus de la Direction de la protection civile, encore moins des experts du Ministère en charge de la protection de l’environnement. « Pour l’instant, nous faisons des fouilles. Le Ministre des Travaux publics va dépêcher une mission sur place (cette) semaine pour les études physiques et géotechniques. On pourrait alors envisager une voie de contournement pour les petits véhicules », a expliqué Awa Fonka Augustine, le gouverneur de cette région, qui a établi son état-major de crise sur le site.
A l’entour, en descendant vers Santchou, l’on observe que des travaux de confortement de certains points critiques sur cette route, surutilisée pour joindre le Littoral, en raison du piteux état de la RN5 qui passe par Bafang, trainent malheureusement depuis trois ans. Et beaucoup sont morts à cause de cette habitude bien camerounaise, qui veut que chacun soit toujours pressé et qu’on ne respecte pas le code de la route. Des techniciens rapportent que sur le site du dégagement de la voie bloquée, les usagers avançaient au fur et à mesure des mouvements des engins. Pour être les premiers à traverser. Le désordre des motos a aggravé la situation. L’embouteillage créé, d’autres sont sortis pour faire des vidéos et organiser des « directs ». Dans une zone qui héberge de nombreuses ruches, certains n’ont ainsi eu la vie sauve que parce qu’ils fuyaient les piqûres d’abeilles que les bruits d’engins lourds avaient énervées.
Ref: Le Jour