Fame Ndongo est un lobby béti fantasmé - François Soudan[Jeune Afrique]

Fame Ndongo Dilemme Le magazine Jeune Afrique a consacré une grande enquête au Cameroun

Mon, 12 Mar 2018 Source: Jeune Afrique No 2977

Le magazine Jeune Afrique dans sa publication d’hier dimanche a consacré une grande enquête au Cameroun et à l’entourage du chef de l’État Paul Biya.

Évoquant ses souvenirs avec le sérail, l’éditorialiste français François Soudan n’a pas manqué de mots pour qualifier certains collaborateurs de Paul Biya comme Laurent Esso, Amadou Ali ou encore le Prof Fame Ndongo. Extrait…

À partir du milieu des années 1990, j’ai vu peu à peu ces sources précieuses se tarir à mesure que le biyaïsme glissait dans l’incommunicabilité cultivée comme une technique de gouvernement, à mesure aussi que s’installait au sein du pouvoir un climat de mé?ance et de dé?ance dont le grand marionnettiste d’Etoudi tirait les ?celles, imperturbable, impénétrable et souriant. Une nouvelle génération, qui a totalement intégré les règles du « code Biya », a depuis progressivement accédé au manège gouvernemental.

De ceux que j’ai fréquentés et (parfois) appréciés, ne restent que quelques insubmersibles: le rude et loyal Amadou Ali, l’homme de Kolofata et d’un Extrême-Nord trop longtemps considérés comme un réservoir de «bétail électoral», trop longtemps martyrisé par les tueurs de Boko Haram; Laurent Esso, lisse comme un galet, prudent comme un chanoine, dialecticien hors pair et ?n connaisseur du cortex de son mentor depuis trente-cinq ans, à qui il a d’ailleurs ?ni par ressembler; Bello Bouba Maïgari, baobab foulbé de la Bénoué, le seul à avoir servi sous Ahidjo, ex-Premier ministre, ancien candidat à la présidentielle, cantonné depuis sept ans au ministèreduTourisme,mais toujours numéro trois du gouvernement; Jacques Fame Ndongo, croisé sur les bancs de l’École supérieure de journalisme de Lille au début des années 1970, intellectuel organique d’un lobby béti fantasmé et écrivain de talent…

Eux siègent encore à la table d’un banquet dont l’ami Pierre Moukoko Mbonjo s’est éloigné pour gagner les hauteurs d’Addis, où il dirige désormais l’unité des réformes institutionnelles de l’Union africaine. Eux sont libres, alors que le couperet aveugle de l’opération Épervier a tranché avec violence les destins de Marafa Hamidou Yaya, Yves Michel Fotso, Jean-Marie Atangana Mebara et de quelques autres, condamnés à une mort à crédit dans leurs cellules de Kondengui, embastillés pour s’être trop rapprochés du soleil.

«Out of Cameroon » donc, mais ?nalement si proche encore. Car de mon dernier séjour à aujourd’hui, rien n’a vraiment changé. Sous les eaux dormantes d’une vie politique vitrifiée par le grand hypnotiseur, les mêmes courants s’agitent jusqu’à l’épuisement. Il y a un quart de siècle, Paul Biya a eu, pour qualifier son pays, ses compatriotes et lui-même, cette phrase mythique, version locale du «il faut que tout change pour que rien ne change» de Giuseppe Tomasi et beaucoup plus subtile qu’il n’y paraît: «Le Cameroun, c’est le Cameroun.» Tout était dit, ou presque.

Source: Jeune Afrique No 2977