Fatimatou Nene, la femme qui a bravé les interdits par amour pour son pays.

Nene Fatimatou Les jeunes parlementaires sont désormais poursuivis par la sinistre police du terrible Fochivé

Thu, 18 Jul 2024 Source: Arol Ketch

C’est l’histoire d’une femme qui a bravé les interdits par amour pour son pays. Elle fait partie des femmes qui ont marqué l’histoire de la contestation estudiantine au Cameroun.

On se souvient aussi des intrépides Ange Tekam Guiadem alias Margaret Thatcher, une dame de fer ou encore de Elbe Elsy alias Winnie Mandela ( leur histoire aussi mérite d’être racontée)

Fadimatou Néné a fait partie du fameux parlement estudiantin du début des années 1990. Elle a réussi à s’imposer comme l’une des « leaders » de la contestation dans une société patriarcale, phallocratique où les femmes sont souvent reléguées au second plan.

Originaire du Nord Cameroun où la religion et la tradition assigne à la femme un rôle particulier et une certaine manière de comporter, elle a bravé tous les interdits pour jouer un rôle d'avant-garde dans les luttes populaires. Elle avait à cœur de mener le combat de sa génération.

Elle va intégrer le « parlement » et mener la lutte pour le respect des droits des citoyens et va aussi mener les luttes pour le multipartisme et la démocratie au Cameroun. Elle a été avec ses compagnons au front au début des années 90 pour réclamer l’amnistie générale pour les détenus et les exilés politiques, la tenue de la conférence nationale souveraine.

Excellente oratrice, elle savait haranguer les foules et ses discours enflammés avaient la particularité de toucher les cœurs.

Les principaux membres du « Parlement » seront radiés à vie des universités camerounaises alors qu’ils s’opposaient à la réforme du ministre Titus Edzoa du 19 janvier 1993. Il avait décidé de supprimer les bourses aux étudiants et de porter les droits d'inscription de 3300 F à 50.000 F.

Le pouvoir s'était rendu compte que la grande mobilisation des étudiants dans le cadre du Parlement risquait de faire échouer la prétendue réforme ; d’autres part en cette période de bouillonnement politique au Cameroun, ces jeunes étaient très proches de l’opposition ; il faut les balayer de la scène. Le 3 juillet 1993, ils sont exclus à vie des universités du Cameroun. Et l'exclusion portait la signature d'un certain Titus Edzoa.

Les jeunes parlementaires sont désormais poursuivis par la sinistre police du terrible Fochivé qui veut les éliminer ; leur scolarité est désormais mis en péril. Ils décident de lancer l’opération « Exodus ». Une opération mieux un appel à l’aide visant à quitter le Cameroun pour être en sécurité et retrouver les chemins de l'école quelque part dans le monde.

Djeukam Tchameni qui résidait en exil à Ouagadougou au Burkina avait alors répondu favorablement à cet appel et dans le cadre son association « Cap Liberté », va aider plusieurs étudiants membres du « parlement » à quitter le Cameroun pour le Burkina Faso.

Fadimatou va jouer un rôle déterminant dans cette opération. Elle est chargée de retrouver tous les exclus, et leur donner des indications sur l'itinéraire à suivre et les relais au Nigeria, au Bénin au Togo et enfin l'adresse de leur destination finale. Elle quitte le Cameroun 18 août 1993, destination : Ouagadougou.

Son exil au Burkina Faso, sera très difficile ; un véritable en enfer. Elle et plusieurs camarades seront expulsés du Burkina Faso le 11 septembre 1993. Un premier groupe sera abandonné à la frontière avec le Nord du Bénin, un second groupe sera jeté au Nord du Togo et le dernier groupe, celui de Fadimatou sera conduit sous escorte en Côte d’Ivoire.

Elle va s’y établir et refaire une nouvelle vie. En effet, basée à Abidjan, elle va se former. Elle a été consultante en communication et sur les questions de gouvernance politique et de démocratie.

Dans une interview accordée à Pius Njawé en 1999, elle adressait le message suivant à la jeunesse estudiantine camerounaise : « Je commencerai par les étudiants en leur disant toujours d'avoir à l'esprit cette citation de Franz Fanon qui disait "chaque génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir".

Personne ne viendra se battre à leur place. Nous autres si nous étions restés, nous ne serions plus du mouvement estudiantin. La liberté ne se donne pas elle s'arrache. Nous avions fait ce que nous devions faire, certains ont tenté de continuer et très vite ils ont été sauvagement réprimés, mais cela ne doit pas effrayer les autres. Seule la lutte paie »

Dès 1999, elle était convaincue que le changement au Cameroun ne se fera pas dans les urnes : « Je reste par ailleurs convaincue que le changement ne se fera pas par les urnes. Biya briguera un autre mandat et après cela il cédera sa place peut être à son rejeton Franck ou à un de ses proches. Les politicards du genre Bello Bouba pour l'aider à légitimer son pouvoir sont nombreux sur notre scène politique. »

Source: Arol Ketch