Jeune Afrique dévoile les coulisses d'un affrontement qui dépasse les ego : celui entre le secrétaire général de la présidence et le ministre de la Communication illustre la bataille entre la vieille garde du régime et un nouveau cercle proche de la première dame.
Derrière la confrontation spectaculaire du 8 juillet 2025 révélée par Jeune Afrique se cache une lutte de pouvoir aux enjeux bien plus vastes qu'un simple clash d'ego entre deux personnalités. Le magazine panafricain décrypte les ressorts d'une guerre souterraine qui oppose deux conceptions du pouvoir au Cameroun.
Selon les informations exclusives recueillies par Jeune Afrique, Ferdinand Ngoh Ngoh incarne désormais "un cercle plus resserré, perçu comme proche de la première dame, Chantal Biya". Cette proximité avec l'épouse du président constitue la clé de voûte de son pouvoir croissant au sein de l'appareil d'État.
Le magazine révèle que c'est précisément cette ascension fulgurante qui exaspère les barons historiques comme René Emmanuel Sadi. Pour ces derniers, Ngoh Ngoh représente une rupture avec les codes établis depuis des décennies : celle d'un pouvoir qui ne s'acquiert plus par l'ancienneté et la loyauté au président, mais par la proximité avec son entourage familial.
Jeune Afrique dévoile comment Ferdinand Ngoh Ngoh aurait orchestré une mise à l'écart progressive des anciens compagnons de Paul Biya. La nomination de René Emmanuel Sadi au ministère de la Communication en 2018 en constitue l'exemple le plus frappant. "Le poste qu'on lui a attribué à la Communication, c'était avant tout pour l'humilier", confie une source proche de la présidence au magazine.
Cette stratégie de marginalisation ne s'arrête pas là. Jeune Afrique rapporte que lors de la réunion du 8 juillet, les "piques à peine voilées" de Ngoh Ngoh contre Sadi visaient à discréditer publiquement le ministre de la Communication, suggérant que ses interventions médiatiques relevaient de "l'improvisation".
Pour les observateurs interrogés par Jeune Afrique, cette humiliation publique devant ministres et parlementaires n'était pas anodine : elle visait à rappeler qui détient réellement les clés du pouvoir à Yaoundé.
Le magazine révèle que le conflit entre Ngoh Ngoh et Sadi dépasse les questions de personnes pour toucher au fonctionnement même de l'État. Selon Jeune Afrique, René Emmanuel Sadi "se considère comme un connaisseur des usages du pouvoir" et estime que "certaines interventions médiatiques relèveraient d'une véritable confiscation de la parole présidentielle".
Cette conception traditionnelle du pouvoir, où seul le président détient le monopole de la communication politique, s'oppose frontalement à la pratique instaurée par le clan Ngoh Ngoh. Jeune Afrique cite notamment l'exemple de Jacques Fame Ndongo, perçu comme un relais du secrétaire général de la présidence, qui n'hésite pas à affirmer sur RFI que "Paul Biya sera candidat à 100%" sans mandat présidentiel explicite.
Six mois après la confrontation du 8 juillet, Jeune Afrique révèle qu'un nouveau contentieux a ravivé les tensions. Après la mort en détention de Georges Anicet Ekane, René Emmanuel Sadi est sorti de sa réserve dans un message privé diffusé sur les réseaux sociaux.
Le magazine rapporte que Sadi, "visiblement affecté", a mis "implicitement en cause le ministre de l'Administration territoriale, Paul Atanga Nji" – considéré comme proche du clan Ngoh Ngoh – et déploré "des décisions prises sans concertation, laissant entendre qu'il n'aurait pas agi de la même manière".
Pour Jeune Afrique, cette sortie constitue une critique à peine voilée des méthodes du nouveau cercle de pouvoir, accusé de court-circuiter les procédures établies et de marginaliser les instances collégiales de décision.
Malgré ses quarante ans de service et sa stature de baron historique, René Emmanuel Sadi se trouve dans une position de faiblesse structurelle face à Ferdinand Ngoh Ngoh. Jeune Afrique explique que "le retrait progressif de Paul Biya de la vie publique" a créé un vide que le secrétaire général de la présidence s'est empressé de combler.
Une source citée par le magazine résume crûment la situation : "S'il était possible de démissionner, il [Sadi] l'aurait fait depuis longtemps". Cette confidence illustre le piège dans lequel se trouvent les barons historiques : prisonniers d'un système qu'ils ont contribué à bâtir, mais dont ils ne contrôlent plus les leviers.
Au-delà du duel entre deux hommes, Jeune Afrique analyse comment cette confrontation préfigure les luttes pour la succession de Paul Biya. Le magazine rappelle qu'une "légende tenace" présente René Emmanuel Sadi comme ayant participé "à un huis clos ayant réuni Ahmadou Ahidjo, Paul Biya et lui-même, au cours duquel l'idée d'une succession en sa faveur aurait été évoquée".
Cette légitimité historique, même hypothétique, fait de Sadi un obstacle symbolique pour Ferdinand Ngoh Ngoh et le clan qu'il représente. En marginalisant les barons historiques, le secrétaire général de la présidence semble vouloir fermer définitivement la porte à toute prétention successorale de la vieille garde.
Jeune Afrique constate que "malgré le séisme de la présidentielle du 12 octobre dernier, tous continuent pour le moment de servir, avalant la couleuvre de leur marginalisation". Mais le magazine avertit : "La guerre des clans ne s'en poursuit pas moins".
Cette guerre d'usure pourrait durer tant que Paul Biya reste en fonction. Car, selon les analyses de Jeune Afrique, ni Ferdinand Ngoh Ngoh ni René Emmanuel Sadi ne peuvent prétendre s'imposer sans l'arbitrage – ou la disparition – du président actuel.
En attendant, chaque intervention publique, chaque décision ministérielle, chaque nomination devient un champ de bataille où s'affrontent deux visions du Cameroun post-Biya. L'une incarnée par les héritiers autoproclamés de quarante ans de fidélité, l'autre portée par un nouveau cercle qui mise sur la proximité avec la famille présidentielle.
Jeune Afrique révèle ainsi que derrière les façades protocolaires du pouvoir camerounais se joue une partie d'échecs impitoyable dont l'issue déterminera l'avenir politique du pays.