Après avoir soumis un dossier de demande d'agrément il y a plusieurs mois, le groupe financier attend désormais l'autorisation officielle pour démarrer ses activités.
Afriland First Bank finalise son implantation au Mali. « Tout est presque bouclé. La société a déjà été créée et immatriculée. Nous espérons que l'agrément sera accordé d'ici la fin de l'année 2024 », confie une source interne. Pour son entrée sur le marché bancaire malien, Afriland a mobilisé près de 26 milliards de FCFA comme investissement initial. « Les fonds sont disponibles. Le capital a été entièrement libéré », précise notre interlocuteur. La création de la branche malienne est intimement liée à Afriland First Holding (Afh), le nouveau véhicule d'investissement du groupe fondé par le milliardaire camerounais Paul Fokam. Ce projet, piloté par Afh, figure parmi les initiatives phares de son portefeuille. « C'est le projet le plus avancé d'Afh », confirme une source proche de Paul Fokam. L'implantation au Mali marque le premier jalon d’un plan ambitieux de déploiement d'Afriland First Bank en Afrique de l'Ouest. Cette expansion est la mission principale confiée à AFH, qui vise à étendre la présence du groupe dans la sous-région.
Avec l'entrée en scène de l'Afh, créée en 2022, Afriland a, pour la première fois, domicilié une holding en dehors de l'Europe et de sa base suisse. « Le choix du Togo est motivé par la vision du président de la République, qui souhaite faire de son pays un lieu propice à la création de richesse », a déclaré Paul Fokam, à sa sortie d’une audience avec le président Essozimna Gnassingbé, le 1ᵉʳ novembre dernier. Outre l'attractivité du climat des affaires à Lomé, d'autres facteurs stratégiques ont poussé le magnat de la finance à établir une deuxième base arrière d'investissement dans cette ville ouest-africaine, après Genève. À la vérité, le secteur financier est confronté à de nouveaux défis liés aux mutations sociopolitiques qui caractérisent la sous-région ouest-africaine. En effet, depuis que l’Alliance des États du sahel (Aes) est sortie des fonts baptismaux à l'initiative du Mali, du Burkina Faso et du Niger, l'Afrique de l'Ouest a perdu sa configuration monolithique.
Dédollarisation… des Brics
Au-delà des questions politiques et sécuritaires, les États membres de l'Aes et ceux de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) achoppent sur le plan monétaire. Cette situation augure des changements susceptibles de bouleverser l'écosystème financier sous-régional, notamment avec la création d’une monnaie par l'Aes. Dans une certaine mesure, la démarche d'Afriland vise à anticiper et à s'adapter à ces évolutions. Car, avec son positionnement stratégique et son climat des affaires attractif, Lomé se présente comme une plateforme idéale pour une expansion régionale. « Le Togo se distingue aujourd'hui comme un pays tampon qui échange et entretient d’excellentes relations avec les États membres de l'Alliance des États du Sahel et les autres pays de la Cedeao », font observer des spins doctors de Paul Fokam.
Le choix d'établir une holding en Afrique est également motivé par le contexte géopolitique mondial, marqué notamment par la montée en puissance des BRICS. Ces derniers manifestent l'ambition de dédollariser les échanges mondiaux, avec une volonté prononcée de mettre fin au quasi-monopole de Swift dans les transactions financières internationales. Cette évolution constitue un risque non négligeable pour Afriland, dont l’unique holding était jusqu'alors établie à Genève, en Suisse. « Si les Brics décident demain de sortir du système de transactions Swift et de mettre en service leur propre mécanisme de transaction international, nous devons être en mesure de nous adapter à la nouvelle donne », explique-t-on. En prenant ses quartiers à Lomé, Afriland rejoint son concurrent panafricain Ecobank, dont la maison-mère y est installée depuis plusieurs années. Selon nos informations, une bonne douzaine de groupes bancaires est par ailleurs en attente d'agréments pour implanter des sociétés d'investissement au Togo. Autant dire, dans le secteur bancaire, Afriland n’est pas le seul conscient de ces changements qui risquent de redessiner l'activité financière en Afrique et dans le monde.