Fin d’année : la sortie peu rassurante de Célestin Tawamba, panique à Yaoundé

Célestin Tawamba

Sat, 31 Dec 2022 Source: Économies Africaines

GICAM : des réformes pour accroître la qualité de la gouvernance

Malgré un PIB camerounais en hausse de 4,2 % en 2022, contre 3,6 % en 2021, Célestin Tawamba, président du GICAM et de l’UNIPACE, estime que le moral des chefs d’entreprise est majoritairement bas et explique les raisons de cette morosité.



Élu en 2017 à la tête du Groupement inter-patronal du Cameroun (GICAM), vous avez clairement souhaité apporter une touche de modernité à cette institution. Quelles innovations majeures avez-vous introduites dans la gouvernance de la plus grande confédération patronale camerounaise ?



Célestin Tawamba : Nous avons, dès les premiers mois de ma présidence, entrepris un train de réformes visant à accroître la qualité de notre système de gouvernance en nous appuyant sur les résultats de l’audit institutionnel et organisationnel lancé à cet effet. Des déclarations de vision et de mission du Groupement ont été adoptées, ainsi que de nouveaux statuts. De même, les valeurs et principes du Groupement ont été explicités, et son caractère apolitique a été consacré par les statuts. Bien plus, beaucoup d’importantes mesures ont été prises : le nombre des commissions a été augmenté et leur mode opératoire revisité, les conditions d’éligibilité à la présidence du Groupement ont été assouplies et un nouvel organigramme répondant à la nécessité d’accroître la capacité du Groupement aux niveaux stratégique et opérationnel a été adopté. Enfin, nous avons décidé de tirer parti des caractéristiques gagnantes du leadership féminin pour une efficacité accrue. Le poste de 1er vice-président est tenu par une femme, les services opérationnels sont dirigés par une femme, qui est directrice exécutive. De même, quatre commissions techniques sur dix sont présidées par des femmes.

Quelle a été la réponse du président Emmanuel Macron au courrier que vous lui avez adressé en votre qualité de président du GICAM et de I’UNIPACE (Union des patronats d’Afrique centrale) à l’occasion de sa visite de trois jours en juillet dernier au Cameroun ?



La correspondance que je lui avais adressée au mois de mai 2022 faisait suite aux conséquences sur les entreprises des sanctions décidées par l’Union européenne relativement à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Après quoi, la conseillère Afrique de la cellule Afrique de l’Élysée nous a rencontrés au mois de juin au GICAM pour à la fois discuter des suites à apporter à notre correspondance et engager une réflexion sur l’initiative FARM (Food and Agriculture Resilience Mission) du président Macron. Du coup, le 26 juillet, lors de la séance de restitution des travaux consacrés à la sécurité alimentaire qui réunissait les secteurs privés camerounais et français ainsi que les trois ministres camerounais en charge de l’Agriculture, de l’Élevage et de l’Économie, quatre priorités ont été retenues sous l’impulsion du président Macron, présent à cette réunion : des appuis en termes de structuration et de développement des filières maïs, riz et blé, et la construction d’une usine d’engrais. Le GICAM est membre de la Task Force mise en place à cet effet.



Par ailleurs, où en sont les relations entre les patronats français et camerounais ? Combien d’entreprises françaises opèrent au Cameroun et quelle est leur contribution à l’économie du pays ?

L’implication d’entreprises privées est vitale, notamment celle de grandes entreprises capables de hisser le niveau de la production et d’aider à la structuration des filières. À cet égard, il convient de retenir que les patronats camerounais et français ont signé, en marge de cette réunion, un protocole d’entente pour une participation accrue du secteur privé français au développement agricole sur les plans de l’investissement et de l’expertise technique. Les relations entre les patronats français et camerounais sont bonnes. Elles sont couvertes par un MOU (Memorandum Of Understanding) signé par le GICAM et le Medef. Sur près de 200 entreprises françaises opérant au Cameroun, une cinquantaine est membre du GICAM. À noter que la première entreprise non pétrolière du Cameroun, par ailleurs premier contributeur au budget de l’État, est une filiale de multinationale française.



Pensez-vous que l’initiative FARM du président Macron est une alternative crédible alors que persistent les troubles dus au Covid-l9 aggravés par la guerre russo-ukrainienne et des sanctions envers la Russie qui menacent la sécurité et la souveraineté alimentaire du Cameroun et des pays de la zone CEMAC ?



L’initiative FARM est une alternative crédible. Elle répond, notamment dans sa dimension production, à des préconisations qui ressortent de notre Livre Blanc sur l’économie camerounaise, et dont l’exigence se retrouve justement renforcée par les crises liées à la pandémie de Covid-19 et à la guerre russo-ukrainienne assortie des sanctions européennes qui en ont résulté. Notre pays se développera par l’industrialisation, et notamment le développement de son agro-industrie.

Au sortir de la pandémie de Covid-19, quel est le moral des chefs d’entreprise au Cameroun et l’état du climat des affaires ?



Le moral des chefs d’entreprise est bas pour un grand nombre d’entre eux, et pour cause : depuis cinq ans en particulier, les entreprises subissent des difficultés d’une grande intensité liées aux contextes national et international. Le Cameroun est sous plan d’ajustement structurel avec le FMI depuis 2017, ce qui implique des restrictions au développement des activités. Dans le même temps, les crises sécuritaires ont connu des développements notables du fait de Boko Haram et de la crise du Nord-Ouest/Sud-Ouest (NOSO). Avec la pandémie de Covid-19 en 2020 et la guerre en Ukraine depuis le début de la présente année, les entreprises sont en proie à de nouvelles difficultés se traduisant par des tensions inflationnistes sans précédent qui, outre les risques sur l’approvisionnement en denrées alimentaires, menacent celui des entreprises en matières premières, intrants de production et produits finis. D’ailleurs le GICAM a commis des enquêtes pour mesurer les conséquences économiques et sur les entreprises de la crise du NOSO et de la pandémie de Covid-19.



Le taux de croissance attendu du Cameroun est de l’ordre de 4,2 % en 2022, contre 3,6 % en 2021. Cette hausse va-t-elle réellement bénéficier aux entreprises et impacter positivement le chômage structurel ?

Nous ne disposons pas de données chiffrées sur le niveau du chômage structurel, mais nous ne doutons pas qu’il est important au vu du nombre de demandes d’emploi non satisfaites par des entreprises fragilisées, mais aussi en observant autour de nous. Dans le cadre de la Vision Émergence 2035 du gouvernement, les objectifs de croissance et de taux d’investissements du DSCE (Document de stratégie pour la croissance et l’emploi) mis en place sur la période 2009-2019 n’ayant pas été atteints, il est difficile d’imaginer une amélioration des performances de l’économie camerounaise sur le front de l’emploi. Ce dont le pays a besoin, c’est de taux de croissance à deux chiffres qui seraient possibles avec un environnement des affaires incitatif.



En plus d’être le patron des patrons au Cameroun, vous êtes aussi à la tête de l’UNIPACE. Lors de votre session ordinaire tenue à Brazzaville en 2019, vous vous êtes doté d’un plan d’action pour la période 2019-2022. Quels en étaient les points forts et pensez-vous que les résultats seront au rendez-vous au moment d’examiner le bilan votre mandat ?



Ce plan d’action prenait en effet en compte la double dimension économique et sécuritaire de la situation de crise dans la sous-région. C’est ainsi que nous avons renforcé notre position d’interlocuteur de référence de la Commission de la CEMAC s’agissant du secteur privé, ainsi que notre mission de veille sur les performances économiques de la zone. L’UNIPACE a également pris à bras-lecorps l’épineuse question de la raréfaction des devises dans la foulée de la mise en place de la nouvelle réglementation des changes de la CEMAC. Cette crise nous aura permis d’ouvrir une fenêtre de dialogue conséquent avec la BEAC, cadre de dialogue que nous exploitons au mieux s’agissant des modalités pratiques d’application de cette réglementation. En revanche, notre objectif de mobilisation de financements externes pour une plus grande capacité d’action n’a pas été atteint. Nous n’y renonçons pas. Enfin, l’objectif d’accroissement des membres est en bonne voie : le patronat équato-guinéen devrait rejoindre l’Union au plus tard dans le courant du 1er trimestre de l’année 2023, année au cours de laquelle nous agirons davantage pour étendre l’Union aux organisations patronales des pays

Source: Économies Africaines