Depuis que l'armée israélienne a donné la première de plusieurs instructions aux civils pour qu'ils évacuent le nord de la bande de Gaza, des centaines de milliers de Gazaouis se sont déplacés vers le sud de la bande. Mais le sud a continué à subir les bombardements israéliens, ce qui a conduit les Nations unies et d'autres organisations humanitaires à avertir que nulle part à Gaza les civils ne sont en sécurité.
Pour mieux comprendre les risques encourus par les civils dans le sud de la bande de Gaza, BBC Verify a identifié et analysé quatre cas spécifiques de frappes dans cette région. Nous avons également examiné certains des avertissements et des instructions d'évacuation adressés aux civils de Gaza, dont certains leur conseillaient de se rendre dans certaines zones du sud.
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Certains de ces avertissements étaient accompagnés de cartes avec des flèches indiquant des zones vaguement définies vers lesquelles se diriger. Trois frappes que nous avons examinées ont touché ces zones, ou en étaient proches, dans les jours qui ont suivi la diffusion des avertissements.
Les Forces de défense israéliennes (FDI) ont déclaré qu'elles communiquaient avec les habitants de Gaza de diverses manières, notamment par des largages de tracts, des messages en arabe sur les médias sociaux et des avertissements diffusés par des organisations civiles et internationales. Dans cet article, nous avons examiné les instructions des FDI publiées sur les médias sociaux.
Khan Younis - 10 octobre
Les FDI ont déclaré le 10 octobre que leurs avions de combat avaient frappé pendant la nuit plus de 200 cibles à Rimal, dans le nord, et à Khan Younis, dans le sud. La BBC a examiné une frappe effectuée ce jour-là dans le centre de Khan Younis pour comprendre l'emplacement et l'ampleur des dégâts. Des images vidéo publiées au lendemain de l'attaque montrent des décombres et des bâtiments effondrés dans le centre-ville. Nous avons vérifié son emplacement à l'aide d'indices visuels tels que le minaret de la Grande Mosquée de Khan Younis.
Nous avons également examiné des photos montrant des bâtiments détruits et des personnes fouillant dans ce qui reste des voitures et des maisons. Nous savons que les photos montrent le même endroit que celui vu dans la vidéo parce que la même enseigne de pharmacie est visible dans les deux cas. Nous avons également utilisé la recherche d'images inversées pour vérifier que les photos ne provenaient pas d'un incident antérieur.
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Le matin du 8 octobre, le porte-parole des FDI, Avichay Adrae, a publié sur X (anciennement Twitter) un avertissement en arabe, donnant des instructions aux habitants de diverses zones de Gaza pour qu'ils quittent leurs maisons et se rendent ailleurs pour leur sécurité.
Si les zones d'évacuation ont souvent été clairement délimitées, les destinations indiquées aux habitants ont souvent été beaucoup plus vagues.
En l'occurrence, les habitants des quartiers d'Abasan al-Kabira et d'Abasan al-Saghira, situés à quelques kilomètres au sud-est du centre de Khan Younis, ont été informés dans le tweet du 8 octobre qu'ils devaient se rendre au "centre-ville de Khan Younis".
La carte incluse dans la vidéo tweetée à l'intention des personnes vivant dans ces deux quartiers met en évidence leurs lieux de résidence actuels et est accompagnée d'une flèche pointant simplement en direction de Khan Younis.
Nous ne pouvons pas exclure la possibilité qu'il y ait eu par la suite des instructions différentes, mais la BBC n'a trouvé aucune preuve de cela.
Rafah - 11 octobre
La BBC a vérifié qu'une autre frappe avait eu lieu le lendemain, plus au sud, près de la frontière avec l'Égypte. Cette frappe du 11 octobre a touché la place Nejmeh, dans le centre de Rafah. La BBC a examiné une vidéo publiée sur les réseaux sociaux montrant les destructions causées par la frappe. En utilisant les images disponibles de la place avant l'attaque, nous avons pu identifier la forme des bâtiments comme étant celle de la place Nejmeh.
L'avertissement, émis le 8 octobre par les FDI, contenait également une instruction destinée aux habitants de Rafah, leur demandant de se rendre immédiatement à l'abri situé dans le centre-ville de Rafah "pour leur sécurité".
La carte de la vidéo destinée aux habitants des quartiers de Rafah contient une flèche qui les dirige vers "Rafah".
La BBC a analysé tous les messages d'avertissement en arabe publiés par les FDI sur les médias sociaux dont elle a connaissance pour cette période. Elle n'a pas été en mesure de trouver des preuves d'instructions différentes ultérieures, mais cela n'élimine pas la possibilité que d'autres instructions aient été émises.
Khan Younis - 19 octobre
Huit jours plus tard, à Khan Younis, une nouvelle attaque a eu lieu dans la rue Gamal Abdel Nasser. Nous l'avons vérifié en regardant les vidéos des bâtiments effondrés dans l'une des principales artères de la ville. En comparant la forme des bâtiments sur la vidéo avec celle d'autres images fixes du même endroit, nous avons pu vérifier qu'il s'agissait bien du même lieu.
D'autres images montrent les corps des morts et des blessés extraits des décombres et transportés à l'hôpital Nasser, situé à proximité.
Le 16 octobre, l'IDF a lancé un avertissement aux habitants de la ville de Gaza pour qu'ils se déplacent vers le sud, à Khan Younis, si "votre sécurité et celle de vos proches sont importantes pour vous".
Là encore, il est possible que d'autres instructions aient été données, mais nous n'en avons pas trouvé la preuve.
Camps du centre de Gaza - 17, 18 et 25 octobre
Plus au nord, dans le centre de Gaza, il y a quatre camps de réfugiés. La BBC a vérifié des frappes sur deux d'entre eux. Des images diffusées sur les réseaux sociaux après une frappe sur le camp d'al-Bureij le 17 octobre montrent des décombres importants, des flammes et des corps ensanglantés transportés hors des dégâts. Nous avons vérifié ces images en comparant les bâtiments qui y figurent avec les photos prises par les agences de presse à la suite de l'attaque. Nous avons également vérifié l'emplacement des images en utilisant une mosquée qui était visible.
Un autre camp situé à proximité, al-Nuseirat, a été frappé le lendemain, le 18 octobre. Nous avons vérifié les images des médias sociaux montrant des ambulances, des détritus, des personnes essayant d'éteindre les flammes et une boulangerie détruite. Nous l'avons localisée en faisant correspondre les noms de magasins visibles dans la vidéo avec ceux figurant sur des photos publiées avant l'attaque.
Malgré l'avertissement du 8 octobre demandant aux habitants de la zone orientale et méridionale de Maghazi de se rendre dans des camps au centre de Gaza, il ne semble pas y avoir de camps à l'endroit indiqué sur la carte du tweet.
Nous avons cependant identifié trois camps à proximité : al-Nuseirat et al-Bureij, touchés par les frappes des 17 et 18 octobre, et un autre camp appelé Deir al-Balah.
Nous ne pouvons pas exclure la possibilité qu'il y ait eu par la suite des instructions différentes, mais la BBC n'a trouvé aucune preuve à ce sujet.
Les conséquences d'une autre frappe dans le camp d'al-Nuseirat, le 25 octobre, ont été montrées par la chaîne d'information Al Jazeera.
Des images mises en ligne montrent son correspondant principal à Gaza, Wael al-Dahdouh, en larmes à l'hôpital, tenant le corps de sa fille de sept ans et s'agenouillant devant le corps de son fils adolescent. Sa femme a également été tuée.
"Il n'y a pas d'endroit sûr à Gaza", a-t-il déclaré dans la traduction anglaise d'une interview accordée à Al Jazeera. Il a précisé que sa famille avait quitté le nord de la bande de Gaza à la suite de l'avertissement lancé par Israël aux habitants de se déplacer vers le sud pour leur sécurité.
Réponse des FDI
La BBC a fourni aux FDI des lieux et des dates spécifiques pour chacune des frappes mentionnées dans l'article.
Nous avons demandé si ces lieux avaient été frappés par les forces de l'armée israélienne et si des avertissements avaient été donnés avant ces attaques.
Dans leur réponse, les FDI ont déclaré qu'elle "ne pouvaient pas fournir d'autres informations concernant ces lieux spécifiques".
Elles ont déclaré qu'elles avaient "appelé les civils de Gaza à se déplacer vers le sud pour leur sécurité, mais qu'elles continueraient à frapper des cibles terroristes dans toutes les parties de la bande de Gaza".
Elle a ajouté : "Conformément au droit international, les FDI prennent des mesures de précaution afin d'éviter de causer des dommages à la population civile. Ces mesures comprennent des avertissements avant les frappes dans les cas où il est possible de le faire".