Selon des sources, huit manifestants sont morts hier dans des violences sous fond de contestation du maire de la ville.
La vidéo diffusée sur les réseaux sociaux hier est impressionnante. Elle montrait les évènements de la journée du mardi 19 décembre 2023 à Tokombere. Des tirs d'armes de guerre, en rafales, des populations qui courent dans tous les sens pour se réfugier. Et l'on reconnaît clairement des ruelles sablonneuses de la ville de Tokombere. Nos sources sur place, témoignent d'une fusillade. Elle aurait fait huit morts donc cinq sur le champ et trois qui auraient succombé à leurs blessures alors qu'ils étaient évacués dans des hôpitaux. Des photos, de blessés, par dizaines elles aussi nous sont parvenues.
Augustin Ndigwa est le président du comité de développement de Tokombere. « J'étais à Tokombere hier matin en compagnie d'un frère. Nous nous sommes rendus à l'hôtel de ville où devait avoir lieu une session de validations du plan communal de développement. Des manifestants, près de 60 personnes nous ont interdit l’entrée. Ils ont dit qu'on ne travaille pas à la mairie ce jour. Ils étaient déterminés. Nous avons essayé de les calmer, de leur faire entendre raison. Ils m'ont semblé trop farouches. Et comme je suis au courant de la situation qui prévaut, j'ai préféré quitter la ville », raconte ce médecin natif de Tokombere.
De fait, le nombre des manifestants n'a eu de cesse de gonfler. Des milliers de personnes sont sorties dans les rues. « Des jeunes des ethnies Mouyang et Moloko », nous dit Augustin Ndigwa. D'après lui, ces manifestants exigeaient la destitution du Boukar Tikiri. Ils reprochent à l'édile d'avoir bradé des terres qui leur appartiennent. Seulement, des notables de ces villages ne sont pas d'accord avec leur jeunesse. Pourtant, cette dernière s'active. Ça dure des mois. Les médiations, nombreuses n'y font rien. Ces jeunes ont souvent révélé être « soutenus financièrement par des aînés à Yaoundé ». « C'est tout le problème, une instrumentalisation de la jeunesse à des fins politiques. Des élites cachées à Yaoundé poussent ces jeunes pour gagner le leadership politique de l'arrondissement », relève Mamoudou Mota, natif de Tokombere.
« J'étais à Tokombere, quand ça a commencé lundi. J'ai essayé de calmer quelques manifestants, de les raisonner. D'expliquer que ce n'est pas à la population de chasser le maire mais, aux conseillers municipaux. Ils ne voulaient rien entendre. Ils voulaient en découdre malgré la présence dissuasive des gendarmes. J'ai compris que ça pourrait dégénérer. Je ne voulais pas qu'on m'attribue la moindre responsabilité dans ce qu'il semblait évitable. Je suis parti de Tokombere pour Maroua », dit le vice-président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc).
Augustin Ndigwa, qui a souvent eu des initiatives pour apaiser cette colère qui depuis longtemps se souvient que « 38 conseillers municipaux sur 41 ont fait une pétition adressée au préfet du Mayo Sava il y a quelques semaines. Ils ont signé qu'ils soutiennent l'action du maire ». Mamoudou Mota renchérit : « ils savent qu'ils ne peuvent pas déposer le maire de cette façon. C'est juste, du positionnement politique par personnes interposées. Seulement, il y a eu des morts. Huit. Et dans nos traditions, quand il ÿ a une mort provoquée par un étranger, c'est un affront qui doit se laver par la mort des agresseurs. C'est la guerre. Or, au lieu d'apaiser les jeunes qui sont survoltés, ceux qui instrumentalisent la situation à partir de Yaoundé et les financent, n'ont pas encore appelé au calme ».