À quelques heures de la neuvième prestation de serment de Paul Biya, prévue le 6 novembre, la machine protocolaire camerounaise tourne à plein régime. Selon des révélations exclusives de Jeune Afrique, le président aurait donné des instructions formelles pour qu'aucune "fausse note" ne soit enregistrée durant cette "célébration". Une exigence qui révèle l'importance symbolique de cet événement dans un contexte postélectoral explosif.
Le directeur du cabinet civil, Samuel Mvondo Ayolo, a été chargé de transmettre ces directives lors d'une réunion de haut niveau tenue le 4 novembre au palais présidentiel. Jeune Afrique a pu recueillir des informations détaillées sur les consignes transmises aux différents acteurs de cette cérémonie, révélant un niveau de contrôle rarement observé, même pour les standards camerounais.
Le RDPC mobilisé pour "illustrer la légitimité populaire"
L'une des révélations les plus significatives concerne la mobilisation du parti au pouvoir. Selon les informations exclusives obtenues par Jeune Afrique, Samuel Mvondo Ayolo a explicitement chargé Jean Nkuete, secrétaire général du RDPC, de déployer les militants tout au long du parcours présidentiel. L'objectif affiché : "illustrer la légitimité populaire" contestée par l'opposant Issa Tchiroma Bakary depuis la proclamation des résultats.
Cette instruction dévoile la stratégie de communication du pouvoir face à la crise de légitimité qui secoue le pays. En remplissant artificiellement les rues de supporters, le régime espère offrir l'image d'un président plébiscité, alors même que les journées "ville morte" paralysent les grandes métropoles depuis plusieurs jours.
Les habitants de Yaoundé ont d'ailleurs constaté, depuis le début de la semaine, des travaux de reprofilage de la voirie sur l'axe reliant la présidence d'Etoudi au palais des verres de Ngoa Ekellé, le parcours que doit emprunter le cortège présidentiel.
Jeune Afrique révèle également que des instructions très précises ont été transmises à la CRTV, la télévision nationale, concernant les images de Paul Biya. Ces "consignes habituelles" visent à "éviter toute mauvaise surprise" lors de la retransmission en direct de la cérémonie.
La cellule de communication du cabinet civil, dirigée par Oswald Baboke, directeur adjoint du cabinet civil, supervisera personnellement la couverture médiatique à travers PRC TV et l'ensemble des médias publics. Sa mission : assurer "une retransmission parfaite et une communication sans faille".
Ce niveau de contrôle illustre la sensibilité du pouvoir camerounais sur l'image du chef de l'État, âgé de 92 ans, dont chaque apparition publique fait l'objet d'une attention minutieuse depuis plusieurs années.
Dans ce contexte de tensions postélectorales, le ministre de l'Administration territoriale, Joseph Beti Assomo, se voit confier une mission cruciale. Selon Jeune Afrique, il devra garantir que la cérémonie se déroule "dans le calme", alors que des vidéos d'affrontements entre manifestants et forces de l'ordre continuent d'affluer sur les réseaux sociaux.
Les éléments de la Garde présidentielle, principal corps impliqué dans la cérémonie, ont entamé leurs dernières répétitions depuis le début de la semaine. Leur déploiement massif le 6 novembre devra concilier deux impératifs contradictoires : assurer la sécurité du président tout en donnant l'impression d'une célébration populaire spontanée.
La prestation de serment se déroulera en quatre phases distinctes, révèle Jeune Afrique. D'abord dans les nouveaux bâtiments de l'Assemblée nationale, où Paul Biya prêtera serment devant les parlementaires réunis en congrès. Suivra une cérémonie à la présidence pour la remise des attributs de grand maître des ordres nationaux.à la réception du corps diplomatique et des représentants des institutions, toujours à la présidence. La journée s'achèvera par un gala offert par le couple présidentiel, ultime démonstration du faste et de la continuité du régime.
Cette mise en scène élaborée contraste fortement avec le climat de défiance qui règne dans le pays, où une partie de la population refuse de reconnaître la légitimité de ce neuvième mandat. Une dissonance que toute l'ingénierie protocolaire du pouvoir peine à masquer.