Garoua sous haute tension : snipers, double cordon sécuritaire et siège d'un "président élu"

Tchiroma Zonnn Image illustrative

Fri, 31 Oct 2025 Source: www.camerounweb.com

Jeune Afrique révèle les détails du dispositif militaire autour de la résidence d'Issa Tchiroma Bakary

Depuis près de trois semaines, une petite ville du nord du Cameroun est devenue l'épicentre d'une crise politique majeure. Garoua, capitale régionale habituellement paisible, vit au rythme d'un siège sans précédent : celui de la résidence d'Issa Tchiroma Bakary, l'opposant qui conteste la victoire de Paul Biya à la présidentielle du 12 octobre. Jeune Afrique révèle les détails exclusifs de ce face-à-face dangereux entre un homme cloîtré et un pouvoir déterminé à l'empêcher de nuire.

Selon nos informations exclusives recueillies sur place, Issa Tchiroma Bakary vit depuis le 12 octobre dans une situation paradoxale : officiellement libre, il est en réalité assigné à résidence sans qu'aucune charge légale ne pèse contre lui. Jeune Afrique a pu documenter l'existence d'un dispositif sécuritaire à deux niveaux autour de sa demeure de Garoua.

Le premier cercle, le plus proche de la maison, est formé par "des dizaines de jeunes qui campent jour et nuit aux abords de la maison pour protéger leur champion", révèle notre enquête. Ces militants fidèles se sont organisés en gardes rapprochées informelles, déterminés à empêcher toute interpellation de leur leader.

Le second cercle, "plus excentré", est bien plus menaçant. Jeune Afrique a identifié qu'il est composé "de militaires, policiers et hommes armés en civil qui, eux, veillent à ce que l'opposant ne sorte pas". Cette présence des forces de l'ordre révèle la nature réelle du statut de Tchiroma : un homme libre en théorie, prisonnier dans les faits.

L'information la plus troublante recueillie en exclusivité par Jeune Afrique concerne les événements survenus le jour de la proclamation des résultats officiels. Des témoins oculaires ont rapporté à notre rédaction que "des snipers postés sur le toit d'une maison voisine à celle de Tchiroma ont tiré sur des civils".

Cette révélation explosive, que Jeune Afrique est le premier média à documenter, témoigne de l'escalade dans les méthodes employées par les forces de sécurité. Selon Issa Tchiroma Bakary lui-même, deux personnes auraient été tuées lors de ces tirs. Si notre rédaction n'a pu vérifier indépendamment ce bilan, la présence de tireurs d'élite positionnés en hauteur autour de la résidence a été confirmée par plusieurs sources sur place.

Jeune Afrique révèle qu'Issa Tchiroma Bakary est devenu, aux yeux du pouvoir, "l'ennemi public numéro 1 du gouvernement" depuis qu'il a revendiqué la victoire et appelé la population à "sortir comme un seul homme". Cette qualification, obtenue auprès de sources gouvernementales, explique l'intensité du dispositif déployé à Garoua.

Paul Atanga Nji, ministre de l'Administration territoriale, a d'ailleurs lancé un avertissement sans équivoque, révélé par Jeune Afrique : Issa Tchiroma Bakary "devra répondre de ses actes devant le tribunal compétent". Cette menace à peine voilée plane sur l'opposant, qui sait qu'une sortie de sa résidence pourrait conduire à son arrestation immédiate.

Selon l'analyse exclusive de Jeune Afrique, cette situation n'est pas sans rappeler celle vécue par Maurice Kamto après la présidentielle de 2018. Le leader du MRC s'était lui aussi retrouvé "au cœur de ces cercles concentriques : un premier formé par des policiers missionnés par Yaoundé pour l'interpeller, et le second constitué de ses sympathisants".

Mais Jeune Afrique a constaté une différence majeure dans l'approche d'Issa Tchiroma Bakary. Contrairement à Jean Ping au Gabon ou Martin Fayulu en RDC, l'opposant camerounais "s'est gardé d'utiliser le vocable 'président élu'". Cette prudence sémantique, révélée par notre enquête, vise manifestement à éviter l'impasse juridique dans laquelle ses prédécesseurs se sont retrouvés.

Une mise en scène présidentielle malgré tout

Néanmoins, Jeune Afrique révèle que dans ses prises de paroles filmées depuis sa résidence de Garoua, Issa Tchiroma Bakary s'affiche avec "en évidence en arrière-plan, un drapeau du Cameroun ainsi qu'un portrait de lui-même, en chef de l'État". Cette mise en scène soigneusement orchestrée, documentée par notre rédaction, témoigne de sa volonté de s'imposer comme une alternative présidentielle crédible.

L'information la plus dramatique recueillie par Jeune Afrique concerne le bilan humain de cette crise. Les avocats d'Issa Tchiroma Bakary ont dressé, le 28 octobre, "un bilan d'au moins 64 personnes tuées lors des manifestations depuis le début de la crise post-électorale".

Notre rédaction précise qu'elle n'a "pu confirmer" ce chiffre, qui n'a fait l'objet d'aucune validation indépendante. Néanmoins, cette estimation, même invérifiable, donne la mesure de l'ampleur de la répression telle que perçue par l'opposition et ses sympathisants.

Jeune Afrique révèle qu'Issa Tchiroma Bakary traverse paradoxalement "un moment de solitude" depuis qu'il s'est engagé sur le chemin de "l'appel au peuple". Trois de ses principaux alliés - Anicet Ekane, Aba'a Oyono et Djeukam Tchameni - ont été arrêtés, privant le mouvement de contestation de plusieurs de ses figures de proue.

Plus grave encore, selon nos informations, les autres partis d'opposition "ne se bousculent pas pour lui apporter leur soutien". Serge Espoir Matomba et Cabral Libii ont même "félicité Paul Biya dès l'annonce de sa victoire", une défection qui n'a pas échappé à notre enquête. Joshua Osih s'est contenté de "reconnaitre sa propre défaite", tandis que Celestin Bedzigui a plaidé pour "rechercher un compromis intelligent".

Jeune Afrique a constaté que c'est finalement "du côté de la société civile" que l'opposant trouve ses soutiens les plus vocaux. Le réalisateur Jean-Pierre Bekolo a publié une tribune cinglante révélant que "le Cameroun a détruit des années, voire des décennies d'un récit démocratique".

Notre rédaction a également identifié d'autres personnalités qui se sont "donné pour mission de se mettre aux avant-postes de ce duel" : l'avocat Akere Muna, l'écrivaine Calixthe Beyala et la journaliste Marie Roger Biloa. Ce basculement du soutien politique vers la société civile témoigne de l'isolement croissant de Tchiroma au sein de la classe politique traditionnelle.

Jeune Afrique révèle la stratégie du régime pour venir à bout de la contestation : miser sur "le temps et l'usure qu'il induit sur la détermination" des opposants. Cette tactique éprouvée a déjà fait ses preuves par le passé.

Un analyste politique interrogé en exclusivité par Jeune Afrique dresse un parallèle historique éclairant : "La crise politique de 1992 s'est achevée l'année d'après, en 1993. Celle de 2018, en 2020. On verra combien de temps prendra celle-ci et jusqu'où elle ira."

Pour "fissurer le bloc" qui fait face au pouvoir, Jeune Afrique révèle que Yaoundé fait miroiter la perspective des élections locales prévues en février prochain… Et "leur flot de positions à récupérer". Cette stratégie de division, documentée par notre enquête, vise à détourner l'attention des opposants vers des enjeux locaux plus immédiats.

Grégoire Owona, secrétaire général adjoint du RDPC, a d'ailleurs déclaré dans un entretien exclusif accordé à Jeune Afrique : "Je recommande aux acteurs politiques de se tourner vers l'avenir." Un message à peine codé invitant les opposants à abandonner la contestation post-électorale pour se concentrer sur les scrutins à venir.

Alors que "la chaleur reprend ses droits sur la plaine sahélienne de Garoua", Jeune Afrique constate que la capitale du Nord est devenue "l'épicentre de la contestation politique". Le siège de la résidence de Tchiroma se poursuit, jour après jour, dans une atmosphère de plus en plus électrique.

Jeune Afrique révèle que l'opposant "a jeté toutes ses forces dans la bataille" avec un objectif unique : "passer de 'président élu' à président officiel". Mais face au rouleau compresseur du pouvoir, à l'usure du temps et à l'isolement politique croissant, la marge de manœuvre de l'homme retranché à Garoua se réduit inexorablement

Source: www.camerounweb.com