Gestion des ordures ménagères : la Cuy n’y est pour rien
En ce début du mois de mai, les pluies abondantes rendent difficile la circulation dans certains axes routiers de la capitale politique. Et dans certaines artères, il faut désormais slalomer entre les amas d’ordures qui débordent non seulement des bacs à ordures, mais qui encombrent les rues. Voilà que depuis plus de quatre ans, la belle peinture de la barrière de la Garde présidentielle au quartier Melen, se voit chaque fois dénaturée par le contenu toujours grandissant d’un bac à ordure qui tient lieu de dépotoir pour une population estimée à plus de 5 000 habitants. Autre lieu, autre décor. Bastos, au lieudit Supermont, situé derrière la résidence de l’ambassadeur du Nigéria. Depuis de longues semaines, cet endroit étouffe du fait des relents pestilentiels d’une poubelle qui prend au fil du temps des allures d’une décharge à ciel ouvert. Ces clichés qu’on retrouve dans toutes les villes du Cameroun et principalement dans les grands centres urbains (Douala et Yaoundé) seraient-ils comme semble l’affirmer une certaine opinion « le symbole de l’incurie du gouvernement ? » Vraisemblablement non ! Par contre, ce serait plutôt le triomphe de la stupidité, si tant est que, la gestion des déchets que constitue la collecte, le transport, le recyclage et l’élimination des déchets, y compris la surveillance des sites d’élimination, est non seulement une activité très sensible de la part des pouvoirs publics, mais également une activité très lucrative pour les entreprises exploitant les services publics en régie. Le moins qu’on puisse dire est que, la gestion des ordures ménagères constitue désormais un fléau social et représente une épine douloureuse dans le pied des pouvoirs publics. Loin de toute démagogie et de toute surenchère, le petit peuple a vite fait de pointer du doigt la société Hysacam et ses brigadiers des ordures et des déchets d’une part, ou pis encore la Communauté urbaine pour ce qui est de la ville de Yaoundé, comme étant les premiers responsables de ce désastre écologique et sanitaire dont l’un des résultats assez visible est la crise de choléra qui frappe actuellement certaines villes du triangle national. On a vite fait de trouver les coupables et de les jeter en pâture à la vindicte populaire : « Le directeur général d’Hysacam ne contrôle plus rien dans sa société, qui s’affranchit chaque jour un peu plus de son autorité (…) et si l’on ne fait pas attention, cette mauvaise gestion des poubelles pourrait déboucher un jour sur une crise sociale d’envergure… », confie une autorité traditionnelle du Mfoundi.
SOUFFRE-DOULEUR
La vérité est que, dans le cadre des compétences transférées aux collectivités territoriales décentralisées, et plus précisément en ce qui concerne l’environnement et la gestion des ressources naturelles, « La collecte, l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères (…) la création l’aménagement, l’entretien, l’exploitation et la gestion des voiries primaires et secondaires, de leurs dépendances et de leurs équipements… », relèvent des nombreuses compétences transférées aux collectivités territoriales décentralisées qui à leur tour, concèdent cette activité à la société Hysacam à travers un contrat bilatéral où la Cuy respecte son cahier de charges. En plus de cela, il ne faut pas oublier que chaque Camerounais est un pollueur rétroactif qui s’ignore et qui ne fait aucun effort dans le cadre de la salubrité et de la préservation d’un environnement sain. A cet effet, le gouvernement a tout prévu en amont à travers la loi N°96/12 du 5 août 1996, portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement où « Le Gouvernement élabore les politiques de l’environnement et en coordonne la mise en œuvre.» Pourtant, le comble du ridicule et de l’irresponsabilité a été atteint le 29 avril dernier au ministère de l’Habitat et du développement Urbain (Minhdu), où il est bien connu de tous que lorsqu’il y a « une recrudescence des dépôts anarchiques des ordures ménagères le long des rues de nos grandes métropoles », c’est la faute à Hysacam ! Le souffre-douleur des Camerounais. C’est la faute à ces misérables éboueurs, gendarmes des déchets que nous produisons et que nous même nous répugnons. Dans un communiqué de radio-presse, le Minhdu va inviter sans aucune forme de procès le top management d’Hysacam «à prendre sans délais toutes les dispositions nécessaires pour un retour à la normale afin de respecter les engagements pris (…) visant à l’amélioration du cadre de vie des populations ». Se sentant pousser des ailerons après un saut carpé sur un tas d’immondices, Célestine Ketcha Courtès va cette fois enjoindre aux misérables turlupins « à envisager des solutions endogènes à travers une mobilisation citoyenne de tous les acteurs ». Une manière propre de se parfumer et de jeter aux autres des boules puantes. Mais si le problème de fond n’était pas Hysacam, mais la dette de l’Etat qui pèse sur cette entreprise citoyenne ? « Où est passé le compte spécial d’affectation du Trésor plus connu sous le nom de « Fonds National de l’Environnement et du Développement Durable ? », s’interroge un expert en questions de décentralisation. En tant que tutelle technique, qu’est-ce que le Minhdu a-t-il fait pour s’assurer du paiement par l’Etat de cette dette à la société Hysacam qui lui coute tous ces quolibets ? Le Mindhu ne voudrait-il pas, à travers son inertie, régler des comptes politiques à un ressortissant du Ndé comme elle, à savoir le Dg d’Hysacam pour ne pas le citer ? La réponse semble se trouver dans la question.