Depuis quelques années, des voix s'élèvent, couplés à des débrayages de jeunes enseignants pour réclamer entre autres leur prise en charge et des avancements. Cette année, le ton s'est une nouvelle fois durci face aux atermoiements du gouvernement qui tarde à concrétiser ses promesses.
Il n'y aura pas eu de période d'observation cette année, comme ce fut le cas les années précédentes. Les enseignants des établissements primaires secondaires publics du Cameroun ont abordé la rentrée scolaire 2023-2024 en mode grève.
Entre absences d'enseigants dans les salles de classes, regroupements sur les campus ou encore une présence dans les salles sans dispenser les cours, l'on est entré dans la phase 2 des mouvements OTS (On a trop supporté) et OTA (On a trop attendu).
Deux regroupements nés de la frustration combinée à la misère des enseignants dans ce pays d’Afrique centrale.
Ce qui fait couver la colère depuis quelques années, c'est qu"'envrion 40 mille parmi ces eseignants du secondaire" -selon les propres estimations des leaders du mouvement OTS- sortis des écoles de formation ces dix dernière année ne perçoivent pas encore de salaire, ou n'en perçoivent qu'une partie.
Ce qui constituait l'année dernière, une dette d'environ 180 milliards de Francs CFA, selon toujours les estimations des responsables du mouvement OTS.
Ils sont donc dans un bras de fer avec les autorités depuis le 21 février 2022, et réclament notamment le paiement de leur dette, l'adoption d'un statut particulier pour les enseignants, ou encore la tenue d’un forum national de l’Éducation.
Entre retards d’avancements de carrière, non paiement des rappels de salaire et non intégration à la fonction publique, le cocktail menace chaque année d'exploser. Et des histoires tristes se multiplient au quotidien, chez ces enseignants souvent affectés dans des zones reculées du pays.
Femme célibataire, mère de 4 enfants et grand-mère d’un petit fils issu d’un viol de sa fille en 2019 dans la région anglophone du sud-ouest, Olivia peine aujourd’hui à joindre les deux bouts.
"Avec cette charge et sans salaire ni intégration, j’ai finalement décidé il y a quelques semaines de jeter l’éponge. Il faut chercher autre chose, pour nourrir mes enfants et petit enfant.
La vie, c’est n’est pas seulement, la fonction publique" raisonne la dame avant de conclure "il faut revoir la situation de l’enseignants camerounais en général et des instituteurs en particulier".
L'année dernière, l'histoire de Haminou a choqué le pays. Enseignant du Lycée de Beka dans l'extrême nord du pays, il est décédé moins d'un mois après son intégration à la fonction publique, alors qu'il venait de passer 10 ans sans prise en solde.
En 2022 explique-t-il, pour ce qui est des Ecoles Normales Supérieures et des Ecoles Normales Supérieures d'Enseignement Technique, ce sont « 3812 dossier avec 3177 décrets d’intégration qui ont été signés. 3702 matricules ont été générés pour l’occasion. Pour ce qui est des instituteurs, 11 515 arrêtés d’intégration ont été signé l’année dernière, sans préciser le nombre de demandeurs.
Mais pas suffisant pour convaincre les syndicats qui parlent de « la poudre aux yeux » et restent déterminés à paralyser le secteur.
Les syndicats de l’éducation réclament désormais près de 200 milliards de FCFA de dette à l’Etat, et non plus 180 comme l'année dernière. Les autorités contestent ce chiffre, mais avouent avoir déjà payé plus d’une cinquantaine de milliards de fcfa, et qu’il ne reste qu’une dizaine à payer aujourd’hui.
« Il y a une incertitude qui hante les enseignant. L’Etat nous doit encore 200 milliards. Est-ce que si nous y allons avec la pédale douce, il pourra payer cette argent ? C’est la raison pour laquelle, nous nous sommes radicalisés pour lui faire pression » confesse Chamberlain Owona Amougou, le secrétaire général du syndicat national autonome de l’éducation et de la formation.
Dans la région de l’Adamaoua en occurrence, le délégué départemental des enseignements secondaires pour la Vina, Mohaman Bello, a adressé le 13 septembre dernier, des demandes d’explication à 45 enseignants de 22 établissements de son unité de compétence.
Ces menaces des autorités ont contribué à durcir la posture des enseignants qui ont adopté une nouvelle stratégie de revendication qui semble échapper à l'encadrement conventionnel des autorités, à savoir le mouvement "craie morte".
Désormais, les enseignants se rendent dans les salles de classe mais ne dispensent pas de cours, en lieu et place, ils expliquent aux apprenants les raisons de leur mouvements d’humeur.
Par contre, la mobilisation des recettes se trouve contrainte précisément parce que les régions en crise ne produisent plus autant que par le passé, avec en plus le coût de l'inflation donc l'augmentation des subventions que l'État doit consentir pour maintenir à peu près à un niveau acceptable le pouvoir d'achat des ménages en produits alimentaires.
Philippe Nsoa, journaliste spécialisée dans l'analyse des questions économiques estime que tous ces facteurs expliquent le retard dans la gestion de la dette des enseignants.
Selon lui, cette dette devient intenable parce que la "gestion des carrières n'est pas extrêmement efficiente". Ce qui engendre une accumulation de dossiers.
Le corps enseignant constitue en effet l'effectif le plus important de la fonction publique camerounaise ; les "seigneurs de la craie" représentent 46% de l'effectif global et représentent 51% de la masse salariale.
Après les actions menées depuis mars
En 2022, le Comité interministériel mis en place sur instructions du président de la République pour apurer la dette des enseignants, avait reconnu une dette d'environ 140,5 milliards de francs CFA. A cela, il faut désormais ajouter les nouveaux recrutements qui sont faits et des avancements qui ont pu se produire entre temps.
Le pays compte une demi-douzaine d'Ecoles normales d'enseignement supérieur qui forment des enseignants des lycées et collèges et une quarantaine d'écoles normales d'instituteurs.
C’est donc des milliers d’enseignants qui frappent aux portes de la fonction publique chaque année, malheureusement la prise en compte de leur salaire n’est pas automatisée.
Pour Philippe Nsoa, le paiement de la dette salariale n'est pas pour l'heure une priorité pour l'Etat".