Grand dialogue national : ils ont trompé Paul Biya

La guerre se poursuit au NOSO

Tue, 4 Oct 2022 Source: L'Indépendant du 03-10-2022

Du 30 septembre au 4 octobre 2019, au palais des congrès deYaoundé, 400 personnalités ont répondu à l’invitation du Président Paul Biya. Pour échanger sur la construction d’une Nation unie et dans la paix. C’était le Grand Dialogue national. Assises de cinq jours au cours desquelles plusieurs résolutions ont ainsi été prises, toutes visant à ramener la paix dans les régions en crise du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

Le déroulement des travaux du Grand dialogue national n’aura aucunement laissé indifférent le chef de l’Etat. «Le Grand dialogue national qui vient de s’achever à Yaoundé vous a donné l’occasion de réaffirmer une fois de plus votre attachement à la paix et à la concorde dans votre pays, de même qu’à l’unité et au progrès de celui-ci. Je voudrais vous en féliciter et vous en remercier bien sincèrement Vos contributions riches et variées ont été fort utiles.

Certaines d’entre elles ont inspiré les recommandations formulées à l’issue du Dialogue. Je puis vous assurer que toutes feront l’objet d’un examen attentif et diligent dans la perspective de leur mise en œuvre, en tenant compte de leur opportunité et de leur faisabilité, mais aussi des capacités de notre pays», a déclaré le président de la République, Paul Biya,dans un discours prononcé à la fin du Grand dialogue national.

Le 10 septembre 2019, le président Paul Biya avait annoncé dans un discours télévisé qu’un «Grand dialogue national » aurait lieu avant la fin du mois. Le dialogue se déroulerait «dans le contexte de la constitution», excluant ainsi l’indépendance des régions anglophones, et inclurait la diaspora camerounaise anglophone. La mise en œuvre des principales résolutions se fait malheureusement à pas lent. Pire, certaines promesses faites au terme de cinq

jours de débats houleux n’ont carrément jamais été tenues.

Décentralisation au point mort

Le processus de décentralisation n’a pas connu jusqu’ici de véritables avancées. Les décisions qui engagent la vie de la nation sont, pour l’essentiel, prise par le pouvoir central, sans tenir compte des désidératas des populations locales.

Un statut particulier avait été, en grande pompe, annoncé pour les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest en crise depuis 2016. Aucun changement n’est perceptible à ce jour. L’épineuse question sur la double nationalité n’a toujours pas trouvé de réponse.

Le pouvoir central deYaoundé reste muet, comme une carpe. Les processus de désarmement et réintégration des ex-combattants encore sans effet, puisque de plus en plus de jeunes désœuvrés rejoignent les rangs des terroristes qui ont décidé de prendre les armes contre la République.

L’amnistie générale annoncée n’est pas effective. Des dizaines, voire des centaines de personnes arrêtées dans le cadre des manifestations dans le Nord- Ouest et le Sud-Ouest croupissent en prison. Plusieurs manifestants attendent encore leur jugement.

Seul point de satisfaction, les efforts assez louables entrepris par le gouvernement pour reconstruire les zones touchées et dont l’économie a été dévastée par la violence. Un fonds spécial pour la reconstruction et l’emploi a été créé par les pouvoirs publics. Le Plan présidentiel de reconstruction des régions du Nord- Ouest et du Sud- Ouest (Pprd) entamé il y a deux ans est piloté par Paul Tasong, ministre délégué auprès du ministre de l’Economie.

Reconstruction du Noso

Sur un besoin de financement initial estimé à 89,5 milliards en 2019, on se situe aujourd’hui à 154 milliards de Fcfa. «Le passage de 89,5 milliards de Fcfa à 154 milliards se comprend. Même aujourd’hui les J54 milliards seraient dépassés. Pourquoi ? Parce que la situation est dynamique sur le terrain. C’est en 2019 que nous avons collecté les données qui nous ont permis de nous prononcer sur un état de besoins de 89 milliards. La situation étant dynamique, nous avons poursuivi cette collecte de données et naturellement, la situation étant changeante, les données elles aussi ont changé, tout comme les coûts [.. ] On a incendié l’hôpital de Mamfe tout récemment. Vous pouvez imaginer que cette infrastructure hospitalière ne faisait pas partie des estimations. Il faut désormais la reverser dans la comptabilité… », a indiqué PaulTasong.

Il s’agit donc d’un bilan très contrasté, trois ans après la tenue du Grand dialogue national. La mise en œuvre des mesures annoncées est faible. Pourtant, beaucoup d’espoirs avaient été placé dans cette rencontre en vue du retour de la paix et de la reconstruction dans les deux régions anglophones du Cameroun. «Il faut reprendre le dialogue national sur de nouvelles bases», a récemment demandé Me Akere Muna, opposant au régime de Yaoundé.

Depuis des décennies, les Camerounais anglophones de la zone anciennement connue sous le nom de Cameroun britannique en veulent au pouvoir central de les marginaliser. En octobre 2016, d’importantes manifestations ont éclaté dans les villes des régions anglophones.

En septembre 2017, les séparatistes ont pris les armes contre le gouvernement camerounais, et le I er octobre, le Southern Cameroons Ambazonia Consortium United Front a déclaré l’indépendance de la République fédérale d’Ambazonie. Une République non reconnue, déclarée dans les régions du Nord-Ouest et du Sud- Ouest. La date est symbolique: elle marque le 1er octobre 1961 .date de naissance du Cameroun dans sa forme actuelle.

Source: L'Indépendant du 03-10-2022