Gros malaise: le tout puissant Martin Mbarga Nguélé interpellé

Martin Mbarga Gros malaise: le tout puissant Martin Mbarga Nguélé interpellé

Mon, 16 Jun 2025 Source: www.camerounweb.com

Dans cette ville du Nord-Cameroun, le commissariat de sécurité publique a développé un système de taxation illégale si sophistiqué qu'il rivalise avec les recettes municipales officielles.

La ville de Poli découvre une réalité amère : son commissariat de sécurité publique fonctionne désormais comme une entreprise privée dont le seul objectif est la génération de revenus illégaux. Cette transformation d'une institution régalienne en machine à cash révèle l'ampleur d'une dérive qui dépasse largement le cadre de la simple corruption ponctuelle.

Le système mis en place témoigne d'une organisation remarquable par sa cohérence et sa rentabilité. Chaque automobiliste qui traverse la ville doit s'acquitter d'une taxe de 1 000 FCFA, transformant les contrôles de routine en véritables péages urbains. Cette pratique génère des revenus substantiels qui alimentent une chaîne hiérarchique parfaitement rodée, où chaque patrouille reverse quotidiennement 5 000 FCFA au chef d'unité.

La confiance affichée par ce dernier interpelle autant qu'elle inquiète. Sa déclaration selon laquelle il bénéficie du soutien de sa hiérarchie régionale et que rien ne peut lui arriver suggère que ce système pourrait s'inscrire dans une logique plus large, dépassant le cadre local. Cette assurance traduit soit une impunité totale, soit l'existence de complicités à des niveaux supérieurs de la chaîne de commandement.

L'inventivité du système se révèle également dans la tarification des services judiciaires. L'Inspecteur Principal de Police Foga Mathias et le commissaire ont établi un véritable barème commercial pour leurs prestations. Une convocation coûte 2 000 FCFA, une descente sur le terrain 25 000 FCFA, créant ainsi un accès à la justice à géométrie variable selon les moyens financiers des justiciables.

Les jours de marché transforment le commissaire en véritable collecteur d'impôts informels. Commerçants, vendeurs de comprimés, éleveurs et autres acteurs économiques locaux doivent s'acquitter de leur tribut pour exercer leurs activités en toute tranquillité. Cette pratique révèle une compréhension fine de l'économie locale et une capacité d'adaptation remarquable aux cycles commerciaux de la ville.

L'épisode du 2 mai 2025 illustre parfaitement la méthode employée pour maximiser les revenus. Trente commerçants membres d'une association de développement ont été convoqués pour une affaire de tontines pourtant déjà résolue. Chacun s'est vu réclamer 3 000 FCFA sous peine d'emprisonnement, générant en une seule opération 90 000 FCFA pour le commissariat. Cette convocation fantôme démontre une créativité certaine dans la génération de revenus artificiels.

La dimension psychologique de cette extorsion mérite une attention particulière. Les populations se décrivent comme "désabusées, maltraitées, humiliées et sans force", révélant l'impact profond de ces pratiques sur le tissu social local. Cette dégradation du lien de confiance entre citoyens et forces de l'ordre crée un climat délétère qui dépasse largement les aspects financiers.

Le timing de ces révélations en période préélectorale ajoute une dimension politique à cette affaire. Ces pratiques d'extorsion perturbent l'activité économique locale à un moment crucial, soulevant des questions sur leur impact potentiel sur le processus démocratique. Les populations locales se retrouvent prises en étau entre leurs obligations civiques et la pression financière exercée par ceux qui devraient garantir la sécurité de leurs activités.

L'appel lancé au Délégué Général à la Sûreté Nationale révèle l'épuisement de tous les recours locaux. Cette sollicitation directe du plus haut niveau hiérarchique témoigne de l'ampleur du dysfonctionnement et de l'urgence ressentie par les populations. Elle constitue également un test pour l'institution policière dans sa capacité à s'autoréguler et à protéger sa crédibilité.

Cette affaire de Poli pourrait bien être révélatrice d'un phénomène plus large touchant les commissariats de petites villes, là où les contrôles sont moins fréquents et où l'impunité semble plus facile à maintenir. Elle soulève des questions fondamentales sur les mécanismes de supervision hiérarchique et sur l'efficacité des systèmes de contrôle interne au sein de la police nationale.

La réponse institutionnelle à cette crise déterminera non seulement l'avenir du commissariat de Poli, mais aussi la crédibilité de l'ensemble du système sécuritaire camerounais. Les populations attendent des actes concrets qui démontreront que l'État de droit demeure une réalité, même dans les localités les plus reculées du territoire national.

Source: www.camerounweb.com