Grosse colère à Touboro : 'Le maire veut être à la fois sous-préfet et maire'

Sous Préfecture De Touboro Elias Noudjigumen, sous-préfet de Touboro indexe le maire de Touboro

Mon, 7 Nov 2022 Source: L’OEIL DU SAHEL N°1724

Dans une interview accordée à nos confrères de L'oeil du sahel, Elias Noudjigumen, sous-préfet de Touboro indexe le maire de Touboro de vouloir prendre sa place. Extrait

Le vendredi 28 octobre 2022, la sous-préfecture de Touboro a été envahie par la population. Qu’est-ce qui n’a pas marché ?

D’entrée de jeu, je peux vous rassurer que la situation sécuritaire de Touboro n’est plus aussi alarmante que les années précédentes, malgré le sous-effectif des forces de défense et de sécurité dont nous disposons. Vous devez savoir que, la commune de Touboro dirigée par une jeunesse immature et agitée instrumentalise les jeunes dans un élan d’insurrection populaire. Posez-vous la question de savoir pourquoi à chaque fois, seuls les partisans de l’Undp se plaignent de la monté de l’insécurité ? vous devez savoir que cette situation n’est qu’un montage de toutes pièces. Nous ne disons pas qu’il n’y a pas d’insécurité parce que nos frontières sont poreuses et nous sommes voisins à deux pays frontaliers, et, de temps en temps nous faisons l’objet d’attaques. Mais, la situation est relativement maitrisée. Seulement que, les populations, en majorité les jeunes, sont manipulés pour des intérêts politiques. Aujourd’hui il est difficile à l’autorité que je suis de faire son travail. Le maire de la commune de Touboro veut être à la fois sous-préfet et maire. Il est même difficile de donner des ordres aux membres des comités de vigilance, car ils sont manipulés. Ces comités de vigilance placés auprès des chefs traditionnels de 3e degré ne parviennent pas à les encadrer, car ils n’ont le respect pour personne. Comment pouvons nous travailler dans un tel contexte ? Je suis déjà à cinq ans de service ici dans cet arrondissement. Est-ce que c’est à la sixième année qu’on peut m’accuser d’être laxiste ?

Vous devez savoir que le mouvement insurrectionnel du 28 octobre 2022 a un autre objectif. Le maire est dans sa logique de campagne électorale. Pour le moment je dis et je répète que ce genre de comportement va se multiplier ; je le connais car c’est depuis cinq ans que je suis là. A chaque fois, c’est les mêmes actions. Des réunions ont été tenues, des rappels à l’ordre lui ont été adressés, mais il est toujours dans sa logique. Pour revenir sur les évènements du 28 octobre, en réalité s’il s’agissait de la monté de l’insécurité, le maire n’avait pas à inciter ces jeunes à descendre dans la rue. Il devrait tout simplement désigner quelques jeunes pour rencontrer l’autorité administrative et en discuter. Mais ce que j’ai constaté c’est que, le maire qui est passé me rencontrer chez moi sur mon invitation est venu plutôt me dire que c’est lui qui a étouffé une manifestation des jeunes des villages Gazawa, Mayo Mbi, Mata Mada et Kades. Je lui ai demandé qu’entendait-il par étouffer ? Très vite j’ai compris ce que cela cachait ; j’ai compris son intention. En fait lorsque le maire vous dit qu’il a étouffé, c’est qu’il est par contre en train de monter plutôt les jeunes et, c’est ce qui s’est passé. Il m’a dit que les jeunes n’étaient pas contents parce que je ne fais pas de descentes sur le terrain, et que je n’étais pas proche d’eux. Mais tout ça c’est des alibis. Je ne dors pas ici ; au quotidien je suis aux côtés de nos forces et j’interviens partout où il y a des difficultés, et, je le fais depuis cinq ans. A chaque fois je fais des rencontres avec les membres du comité de vigilance et les chefs traditionnels. Le véritable problème ici c’est que, les populations n’arrivent pas à nous donner l’information ; il y a une rétention de l’information dans mon unité administrative. L’autorité administrative n’est pas suffisamment renseignée. Monsieur le maire qui est au quotidien avec les populations, retient également l’information pour mettre du discrédit sur l’autorité que je suis.

Les populations se plaignent de ce qu’à chaque fois qu’il y a prise d’otages dans leurs villages, vous n’allez pas vers elles pour les consoler. Qu’en est-il ?

L’arrondissement de Touboro est tellement vaste et le sous-préfet ne peut pas être partout à la fois. Lorsqu’il y a eu le premier assassinat à Siri, le sous-préfet s’est déplacé à une heure du matin avec un seul élément pour se rendre sur place consoler les populations. Donc, je dis une fois de plus que tout ceci n’est que montage. Le sous-préfet est toujours proche de ses populations. Pourquoi c’est toujours une frange de cette population qui se plaint alors que notre arrondissement a plus de 300 mille âmes et vaste de 16.000km² ? Pourquoi c’est seulement trois ou quatre villages qui se plaignent de l’éloignement de l’autorité alors que nous avons 232 villages ? Vous devez tout comprendre.

Monsieur le maire de Touboro affirme s’être rendu chez vous pour vous annoncer que quelque chose de ce genre se préparait. Pourquoi n’avez-vous pas anticipé ?

Je dis et je le répète, le maire Célestin Yandal pour ceux qui ne comprennent pas sa philosophie doivent comprendre que c’est un enfant de chœur. Le maire n’est jamais venu vers l’autorité pour lui dire que quelque chose se préparait. Il n’informe même pas l’autorité ; le maire fait le travail de l’autorité, vous devriez le savoir. Et quand le maire vient vous dire quelque chose, sachez que c’est le contraire. Le maire n’est jamais droit pour vous faire savoir qu’il y a telle chose qui est en préparation. S’il vous dit que quelque chose est en préparation, sachez que cette chose est déjà sous votre pied. J’en veux pour preuve que je l’ai fait venir ici et quelques jours après, le mouvement s’est déclenché au moment où je programmais une descente de sensibilisation avec les forces de maintien de l’ordre et de défense, immédiatement l’insurrection est arrivée. Et même là, laissez moi vous dire que cette insurrection m’a trouvé lorsque je me dirigeais vers les villages. Mais Monsieur le maire a empêché à notre cortège de se rendre dans ces villages. Il a poussé plutôt les jeunes à la révolte. J’ai dû faire demi-tour pour venir les écouter à la sous-préfecture. La suite vous la connaissez avec ces images qui ont circulé dans les réseaux sociaux. Donc vous devriez savoir que le maire ne veut pas de sous-préfet ici. Il veut faire savoir à l’opinion qu’il est l’alpha et l’oméga de cette unité. Il n’est pas dans la logique de la bonne collaboration. Je pense que si ces jeunes venaient pour dénoncer la montée de l’insécurité, ils ne devaient pas s’attaquer et vandaliser les services publics, ni s’attaquer à l’intégrité physique de mon épouse. Est-ce que mon épouse fait partir de l’état-major ? Quel est son rôle dans l’activité de lutte contre l’insécurité ? Donc vous comprenez très bien que l’objet de la descente était autre chose.

Plus d’une semaine après cet incident, est-ce qu’on peut dire que le calme est revenu dans votre unité administrative ?

Une semaine après, je peux vous rassurer que le calme est de retour. Je pense que ce calme est revenu certainement parce que ces jeunes ont compris que, ce qu’ils ont posé comme acte était contraire à la loi. Avec la rencontre qui a également eu lieu le 1er novembre dernier avec le commandant de la 31e Brigade d’Infanterie Motorisée (Brim), les esprits se sont calmés, car beaucoup de reproches leur ont été adressées.

Qu’envisagez vous faire pour que cela ne se reproduise plus ici à Touboro ?

L’autorité est toujours au travail. Je suis toujours plus proche de mes populations. Si c’est des actes liés à l’insécurité, ces actes peuvent être maitrisés, mais quand l’objectif est ailleurs c'est-à-dire créer du désordre, mettre le KO dans l’unité, vous pensez que ce sera facile de maitriser ce genre de situation ? Il y a des gens tapis dans l’ombre qui sont dans la logique de mettre l’unité dans le sang et dans le KO. Mais je vous rassure que nous allons contrôler au mieux les actions de Monsieur le maire afin qu’il puisse baisser les bras, pour ne plus tomber dans des erreurs pareilles.

Lors de la rencontre avec le commandant de la 31e Brim, vous avez affirmé avoir identifié certains étrangers dans les rangs des manifestants. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Il est inadmissible que dans les rangs manifestants, qu’on se retrouve avec un grand nombre d’étrangers en situation irrégulière. Et là, c’était le travail des chefs traditionnels de dénoncer les étrangers qui entrent dans leurs territoires. Et comme ils ne l’ont pas fait, nous allons faire des opérations de bouclage pour pouvoir interpeller ceux-là pour non seulement répondre de leurs actes, mais aussi refouler certains qui ne sont pas en situation régulière dans leurs pays.

Est-ce que dans l’arrondissement de Touboro, les membres des comités de vigilance font véritablement leur travail ?

Lorsque les comités de vigilance sont bien encadrés par l’autorité. Sans l’influence ou la manipulation, ils peuvent bien faire leur travail. La preuve c’est que, dans le reste de l’unité où ces jeunes ne sont pas manipulés, je crois qu’ils font sereinement leur travail, mais le problème réside dans ces trois ou quatre villages cités plus haut, que ces jeunes n’obéissent à personne ni à l’autorité qui les a mis sur pied, ni aux chefs traditionnels. Je crois que nous allons encore restructurer ces comités de vigilance pour qu’ils soient encore plus efficace

Source: L’OEIL DU SAHEL N°1724