Le voile se lève progressivement sur le sort des leaders séparatistes du Cameroun anglophone enlevés dans la capitale nigériane le 05 janvier, lesquels, aux dernières nouvelles se trouveraient dans les locaux des services de renseignements militaires nigérians.
L'information a été rendue publique vendredi par le Dr. David Makongo, président de l'Ong United Support for Peace basée aux Etats-unis, qui dit avoir mobilisé des ressources et services pour retrouver la trace des dirigeants de la "Federal Republic of Ambazonia", recherchés par les autorités camerounaises en vertu d'un mandat d'arrêt international émis en novembre 2017.
« Maintenant, je peux affirmer avec assurance que nous croyons avoir localisé les dirigeants enlevés d'Ambazonie. Ils sont sains et saufs », a-t-il révélé, ajoutant que « Contrairement aux rapports précédents selon lesquels ils (Sisiku Julius Ayuk tabe et ses neuf compagnons d'infortune, ndlr) avaient été enlevés par le NSS, leur enlèvement a été effectué par l'ONSA (Bureau du Conseiller de Sécurité Nationale) et non par le NSS. Après les interrogatoires, l'ONSA a transféré les dirigeants de l'Ambazonie au Defense Intelligence Agency (DIA), où ils sont actuellement détenus, sains et saufs. ».
Voilà une information qui, si elle est avérée, viendrait quelque peu calmer les appréhensions des défenseurs des droits de l'homme, pro-séparatistes ou non, qui redoutaient l'extradition au Cameroun de ces dix personnes auxquelles les autorités de Yaoundé voueraient une haine mortelle, vraisemblablement au même titre qu'à la secte terroriste Boko Haram. Car même si les raisons des affrontements Cameroun contre Boko Haram, d'une part, et Yaoundé contre sécessionnistes anglophones, de l'autre, n'appartiennent pas au même registre, le gouvernement camerounais n'a pas cessé depuis de faire endosser à ses ennemis le manteau de "terroristes".
Pour autant, et seulement au cas où les dirigeants du mouvement séparatiste n'auraient pas déjà été livrés en catimini au Cameroun, cela ne signifie pas que cette éventualité soit catégoriquement exclue : Le Cameroun et le Nigeria partagent depuis quelques temps, une situation commune de pays dont la stabilité et l'intégrité est menacée par des menées séparatistes. Bien plus, les entités qui aspirent de part et d'autre à la partition du Cameroun et du Nigeria sont géographiquement voisines et partagent, d'un point de vue ethnologique, des affinités qui les rendent solidaires l'une de l'autre. Pour cette seule raison, le Nigeria estime que laisser les séparatistes camerounais mener leurs opérations à partir de son territoire reviendrait à leur servir de base arrière, et que le Cameroun pourrait lui rendre la pareille.
Il n'en demeure pas moins que quelle que soit la pertinence politique d'une démarche nigériane allant dans le sens de livrer Sisiku Ayuk et ses lieutenants à Yaoundé, cela se ferait en violation totale de tous les traités internationaux sur le traitement des refugiés, des exilés et des personnalités politiques menacés dans leur propre pays, comme l'a signalé l'African Bar Association (l'Ordre des Avocats Africains) dans un communiqué publié jeudi à l'intention des autorités nigérianes.
L'African Bar Association a par ailleurs précisé que la plupart de personnes arrêtées par le Nigeria le 5 janvier étaient détentrices d'un passeport américain, ce qui, selon Me Célestin Kemgoum, avocat au Barreau du Cameroun approché par Radio Equinoxe mercredi, leur confère « une certaine immunité juridictionnelle… ».
L'Ong de défense des droits de l'Homme Amnesty International a quant à elle relevé vendredi que les « Dix dirigeants du mouvement indépendantiste dans les régions anglophones du Cameroun pourraient être menacés de torture et (s'exposer à un) procès inéquitable s'ils sont extradés du Nigeria ».