Guerre dans le NOSO : de nouvelles révélations troublantes sur le fond du problème

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Thu, 8 Dec 2022 Source: Le Jour N°3809

Conflit. Le diagnostic et les voies de la paix, du projet de recherche sur les options constitutionnelles

C’est une solution à la crise anglophone. Son originalité, une contribution des spécialistes camerounais dans les domaines de la paix et de la sécurité, des processus de paix, de la résolution des conflits politiques, du droit constitutionnel comparé, et des systèmes politiques comparés (expérience ONU, UA, Fondations internationales). C’est le fruit d’un projet de recherche dénommé Constitutional Options Project d’une durée de cinq ans (2017 – 2022) qui prend fin le 31 décembre prochain. « L'objectif est d'atténuer le conflit dans les régions historiquement anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest au Cameroun”, lit-on dans la présentation. Près de 700 ouvrages, travaux de recherche, et publications dans les revues savantes sur la résolution de telles crises (autour de la diversité linguistique, des spécificités territoriales) ont été consultés, et consignés dans une bibliographie - avec des hyperliens insérés vers les matériaux sources. Et aussi, un contact direct établi par le projet avec certains des experts les plus prolifiques sur le plan mondial notamment dans les domaines de l’éducation et la pédagogie comparée anglo-saxon et francophone, et sur les Régions à statut spécial et le transfert asymétrique des compétences. « Tout en exploitant les données et faits sur l’expérience camerounaise dans la gestion des héritages français/anglais, une approche profondément comparée – regardant de près les défis et les réponses apportées par des pays ayant une diversité comparable (diversité linguistique officielle avec des aires historiques/géographiques de prédilection/concentration des langues) », campe la note introductive. On retient que le multilinguisme est un facteur qui peut prédisposer un pays aux conflits. Le contact linguistique et la concurrence entre les langues peut mener aux « conflits linguistiques », dénommés « guerres de langues ». Les langues ne sont ni neutres ni de simples outils de communication: elles portent ou projettent des valeurs culturelles, des façons de penser, et souvent des systèmes éducatifs, juridiques, et d’organisation de la société (politiques) distinctes. Certains des domaines de divergence peuvent devenir des secteurs « conflictogènes » (en proie aux conflits), à surveiller dans un Etat multilingue. “Dans des sociétés multilingues, préviennent les auteurs, comprendre et concilier les différences qui existent entre les différents systèmes est plus fiable et durable, comme gage de stabilité, de prévention et de gestion des conflits, que de croire en leur non-existence. La protection des droits des minorités incombe au Pays qui ne sont pas caractérisés par une homogénéité de leur population (très rare en effet). Voir Chine Han/Ouigours Turcs islamiques, Italie/Tyrol du Sud alémanique, Vallée d’Aoste français, Finlande/Åland suédois.” Placé sous l'enseigne du grand baobab africain (l'Arbre à Palabre ou le Palaver Tree), lieu traditionnel de résolution de différends, le Projet est ancré dans la conviction que de tels conflits peuvent être résolus par des techniques innovantes pour concilier la diversité linguistique, culturelle et autres. Les cinq Documents de Réflexion couvrent les thèmes suivants :

La Gestion des deux Langues Officielles Le Système Juridique et le Bijuridisme National La Gestion des deux Soussystèmes Éducatifs Le Transfert Asymétrique des Compétences, la Gouvernance, et L’Autonomie des Régions à Statut Spécial Les Voies vers un Processus de Paix

L’etude insiste sur l’importance de la rédaction bilingue et bijuridique comme au Canada. Où aux termes de la Loi constitutionnelle de 1867, les lois [à vocation d’application nationales] doivent être adoptées dans les deux langues officielles, les deux versions faisant également foi. Il est donc de la plus haute importance que les projets de loi et de règlement soient préparés dans les deux langues officielles. L'une des versions ne saurait donc être une simple traduction de l'autre. “Pour cette raison, les administrations - ministères et organismes - qui les parrainent doivent s'assurer qu'elles sont en mesure d'élaborer les orientations et objectifs, de consulter et de donner des instructions aux légistes dans les deux langues officielles. Les deux versions doivent avoir le même sens, celui qu'on entend leur donner, exprimé en termes clairs et précis. Il est tout aussi important que les projets de loi et de règlement respectent les deux traditions juridiques canadiennes - le droit civil et la common law -, puisque les lois […] s'appliquent en principe à l'ensemble du pays. Les notions propres à chaque système juridique doivent être exprimées dans les deux langues d'une façon qui tienne compte des deux réalités” Quant à la gestion des deux sous-systèmes éducatifs, doit primer le respect de la préservation des spécificités entre sous-systèmes: quel a été l’expérience Camerounaise (défis ayant mené a la crise)? Différences observées par les ministères en charge de l’Enseignement quant au rendement interne entre les deux sous-systèmes. Le respect de la préservation des spécificités entres sous-systèmes: quels sont globalement à travers le monde, les traits distinctifs entre systèmes éducatifs AngloSaxons/Anglophones et Francophones/Latins? Planification et prévisions dans la gestion des flux migratoires entre soussystèmes et la demande de l’enseignement auprès de chaque sous-système. Le Projet exprime sa profonde reconnaissance aux constitutionnalistes, experts en processus de paix, en résolution de conflits et en droits de l'homme Africains, dont les idées, l'ingéniosité et le financement ont rendu le projet possible. “Nous espérons que ces produits du savoir contribueront à la construction de la paix sur les braises de la crise actuelle. Un message sert de fil conducteur à tous ces Documents de Réflexion sur les Politiques de Paix : que si des troubles sociaux, des tensions et des conflits peuvent se produire dans des pays présentant une diversité linguistique et culturelle marquée autour desdites diversités (par exemple, en Afrique du Sud, en Belgique, au Canada), ces conflits peuvent être évités et atténués. Loin d'être une malédiction, la diversité peut devenir un atout national.” Avant leur publication, les Documents ont été lus et commentés par d'autres spécialistes Camerounais dans les domaines (1) des langues officielles et du bilinguisme, (2) du bijuridisme et des systèmes juridiques mixtes, (3) des systèmes éducatifs comparés, (4) de la décentralisation, du transfert des compétences et de la gouvernance multi-niveaux, et (5) par des acteurs qui plaident pour la paix et la justice sociale

Source: Le Jour N°3809