Hausse des prix du carburant : Le gouvernement joue-t-il avec le feu ?

Station Mobile Carburant Image illustrative

Thu, 2 Feb 2023 Source: www.camerounweb.com

L'homologation des nouveaux prix des produits pétroliers augmentés à la pompe ce mardi 31 janvier 2023, plonge le pays dans l'incertitude de l'effet domino. C’est établi que les produits pétroliers sont au cœur de l’économie moderne. L’augmentation est importante. Le litre de Super passe de 630 Fcfa à 730 Fcfa. Soit une augmentation de 100 Fcfa. Le Gasoil connait lui aussi une envolée conséquente en passant de 575 Fcfa à 720 Fcfa. Soit une augmentation de145 Fcfa par litre. Comme mesures palliatives, le salaire des agents publics connait une augmentation de 5,2%. Les prix du pétrole lampant et du gaz domestique restent inchangés. Le Salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig) est valorisé à 41.875 Fcfa soit une augmentation envisagée de 5 605 Fcfa. Cette situation suscite des pressantes interrogations liées à l’effet domino de cette augmentation. Le risque est grand pour qu’il y ait de l’impact négatif sur les différents secteurs de l’activité économique. Le gouvernement est-il assuré que ces mesures d’accompagnement, des mesures pour amortir le choc lié à cette augmentation vont tenir ? On se souvient que sur le marché, le panier de la ménagère était déjà vide, suite à la hausse généralisée des prix des produits de première nécessité au motif devenu cosmétique: la guerre en Ukraine. Maintenant qu'un produit névralgique comme le carburant, au cœur de l'économie connaît une telle augmentation, le risque est grand pour que la flambée des prix atteigne des pics jamais égalés. Qu'on se souvienne de février 2008, où une augmentation de 15 Fcfa des prix à la pompe avait plongé le pays dans une situation critique. Il est vrai que cette augmentation est une prescription du Fmi mais c'est le Cameroun qui va trinquer. Il est aussi clair que les prix vont s'affoler davantage si le gouvernement n'est pas à la brèche pour parer à toute éventualité. Le budget 2023, qui annonçait une année difficile est en train de dévoiler son visage lugubre à l'entame du deuxième mois de l'année. Avec les effets de la guerre en Ukraine qui rendent la vie pénible qu'en sera-t-il de l'addition de ce choc des prix à la pompe? Le Messager recueille ce jour les avis de deux leaders politiques. Patricia Tomaïno Ndam Njoya, la présidente nationale de l’Udc et Cabral Libii, le leader du Pcrn. Deux réactions qui en disent long sur la quantité et la qualité de farine que le gouvernement a sur la planche pour en faire du pain au goût et à satiété de tous. Comme disent les Anglo-saxons, « we still have a long way to go ! »

Patricia Tomaïno Ndam Njoya, présidente nationale de l’Udc

« Le Gouvernement doit ouvrir sans délai, un véritable dialogue direct… »
L’Udc rappelle que le gouvernement opère ces augmentations seulement un mois après le message du chef de l’Etat à la Nation le 31 décembre 2022 où, évoquant le défi de l’approvisionnement continu du marché national en carburants dans un contexte de conjoncture économique défavorable du fait de certains chocs exogènes, le président de la République avait dit avoir instruit le gouvernement «d’étudier toutes les options permettant de stabiliser les prix à leur niveau actuel, et de préserver le pouvoir d’achat des consommateurs ». L’Udc condamne ces contradictions devenues trop récurrentes entre les annonces du président de la République et les faits contraires qui se produisent par la suite, portant ainsi un coup à la crédibilité de la parole présidentielle et au respect de l’image de notre pays qui y est logiquement liée. S’agissant des mesures d’augmentation des prix de certains produits pétroliers, l’Udc regrette que, 63 ans après l’indépendance de notre pays, le gouvernement persiste dans les solutions conjoncturelles somme toute génératrices d’inflation et dont économiquement et socialement asphyxiantes à la préoccupante problématique d’approvisionnement rationnel du marché national en produits pétroliers alors qu’il faut plus que jamais lui trouver des solutions structurelles. En effet, la vulnérabilité du Cameroun, pays producteur de Pétrole aux fluctuations mondiales du cours du baril de pétrole, n’est que la conséquence du choix stratégique suicidaire de produire et exporter le pétrole lourd que nous ne consommons pas, et d’importer en retour, le pétrole léger que nous consommons. Le montant de la dépense publique liée à la subvention des produits pétroliers consentie chaque année par l’État, aurait largement pu couvrir à suffisance le coût nécessaire de l’investissement à réaliser pour une raffinerie capable de produire directement ce dont le marché national a besoin. Pour ce qui est de la revalorisation salariale de 5,2% en moyenne dans la fonction publique, l’Udc redoute que cette mesure ne soit grandement insuffisante pour juguler les effets du renchérissement général des prix sur le marché que pourra logiquement entraîner l’augmentation des prix des carburants lorsqu’on sait que le prix des carburants est un paramètre structurant du niveau général des prix sur le marché. L’Udc soutient que le gouvernement peut et doit faire mieux pour sauver le panier de la ménagère non seulement par une meilleure revalorisation salariale, mais aussi par les appuis concrets à la production locale et à l’approvisionnement facile de nos marchés en denrées de consommation courante. Dans cette perspective et redoutant les effets néfastes des mesures prises par le gouvernement sur la paix et la stabilité sociales, L’Udc invite le gouvernement à ouvrir sans délai, un véritable dialogue direct avec les principaux acteurs du secteur de production, la société civile et les acteurs politiques en vue d’harmoniser la compréhension de la situation et la recherche des solutions concertées pour un meilleur contrôle de la situation qui est suffisamment délicate. »

Cabral Libii, président national du Pcrn

« Le Gouvernement doit tirer les conséquences de ses errements et jeter l'éponge »

« Et des mesurettes dites sociales...Le Smig à 41 mille francs c'est rien qu'une pure moquerie à l'encontre des syndicats qui ont passé un an à négocier. C'est une inconséquence dans la suite d'une politique d'offre restée inefficace depuis 1992. La preuve en matière d'industrialisation en Afrique centrale, le Cameroun passe derrière le Gabon et la Guinée Equatoriale nous tutoie désormais. De même, augmenter de 5% le traitement de la fonction publique ne correspond à rien du tout (à peine 10 mille francs en valeur réelle sachant le revenu médian dans la fonction publique) dès lors que les seuls prix de l'immobilier dans une bulle depuis les années 2000 finissent d'absorber le maigre traitement du salarié public. Conclusion : la présente augmentation est la preuve de l'incurie, de l'incompétence, de l'absence de direction (vision claire et rigueur méthodologique dans sa mise en œuvre) et surtout d'éthique de ceux qui dirigent le Cameroun depuis 1982, sans réelle capacité de prévision ou d'anticipation. Les camerounais sont peu à peu conduits au bord du précipice. Après l'augmentation généralisée des impôts de service (timbres et autres), des recettes non fiscales en contrepartie d'une prestation administrative déclinante et l'augmentation continue depuis 2006 des prix des produits à la consommation finale des ménages, sans correction substantielle à la hausse depuis 30 ans des revenus des travailleurs, la facture est par trop salée. Le Gouvernement de la République doit tirer les conséquences de ses errements et jeter l'éponge ! »

Source: www.camerounweb.com