Une colonne de femmes aux yeux embués de larmes, la mine pathétique, queue de cheval au poing pour certaines, chantent des lamentations au rythme d’une pleureuse principale qui donne le ton. Un pasteur sans conteste de l’Eglise évangélique du Cameroun (Eec), dans une oraison suivie religieusement par l’assistance attendrie, supplie le Dieu vivant et miséricordieux d’accueillir l’âme de l’illustre disparu dans son éternité.
Une large et majestueuse banderole placardée au fronton de la tribune officielle logée sur le site de l’esplanade de la place des fêtes, fait observer : Chairman Ni John Fru Ndi, tous les Bamboutos te disent merci pour tout ce que tu as fait pour la liberté d’expression, la démocratie, le multipartisme au Cameroun. Que ton âme repose en paix. Devant cette tribune et sous un chapiteau de fortune, une rutilante voiture 4X4 dont la capote est drapée d’un tissu Ndop couleur indigo, est à l’arrêt. A l’intérieur, git la dépouille de Feu Ni John Fru Ndi.
Voilà quelques images de l’ambiance de requiem qui a régné sur l’esplanade de la place des fêtes de Mbouda le 28 juillet 2023 à l’occasion de la reddition du dernier hommage au Chairman Ni John Fru Ndi en son temps président national du Sdf, décédé le 12 juin 2023 à Yaoundé. Toutefois, relevons que dans le chronogramme relatif à son inhumation en date du 29 juillet 2023 dans son Baba II natal, département la Mezam, région du Nord-ouest, il était acquis cette rencontre du jour étant donné que, d’une part, les Bamboutos avaient donné le score le plus important (plus de 95%) à l’élection présidentielle de 1992 à l’échelle nationale. Sur ce, le département est devenu la prunelle des yeux du Sdf et de son président national. Et d’autre part, le 1er Secrétaire général national (Sg) Sdf francophone est un fils des Bamboutos en la personne de l’honorable Jean Tsomelou. Passons !
Etat démocratique
L’événement se déroule en présence du vice-président national du Sdf, Joshua Oshi ; des autorités administratives locales dont le préfet des Bamboutos, Dibango David Dador et le Sous-préfet de Mbouda, Hervé Marie Ambomo Mani ; des membres de la famille du défunt ; des hiérarques de la Circonscription électorale (Ce) Sdf de Mbouda dont Salomon Kazi Tatsassi ; des membres du G 27 Sdf dont l’ex Sg national Sdf, l’honorable Jean Tsomelo.
Que côtoient de nombreux militants et sympathisants du parti de la balance. La mobilisation du jour a donné lieu à plusieurs allocutions. Dans sa contribution, ce pasteur de l’Eec, Augustin Pejidzam Gouffo, président du district de Galim (2) dans les Bamboutos et Nord-Ouest, laisse entendre que la disparition de Fru Ndi est un grand coup que prend la vie politique de notre pays. « Feu Papa John Fru Ndi qui retourne à la terre des ancêtres, comme cette graine de l’Evangile qui est tombée en terre, doit faire germer au Cameroun, les fruits que nous attendons. A savoir : la véritable paix, la liberté et justice, le vivre ensemble. »
Prenant la parole, Salomon Kazi Tatsassi déclare que la mobilisation du jour tient lieu du fait que « le héros de la démocratie » disparu, a passé sur ses 82 ans d’existence, 33 ans de lutte, sans armes, contre les injustices qui gangrènent le développent du pays. Le 26 mai 1990, l’on se souvient, par son courage extraordinaire, il a commencé un combat qui consacre aujourd’hui le multipartisme, la liberté d’expression et la démocratie au Cameroun.
« Nous voici à son dernier meeting d’hommages bien mérité ; il s’agit d’une forte mobilisation de paix où l’on retrouve ses militants et sympathisants, amis et même ses ennemis d’hier. Nous prions le Tout puissant qui l’a accueilli dans sa gloire de lui donner l’inspiration pour qu’il inonde nos cœurs. Afin que nous, petits John Fru Ndi qu’il a moulés, fassions ce qu’il n’a pas pu faire de son vivant pour l’on vive en paix au Cameroun. »
Un homme de paix et de courage
Signalons, toutefois, que l’honorable Jean Tsomelou, au terme de cette grande messe du jour, a choisi ses appartements privés logés dans le centre-ville de Mbouda pour rendre à sa manière les derniers hommages à celui-là qui, selon ses dires, fut son papa. C’est ainsi qu’à l’occasion, une cérémonie culturelle, nimbée des chants et danses traditionnelles qui célèbrent la vie sur la mort a été organisée à juste titre.
Justifiant sa symbolique, le « fils à papa » verse : « Nous assistons ici à la célébration de la mémoire de mon père, Ni john Fru Ndi qui était un homme de paix et courage. Et j’ai décidé aujourd’hui d’organiser cet hommage en sa mémoire compte tenu des combats que nous avons menés et remportés, ensemble pendant plus de 33 ans. Il m’avait pris la main alors que n’avait que 22 ans et il me souvient, notre marche du 21 août 1991 où les forces de l’ordre avait tiré sur son pied.
Je dois dire que nous avons fait beaucoup de choses pour ce pays. Nous étions ensemble au congrès de Bamenda en 1992, à Bafoussam en 1993, à Maroua en 1995, à Buea en 1996, à Yaoundé en 1999, à Bamenda 2006. Donc, nous avons cheminé ensemble dans la lutte pour l’avènement d’un Etat démocratique. »