D'après l'avocate et écrivaine, il est impératif de mettre un terme à ce "chantage sentimental perpétuel qui tente de limiter la seule manière d'être Camerounais et Africain, ainsi que d'exprimer son amour pour son pays et son continent, ce qui est inacceptable."
Avec effroi, je suis tombée sur une vidéo d’un Camerounais assez connu qui affirmait que vous n’aimiez pas l’Afrique parce que vous aviez choisi de jouer pour la Dream Team, pour les Etats-Unis. Bien qu’habituée aux camerouniaiseries décapantes et njitapantes, ces mots m’ont choquée. Ils montrent que les Camerounais ne comprennent toujours pas ce qu’est la liberté qui ne peut pas être séparée de la justice et qu’être Africain ne veut dire n’avoir que des devoirs, de lourdes responsabilités sans aucun droit et surtout pas celui de penser d’abord à sa personne.
Ce chantage sentimental perpétuel qui voudrait qu’il n’y ait qu’une seule manière d’être Camerounais et Africain, d’aimer son pays et son continent est ignoble. C’est afin qu’il cesse que je vous écris, Joël Embiid, pour vous dire que vous avez fait un choix qui est légitime ; vous n’avez pas à le justifier parce qu’il est uniquement le vôtre et basé, de toute évidence, sur la raison.
Monsieur Embiid, vous avez déjà apporté énormément au Cameroun. Je ne doute pas une seconde que vous continuerez à faire beaucoup pour le pays de votre naissance en ayant eu toutefois l’humilité de réaliser que vous ne pouviez pas le porter, le développer seul. Essayer aurait voulu dire vous brûler non pas les doigts mais les ailes, vous faire des ennemis puissants et déterminés et surtout devenir un activiste voire un politique puisque vous n’auriez jamais pu avoir un impact local révolutionnaire sans l’ouvrir, faire plus que jouer au basket et faire du business. C’est bien cela qui est, de mon point de vue, au cœur de votre décision.
Le Cameroun et trop de pays africains exigent de ses enfants qui ont réussi hors de ses frontières qu’ils partagent les retombées financières de cette réussite sans partager leur expérience et leur savoir tout en leur déniant le droit d’être des citoyens et d’avoir des idées sur le social, le sociétal, et la politique. Au Cameroun, vous ne serez jamais rien d’autre que votre argent alors que votre nationalité américaine vous permet non seulement de gagnr de l’argent mais aussi d’avoir un rôle dans la société américaine. Aux Etats-Unis, vos opinions sont écoutées, votre voix porte ainsi vous donne une tribune mondiale.
Puis, Monsieur Embiid, vous l’avez très bien dit en parlant de votre fils né américain et qui ne pourra obtenir la nationalité camerounaise que par vaudou juridique. Votre choix sera bien plus bénéficiaire toute votre famille y compris celle au Cameroun parce qu’il les protège vu que le seul privilège désormais de la camerounité est d’être considéré comme de la chair à canon pour son gouvernement et ses compatriotes comme le montre même le combat pour obtenir son passeport camerounais de celui qui vous crachait à la figure.
Aux Etats-Unis, votre famille et votre fils n’auront pas qu’à assumer inhumainement le poids de votre notoriété et de votre réussite, à la payer au prix fort parfois saignant. Ils auront des droits dont celui de ne pas s’excuser, culpabiliser et de participer à la vie publique en ayant une vie privée. Pour toutes ces raisons dont la plus importante est bien entendu la raison, vous avez fait le bon choix. Je ne doute pas une seconde que ce fut difficile même déchirant mais voyez-vous le patriotisme voire le nationalisme ne suffit plus lorsqu’il est question du « pays. » La vie et la fin atroce de Fotso Victor démontrent que le Cameroun finit toujours par briser le cœur et même parfois l’âme et l’être de ceux qui l’aiment et sont prêts à tout pour leur terre chérie.
Le Patriarche Fotso avait l’habitude d’affirmer que son argent, ses milliards pour user d’un des mots préférés des Camerounais, lui auraient permis de vivre n’importe où en prenant n’importe quelle nationalité. Il a fait le choix de revenir non seulement au pays mais au village pour des raisons sentimentales et traditionnelles. Bandjoun était pour Fotso tel Akron, Ohio pour Lebron James et il était convaincu qu’il pouvait contribuer de manière substantielle au développement de son village et de son pays. Traditionaliste, il pensait qu’on ne peut pas échapper à l’appel et aux besoins du pays. Homme de son époque et limité, il ne pouvait pas accepter que nul n’est prophète chez soi, qu’on ne développe pas de haut en bas surtout sans un État providence et qu’avoir réussi ne veut pas toujours dire avoir raison sur tout.
Fotso Victor crève comme un vieux nègre sans médaille à l’Hôpital Américain de Paris, n’est toujours pas enterré et n’a aucune de ses dernières volontés respecté, Joël Embiid, parce que contrairement à vous, il a refusé la nationalité française par loyauté absolue pour le Cameroun.
Ce que le sacrifice du Dernier Bamiléké et des dignes fils d’Afrique de sa génération doit enseigner aux nouveaux monuments tels que vous est que ce n’est pas la diaspora qui construira le Cameroun et l’Afrique de l’extérieur !
Ce n’est pas non plus les plus fortunés qui devront se sacrifier en faisant, en donnant tout ou juste beaucoup mais ceux qui, avec le savoir du local, feront sans être obnubilés par le ventre et le business en s’attaquant à une misère culturelle et morale qui explique ce que des Camerounais et d’autres se permettent de dire sur vous. Oui, vous avez choisi de résister à la toute-puissance, de ne pas vous « etoofer » en devenant tout tout le temps au Cameroun pour intégrer plutôt une équipe et un collectif qui ont un vrai projet d’avenir. Ils ne vous demandent pas eux trop voire l’impossible sans même la garantie d’un peu de droits, de reconnaissance et de considération.
Voilà, ce que j’avais à vous dire ce deuxième dimanche d’octobre 2023, Monsieur Joël Embiid. Je vous soutiendrai aux Jeux Olympiques de Paris en pensant à Fotso Victor certaine que lorsque vous gagnerez la médaille d’or avec les Etats-Unis, malgré vous, malgré tout, une partie de votre être aura mal et se tortura en se demandant ce que vous auriez pu faire avec les Lions Indomptables si… Le Cameroun nous brisera toujours le cœur parce qu’il ne sait pas chérir pas ses enfants. Il peut les idolâtrer lorsqu’ils réussissent, il sait les njitaper lorsqu’ils trébuchent mais il ne sait pas les épauler, les élever et leur permettre de se projeter. Les Etats-Unis à vous, comme à tant d’autres, ont donné les moyens de faire le Cameroun briller malgré la haine profonde de soi des Camerounais