L’université de Yaoundé II faisait le point jeudi dernier avec les instituts privés de l’enseignement privé dont elle assure le parrainage. Ce sont pour la plupart, ces établissements dont les villes camerounaises pullulent depuis plusieurs années, et qui préparent leurs étudiants à des formations « professionnalisantes » rapides.
Les « IPES», comme on les appelle communément, constituent le gros des clients du Brevet de technicien supérieur (BTS) et de son pendant anglo-saxon, le Higher National Diploma (HND). Et comme on le sait, c’est un diplôme très couru au Cameroun, dans un contexte où la recherche d’une aptitude professionnelle est le leitmotiv de beaucoup de jeunes et de parents.
Ils sont donc nombreux à éviter le circuit classique des universités d’Etat pour chercher le savoir et surtout le savoir-faire dans les instituts privés de l’enseignement supérieur. Les IPES ont effectivement le don d’attirer ces jeunes qui ne veulent pas s’encombrer de longues études. Deux ou trois ans de formation à un métier et des outils opérationnels pour chercher un emploi. Si l’option en a séduit plus d’un, c’est bien parce qu’elle a su cibler des corps de métiers plutôt demandés sur le marché de l’emploi. Ainsi, au début des années 2000, les promoteurs d’institut privés ont eu le flair.
A titre d’exemple, la libéralisation de l’audiovisuel a été accompagnée par un boom dans la formation en journalisme et communication de manière plus globale. C’est dans ce vivier qu’ont puisé les premières chaînes de radio et télévision privées de la place. Même chose avec des secteurs comme l’informatique, la comptabilité et la gestion, banques et finance, hôtellerie et restauration, secrétariat bureautique. Et depuis une bonne quinzaine d’années, des pionniers comme l’institut Siantou supérieur ou Ndi Samba à Yaoundé, se sont bâti une solide réputation dans le secteur. Au point de faire école. Aujourd’hui, il existe près de 200 IPES à travers la République.
Ce développement prodigieux est à l’image de la forte demande en formation supérieure, illustrée par les universités d’Etat déjà à nouveau débordées, 20 ans après la réforme. Mais cette ouverture voulue et encadrée par le gouvernement ne va pas sans casses. Les premières années BTS ont été de véritables hécatombes en termes de résultats. Ce qui a, au fil du temps, amené les pouvoirs publics à resserrer l’encadrement des instituts privés. Il le fallait bien, puisque les coûts de la formation ici n’ont aucune commune mesure avec ceux des universités publiques. Là où l’Etat demande 50.000 F, les IPES prennent au bas mot 300.000 F de frais universitaires pour une année.
Les taux d’échec importants au Brevet de technicien supérieur ont alors donné l’impression d’une « mercantilisation » à outrance des prestations dans le privé. On paye cher, mais le résultat n’est pas toujours au bout de l’effort financier. C’est-à-dire un enfant bien formé et opérationnel dès l’obtention de son BTS. Beaucoup ont donc échoué aux portes de l’examen. Et pire, un grand nombre de ceux qui l’ont obtenu se sont reversés dans les universités d’Etat. Parce que dans l’imagerie populaire, un BTS, ça ne pèse pas autant qu’une bonne vieille licence.
C’est pour répondre en partie à cette crise de croissance que l’Etat a institué le parrainage des IPES par les universités.
La formule exige à chaque institut privé d’enseignement supérieur d’avoir un « tuteur ». Elle est censée apporter l’encadrement et la caution nécessaires, au plan scientifique, académique, infrastructurel. Cela a-t-il abouti à une amélioration de la tenue et de la formation dans les IPES? C’est à voir. La question était justement au centre des assises de la semaine dernière à Yaoundé II-Soa. Car dans certains cas, le parrainage est devenu une simple formalité sans effet réel sur le fonctionnement des établissements. Une formalité à laquelle les promoteurs se plient juste pour éviter les tracasseries, être en règle.
Dans la réalité, les IPES sont loin du tableau souhaité en matière de confection des programmes, recrutement des enseignants qualifiés, infrastructures correspondant aux filières proposées. Toutefois, ces instituts continuent de faire courir les jeunes. C’est sans doute le signe d’une certaine crédibilité. Mais, une crédibilité à consolider par la poursuite des efforts d’amélioration des conditions de travail et de la formation elle-même. La fiabilité des diplômes délivrés est à ce prix.