Le Secrétaire général du Collectif des organisations de la société civile pour le suivi indépendant des grands projets de la zone Kribi-Campo-Ma’an s’exprime, à la suite de la vague d’arrestation des hauts commis de l’Etat qui a actuellement cours au Cameroun, dans le cadre de la commission de constats et d’évaluation des biens mis en cause par les travaux de construction du complexe industrialo-portuaire de Kribi.
La région de Kribi fait face à une grave spéculation foncière.
Que vous inspire la mise en arrestation d’une dizaine de personnes dans le cadre de l’opération d’indemnisations des populations autochtones sur le site du port de Kribi ?
Lorsque j’en ai été informé, cela n’a pas été une surprise pour moi. Car les faits reprochés aux membres de la commission de constats et d’évaluation des biens mis en cause par les travaux de construction du complexe industrialo-portuaire de Kribi sont flagrants et graves quand vous prenez connaissance de certains cas.
D’où la recommandation de la Commission nationale anti corruption (CONAC), dans son rapport à ce sujet, de punir sévèrement les membres de ladite commission sur des irrégularités et le faux usage de faux évoqués dans leur rapport. Pour un pays qui se veut émergent en 2035, il faudrait lutter efficacement contre la corruption et les détournements.
Parmi les mis en cause, il y a par exemple l’ancien préfet du département de l’Océan Jean François Vilon qui, avec d’autres hauts commis d’Etat, aurait frauduleusement insérer des noms qui n’avaient aucun rapport avec le site considéré. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
A mon avis, je pense que si ces personnalités ont été mises en détention à la maison d’arrêt de Kondengui (Yaoundé), c’est parce qu’elles sont comptables du travail de constats et d’évaluation des biens qui a abouti à la signature du décret N°2010/3312/PM du 30 novembre 2010 portant indemnisation des personnes victimes d’expropriation et/ou de destruction des biens dans le cadre des travaux de construction du complexe industrialo-portuaire de Kribi dans le département de l’Océan.
C’est possible, il y aurait des personnes qui n’ont aucun bien dans ce site et dont les noms se retrouveraient dans ce fameux décret, avec la complicité des membres de ladite commission.
Quelle aura été l’implication des chefs traditionnels dans cette opération ?
La situation de chef traditionnel en tant qu’auxiliaire d’administration est complexe lorsqu’il doit se prononcer ou dénoncer sa hiérarchie. Néanmoins, dans le cadre du processus de constats et d’évaluation des biens, c’est un acteur incontournable qui doit accompagner les membres de la commission sur le terrain dans son territoire de commandement, malgré la complexité sus-évoquée. Si certains sont concernés par ces malversations, la justice fera son travail.
Où en est-on avec le Plan d’action de réinstallation des populations à exproprier sur l’emprise du complexe industrialo-portuaire de Kribi ?
Les zones de relocalisation Nord et Sud-Est sont en train d’être aménagées malgré l’arrêt des travaux depuis quelques mois. Quant à la zone Sud, les travaux d’aménagement sont achevés et le site a été réceptionné et rétrocédé aux populations du village Lolabé. Les actions d’accompagnement socio-économiques sont toujours attendues.
Sur le plan purement global, quelle est l’ampleur des problèmes qui se posent dans la ville de Kribi ?
Appelée à devenir l’un des pôles économiques et de compétitivité les plus importants du Cameroun, à travers les différents projets annoncés, la région de Kribi fait face à des problèmes de synergie d’actions entre les grands projets et les collectivités territoriales décentralisées, d’implication réelle des riverains dans les emplois à pouvoir, de la spéculation foncière, de la vie chère et surtout d’un manque de plateforme de dialogue et de concertation des populations autochtones pour mieux défendre leurs intérêts.
Dès lors, il serait important de concilier développement et la protection de l’environnement, pour un développement durable et équitable de la région de Kribi.
Et pour améliorer les problèmes d’expropriation et d’indemnisation au Cameroun en général, il est urgent de revoir les textes législatifs et réglementaires en la matière. Car ceux qui sont en vigueur sont dépassés et ne cadrent plus avec le contexte actuel. Il est aussi important que les normes et standards internationaux soient respectés dans le cadre du constat et de l’évaluation des biens.