Pierre Anselme Tchieffi, 22 ans, maçon dans ledit chantier est sorti des amas de béton sain et sauf vendredi dernier.
La ville de Dschang est restée en alerte maximale jeudi à vendredi derniers à la suite de l’effondrement d’un immeuble R+4 au lieu dit : « Ancienne gare routière », proche du marché B. Les secours ont œuvré en synergie pour extraire des décombres, les personnes qu’on disait ensevelies sous les dalles. A 22h, Brice Léa Tekougang est extirpé du bâtiment sinistré. Ce maçon né en 1984 va rendre l’âme à l’entrée de l’hôpital de district de la ville. Pierre Anselme Tchieffi (22ans), lui, est un miraculé. L’ouvrier sort des amas de béton sain et sauf et son état est jugé sans aucun risque par les médecins.
Il raconte les derniers moments ayant précédé l’effondrement : «Nous étions sept en train de renforcer les poteaux fissurés. A la suite de l’orage, nous avons arrêté les travaux et sommes partis. Il ne restait qu’une personne qui voulait absolument finir sa tâche. Je revenais prendre mes vêtements quand le bâtiment s'est écroulé».
Pendant toute la nuit de jeudi à vendredi, Augustine Awa Fonka, gouverneur de la région de l’Ouest a personnellement supervisé l'action conjointe des sapeurs pompiers, des forces de maintien de l’ordre et des volontaires engagés à fouiller les décombres pour sauver les vies. La mission d’expertise dépêchée sur le terrain par le ministre des Travaux publics a fini son travail.
Selon Denis Awah Ndang, inspecteur général chargé des questions techniques au Mintp et chef de cette délégation, les matériaux ont été prélevés pour une analyse au Labogenie. « Au premier constat, l’immeuble s’est écroulé verticalement. Le béton est de mauvaise qualité. Les cailloux ont beaucoup d'éléments plats, le dosage des matériaux n’est pas aux normes », a-t-il expliqué.
Le maire, Baudelaire Donfack, déplore le manque de res ponsabilité de la part du propriétaire. Pour ce chantier évalué à plus de 146 millions de F, on apprend que le propriétaire avait sollicité auprès de la mairie, l’autorisation de bâtir un immeuble R+1 sur un espace de 400m2.
« Il avait juste payé la quittance. La commission refusait de lui accorder le permis de bâtir parce qu’il ne respectait pas le plan initial. De R+1, il a sournoisement bâti un immeuble R+4». L’ingénieur qui a validé l’ajout de deux niveaux supplémentaires sur le dossier du permis de construire déposé à la mairie et le propriétaire sont pour l’instant injoignables.
« Il faut démolir les ouvrages dangereux »
Kizito Ngoa, président de l’Ordre national des ingénieurs de génie civil.
Un édifice de plusieurs étages vient de s’écrouler à Dschang. A quoi pense un spécialiste quand il apprend qu’un immeuble s’est effondré ?
L’effondrement d’immeubles entre progressivement dans les habitudes. C’est un grand danger pour le pays. Notre culture et notre système de valeurs sociales restent des facteurs clés dans la perception des risques. Il existe des raisons techniques qui sont à l’origine des effondrements et à ce titre, le respect des règles de l’art aurait permis de minimiser les risques. Malgré certaines avancées dans la démarche qualité, il demeure constant qu’aujourd’hui des immeubles se construisent sur quatre étages sans permis de construire, sans ingénieur réellement impliqué, sans aucun contrôle sérieux des documents, plans et modes opératoires du projet. Si les résultats d’enquêtes suite aux effondrements d’immeubles étaient disponibles et largement diffusés, l’opinion publique comprendrait que les professionnels de la construction n’ont pas toujours été impliqués dans ce genre de projets.
D’aucuns trouvent curieux et coupable le silence de votre association …
L’Ordre ne reste ni silencieux ni inactif lorsque se produit ce type d’accident. Mais plus que réagir après un effondrement d’immeuble, il est de notre devoir de prévenir et de protéger le public. Ainsi, lorsque nous faisons la promotion de la profession d’ingénieur de génie civil, il convient d’appréhender cette action dans le sens de mettre les professionnels au cœur des projets de construction, et ceci au bénéfice de tous.
C’est ainsi que, outre des rappels incessants visant déjà une simple application des textes existants dans le secteur des constructions, de nombreuses propositions sont formulées à l’endroit des pouvoirs publics, concernant les modalités de délivrance des permis de construire et les dispositions de suivi et contrôle des constructions, sans toutefois qu’elles ne soient à ce jour toutes prises en considération.
Comment peut-on mettre fin au laisser-aller ?
Il est plus que nécessaire que les rôles de chaque acteur de la construction soient bien établis, et que les contrôles soient correctement effectués à tous les niveaux de la chaîne, pour s’assurer que ce sont des personnes qualifiées qui opèrent. Ainsi apparaîtront tous les manquements et dérives qu’il conviendrait alors de sanctionner sans retenue. Et ce sont les autorités municipales, dotées du pouvoir de police, qui doivent sans hésitation arrêter les chantiers dangeureux, et même, dans certains cas, démolir aux frais du promoteur les ouvrages à risques.