En raison d’un contrat subitement rompu, la Société de Négoce et de Transport du Cameroun a attrait la puissante compagnie des hydrocarbures devant le juge administratif de Douala. Mais le manager des puits de pétrole du Cameroun se refuse à être jugé devant cette juridiction en raison de règles particulières de sanction de ses contrats qu’il évoque. Le procureur n’est pas d’accord.
Il n’y a pas jusqu’au préjudice sentimental que le représentant de la Société de Négoce et de Transport du Cameroun (Sonetranscam) n’a évoqué pour dire son courroux face à l’attitude de son partenaire d’affaires devenu adversaire dans le prétoire du tribunal administratif du Littoral lors de son audience du jeudi 28 octobre 2021.
En réponse, SNH a dit par son avocat qu’il n’est pas justiciable devant le juge administratif de céans dès lors qu’un décret de 2.L 18, qui la réorganise, exclut ses contrats du champ des marchés publics. «Votre tribunal est incompétent», lance le défenseur. Pour lui, il s’agit d un contrat de transport qui serait du ressort du juge civil et du domaine de l’Ohada, du nom de l’Organisation pour
Il aurait proposé de tels arrangements avec un autre transporteur empêtré dans les mêmes difficultés avant de se murer subitement dans le silence. Une attitude qui contraindrait onze des treize prestataires dans cette activité à la faillite. Rien n’est plus faux, réplique encore l’adversaire. Le débat en arrive à des répétitions qui poussent le tribunal à solliciter le point de vue du ministère public, sans que l’on sache si le défendeur avait pris la peine d’écrire au transporteur pour lui signifier la survenue du cas de force majeure.
L’homme a parlé de «l’incompétence des gens de SNH», à qui il a apporté des solutions au-delà de son contrat, offrant gracieusement telle adresse de professionnels, tel conseil au passage, allant jusqu’à fournir du matériel que la Société nationale des Hydrocarbures (SNH) aurait utilisé huit fois plus longtemps’ que le temps prévu pour le prêt.
Et quand il a voulu parler de pratiques riveraines de «sorcellerie», la présidente du collège de juges lui a gentiment fait comprendre que l’on était largement sorti du champ du conflit qui porte sur une réclamation de réparation : sept milliards de francs pour un contrat qu’il estime avoir été abusivement rompu. L’affaire a commencé dans la première moitié des années 2010 quand la SNH sollicite par appels d’offres des transporteurs pour enlever du site de Mvia, non foin d’Edéa, des produits pétroliers qu’elle y extrait.
Selon la Sonetranscam, la SNH a unilatéralement modifié les conditions de prestation du service. «Le contrat était clair et se résume ainsi : apportez tel nombre de camions pour transporter telle quantité de brut tel jour. Nous avons apporté les camions et il n’y avait rien à transporter pendant longtemps. C’est comme si vous engagez un répétiteur pour vos enfants et quand il se présente, vous ne présentez pas les enfants pour bénéficier de l’encadrement. Tantôt parce qu’ils sont ailleurs, tantôt parce que vous-même vous n’êtes pas là.
A La fin du mois, allez-vous prétendre ne pas payer parce que les cours de répétition n’ont pas toujours eu lieu ?», a lancé l’émissaire
l’Harmonisation du droit des affaires en Afrique francophone. La demande de réparation n’est pas justifiée, car il s’agirait d’un cas de force majeure d’après la SNH : le puits de Mvia a tari. Tout au moins momentanément, car la compagnie minière cherche encore des moyens pour le forer davantage.
Preuve qu’elle n’a pas fourni les matières à transporter en toute bonne foi, pour des raisons tellement imprévisibles que sa volonté et sa responsabilité ne sauraient être mises en cause. Mieux, souligne la SNH, personne d’autre n’a été sollicité pour ce faire, ce qui aurait manifesté une intention malveillante. «Sonetranscam ne peut pas dire qu’elle n’a pas pu rembourser son crédit à cause de l’interruption du contrat, car ce crédit devait être remboursé jusqu’en 2014 et c’est seulement en 2018 que le puits s’est arrêté. Ils auraient pu payer la banque avec ce que mon client leur a versé avant», précise l’avocat de SNH.
Contrat commercial extraordinaire
Sur des points particuliers, les deux parties s’affrontent et donnent des détails pour emporter la conviction des juges qui tolèrent les digressions, «juste pour comprendre le contexte». Sonetranscam prétendra ainsi que SNH a voulu négocier un arrangement à l’amiable. Ce n’est pas exact, rétorque un cadre de la société traînée au tribunal et qui apporte des détails techniques aux côtés des arguments de droit de l’avocat. Le plaignant estime que, de toutes les façons, son partenaire d’affaires procède toujours ainsi.
Pour le procureur’ de la République, le décret de 2018 étant intervenu après le contrat objet du différend, la SNH ne devrait pas s’en prévaloir pour échapper à la justice administrative. Il complète son argumentaire en évoquant des précédents : «C’est une jurisprudence constante. Le code des marchés publics ne peut pas regrouper tous les types de marché et de relations qui impliquent les pouvoirs publics. Le juge apprécie souverainement par la technique du faisceau d’indices pour qualifier tel ou tel contrat comme étant administratif ou pas.» Dans son plaidoyer, le ministère public soulignera que dans «le cadre de ce contrat commercial extraordinaire, SNH pouvait modifier unilatéralement les termes, ce qui constitue un privilège exorbitante.
Toutes choses caractéristiques de la puissance publique réservées à une entreprise qui gère le bien public. Sujétion spéciale et déséquilibre feraient donc de l’affaire un contrat administratif. Naturellement, il requerra que le tribunal se déclare compétent, lors de l’audience du 30 novembre prochain, afin d’examiner davantage le cas et se prononcer plus tard sur le fond, l’indemnisation.