Indira Babokè, cet agneau sacrificiel qui s’ignore

Cet Agneau Sacrificiel Indira Babokè, cet agneau sacrificiel qui s’ignore

Mon, 16 Jun 2025 Source: www.camerounweb.com

Au-delà des paillettes et de la retransmission télévisée, l'analyse impitoyable d'une mise en scène qui révèle les mécanismes obscurs d'un système en fin de règne. Julie Foka décrypte comment une simple soutenance académique devient un rituel d'humiliation collective et un symptôme de la décadence d'un pouvoir qui se replie sur sa lignée. Entre symbolisme ésotérique et instrumentalisation médiatique, le portrait glaçant d'une famille qui transforme l'espace public en autel sacrificiel.



Indira Babokè, cet agneau sacrificiel qui s’ignore.

Chaque fois que je découvre des images ostentatoires en provenance du Cameroun, ma première réaction, comme tout être humain normalement constitué, est un mélange de stupeur et d’agacement, parfois même d’un rire nerveux , mais généralement d'amusement. Mais ces émotions ne durent jamais. Avec les années, et quelques confidences précieuses de personnes avisées dans les arcanes de l’ombre, j’ai appris à lire autrement. À ne plus m’arrêter aux paillettes, mais à chercher le fil qui relie les marionnettes. C’est dans cet état d’esprit que j’ai regardé, non pas avec colère, mais avec détachement et froideur, les images de la soutenance de thèse d’Indira Babokè, retransmise en direct sur une chaîne de télévision locale.

Il ne s’agit pas ici de contester le mérite d’Indira qui, sans doute, a trimé, lu, rédigé, douté, comme tant d'autres. Non. Le cœur de l’affaire, c’est l’instrumentalisation de ce moment intime et académique à des fins symboliques plus profondes, plus opaques, plus dérangeantes.

La scène, solennelle à souhait, a réuni cet après-midi un cercle d’initiés, que certains appellent simplement "parrains ", mais que d’autres, plus renseignés, identifient comme des vecteurs d’énergie ésotérique au service d’un ordre établi.

La question qui vient à l'esprit de tout être parfaitement constitué est celle-ci : mais pourquoi diffuser cela en direct à une nation en sursis ? Pourquoi faire de ce moment une cérémonie nationale ? C’est ici que le visible cède la place à l’invisible.

Ce geste n’est pas anodin. Il est rituel. Il obéit à une grammaire occulte qui consiste à narguer les masses, profaner l’espace public, offrir le luxe en pâture à ceux qu’on a dépouillés. Car dans certaines loges, et ce n’est pas une fiction, l'humiliation du peuple est une offrande symbolique, une liturgie obligatoire au service du Prince des Ténèbres.

Et dans cette mise en scène, la personne principale n’est parfois qu’un accessoire sacré, une offrande douce, souriante, parée, à qui l’on cache le rôle véritable qu’elle joue.

D’où ce titre : « Indira Babokè, cet agneau sacrificiel qui s’ignore. » Car il n’y a rien de plus efficace que d’utiliser l’innocence comme écran mystique.

Tout exposer. Tout exagérer. Tout exhiber.

C’est cela le cœur du contrat : choquer. Forcer l’admiration et la jalousie. Tendre à la nation un miroir maléfique, dans lequel elle ne se reconnaît plus. C’est pourquoi certains initiés de l’ombre aiment organiser des fêtes somptueuses pendant les famines. C’est pourquoi certains inaugurent des châteaux quand les hôpitaux ferment. C’est pourquoi, peut-être, on diffuse en direct une soutenance de thèse, pendant que des milliers d’autres étudiants du CUSS ou des campus de Ngoua-Ekellè, Soa et consorts, tout aussi brillants, sont laissés dans l’anonymat de leur pauvreté méritoire.

Ce scénario, nous ne le découvrons pas. Nous l’avons déjà vu dans d’autres décadences.

Chez les Mobutu, on couronnait les enfants pour masquer l’effondrement du Léopard.

En Roumanie, la fille de Ceaușescu était érigée en scientifique hors pair, pendant que le peuple fouillait les poubelles pour manger.

De Bokassa à Blaise Compaoré, la fin des régimes autocratiques a souvent été précédée d’un déchaînement de faste outrancier : bijoux exposés, enfants glorifiés, mariages princiers organisés sous le regard médusé des gueux.

Au Cameroun, la Babokè Family et toute les personnes qui gravitent autour de cette galaxie (Sam Soya , Fo'o Dzakeutonpoug , Ngalla Bibehè, et les autres initiés) , semble avoir hérité de cette tradition morbide. Ils ne gouvernent pas, ils orchestrent. Ils ne servent pas, ils règnent. Chaque plan de caméra est un encensoir. Chaque discours est une incantation. Chaque image, une offrande.

S'il fallait encore le redire, ce n’est pas un hasard. C’est un symptôme de fin de règne. Le pouvoir, sentant sa fin proche, se replie sur sa lignée, glorifie ses enfants, pense conjurer la chute en rappelant au peuple qui sont les héritiers.

Un jour, peut-être, le Cameroun demandera aux Babokè de s’expliquer. Non pas pour avoir mis leurs enfants à l’école. Mais pour avoir utilisé les médias, une chaîne de télévision comme un autel sacrificiel, et la misère du peuple comme un décor de gloire.

Mais à trop tirer sur le voile, on finit par révéler le masque. Car ce qu’ils ne savent pas, c’est que le Malin n'offre jamais de garanties. Il exige des spectacles, il réclame des mises en scène, mais abandonne ses fidèles au premier renversement de table.

Car l’Histoire a une mémoire. Et dans les archives des nations, le nom de ceux qui ont instrumentalisé les symboles sacrés de la République pour glorifier leur descendance finit toujours gravé dans la honte.

Oui, Indira peut avoir mérité sa soutenance. Mais la question ici n’est pas le mérite académique. C’est l’instrumentalisation symbolique, l’usage mystique de la visibilité, et l’outrage froid d’une famille qui pense pouvoir capturer l’éternité avec des spots LED et des regards angéliques.

Julie Foka

Source: www.camerounweb.com