L’activiste et partisan du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) Claude Wilfried Ekanga a rédigé une tribune pour donner son point de vue sur la thématique d’actualité la plus brulante actuellement : le coup d’État au Niger. Le collaborateur de Maurice Kamto parle surtout du média France 24 qui rencontre de la résistance.
Le sulfureux Claude Wilfried Ekanga écrit tout ce qui suit : « Le Principe de réciprocité. France 24 interdite au Niger. Hier soir, le nouveau gouvernement nigérien a annoncé la fermeture des chaînes françaises RFI et France 24.
Et comme on pouvait s'y attendre, Paris a "fermement condamné" cette mesure, en estimant certainement que le général Tiani est un ignoble dictateur qui veut museler l'information et restreindre l'expression médiatique. Oui oui, je sais, c'est très drôle. Moi-même j'ai eu du mal à ne pas éclater de rire, surtout en pensant que la France et l'Allemagne ont récemment suspendu les médias russes Sputnik et Russia Today sur leur propre sol.
Les Européens s'obstinent à ne pas comprendre que la balance sur laquelle ils pèsent le reste du monde, est désormais la même que le reste du monde utilise pour les peser, eux ! Le 02 mars 2022, une semaine après l'assaut de la Russie sur l'Ukraine, le gouvernement français annonçait, après une réunion à la va-vite de la Commission européenne, que Sputnik et RT étaient désormais bannies du territoire.
Les deux chaînes étant accusées d'être "des instruments de propagande du Kremlin". Mais ce que ces braves gens ont oublié, c'est que d'autres pays peuvent tout aussi bien estimer que France 24, RFI ou Euronews (dont le siège se trouve à Lyon) sont "des instruments de propagande de l'Élysée". Et il n'y a aucune raison qu'une version soit vraie et pas l'autre.
Et donc, il n'y a aucune raison que les médias d'un camp soient bannis, et pas ceux de l'autre camp. C'est un principe stratégique élémentaire qu'on appelle la réciprocité. C'est-à-dire, tu me gifles, je te gifle, et ça fait match nul.
Une amnésie choisie
Les Français furent donc les premiers à interdire les chaînes russes chez eux, alors même que toutes les chaînes d'info françaises continuaient d'émettre en Russie sans le moindre problème. Un détail assez surprenant, puisqu'on sait depuis la nuit des temps que la dictature se trouve en Moscou et la démocratie à Paris. Pire encore, c'est en 2021 (c'est-à-dire bien avant l'invasion de l'Ukraine par Poutine) que l'Allemagne a banni Russia Today chez elle. Évidemment, ceux qui nous demandent à chaque instant d'aller "vivre en Russie" ne sont pas au courant de ce détail-là, car persuadés qu'en Europe, l'expression et l'information sont libres à 100%.
Un autre détail qui dérange, c'est que dans une démocratie réelle, ce n'est en principe pas le gouvernement qui décide de bannir un organe de presse. Car il faut à tout prix éviter la politisation de l'information. Ce n'est pas pour rien que le journalisme est qualifié de "quatrième pouvoir", car il est censé être indépendant des trois autres (exécutif, législatif et judiciaire).
Or, en France, plutôt que ce soit le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) qui statue sur la question des médias russes, ce sont plutôt les instances exécutives (Commission européenne, Élysée, etc.) qui ont décidé de l'interdiction des chaînes russes. D'ailleurs, dans la foulée, Mme Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, annonçait étudier l'interdiction d'autres chaînes russes dans les pays de la mer Balte, notamment la Lettonie et l'Estonie. Mais maintenant que les gouvernements malien, burkinabè, et nigérien décident d'appliquer la même formule sur RFI et France 24, ce sont les pleurs qui fusent.
Quelqu'un y comprend quelque chose ? N'est-ce pas là une forme de sorcellerie ? Il faut d'ailleurs noter que la France ne s'est pas limitée à interdire Sputnik et Russia Today ; elle a aussi procédé à un gel des avoirs, notamment de RT France (dont le groupe de presse RIA Novosti basé à Moscou détient les 100% de parts), plongeant ainsi une centaine d'employés dans une situation financière fragile. Mais bon, vu que c'était au nom de la démocratie et que ça permettait de mettre fin à la propagande russe, ce n'était pas très grave n'est-ce pas ?
Quand l'Europe interdit c'est bien, mais quand la Russie ou des pays africains interdisent, c'est inacceptable. Prenons soin de nos malades.
La réalité des choses
C'est toujours pénible de devoir expliquer le monde à tous ces sorciers qui nous demandent : "Comment tu peux critiquer l'Europe alors que tu vis en Europe" ? C'est simple : si je critique l'Europe en Europe, c'est parce que je ne suis pas corrompu ! Ce n'est pas parce que tu vis chez quelqu'un que tu vas le laisser faire des bêtises sans lui dire qu'il fait des bêtises.
Sinon je n'aurai qu'à vous héberger chez moi et à commettre des viols et des meurtres sous vos yeux tout en vous demandant de garder le silence puisque vous dormez sous mon toit ! Vous agissez exactement comme Paul Biya, Mohamed Bazoum, Macky Sall, Mahamat Déby et toute la horde de valets du néocolonialisme, qui estiment que puisque la France les a installés sur le trône, ils vont la suivre dans tous ses délires.
Je suis contre un monde manichéen et naïf, où l'on veut nous vendre les uns comme de super-gentils, et les autres comme de super-méchants. Nous ne sommes pas ici dans un dessin animé japonais, où le héros représentant le bien affronte les forces du mal. Si nous vivons en Occident, c'est d'ailleurs précisément parce que nous ne considérons pas l'Occident comme une entité démoniaque avec exclusivement des côtés négatifs. Au contraire, nous invitons l'Occident à considérer ses propres défauts, et à considérer en même temps que le camp d'en face n'a jamais été le diable absolu qu'il essaye de nous vendre. En politique comme dans la vie, le blanc et le noir n'existent pas. Car tout le monde est gris.
Or, vouloir passer pour de grands démocrates alors qu'on pratique la même répression que ceux-là mêmes qu'on critique, c'est être dans l'humour total. Le même type de grosse blague qu'on a observé il y a quatre jours, lorsque le putschiste Mahamat Déby (installé le 21 avril 2021 à la tête du Tchad par Emmanuel Macron, alors que la Constitution tchadienne de 2018, révisée le 14 décembre 2020, organise clairement la façon dont doit se gérer la vacance du pouvoir par l'administration civile) a été choisi comme médiateur pour aller expliquer la démocratie au putschiste Tiani. Je n'ai jamais entendu qu'on a envoyé un aveugle régler la circulation dans un carrefour.
C'est cela être malade. La France est malade de ses propres incohérences, et c'est pour cela qu'elle perd autant de terrain en Afrique ; avant le terrain, c'est sa crédibilité qu'elle a depuis longtemps perdue ».