La Société nationale d'investissement (SNI) du Cameroun se transforme pour mieux participer au financement du développement du pays, selon les révélations de Jeune Afrique. Cette mue, annoncée depuis deux ans, a été entérinée par le président Paul Biya le 10 juillet dernier à travers deux décrets qui transforment la SNI en un fonds de capital public et valident ses nouveaux statuts.
Cette réforme vise à arrimer la SNI au droit Ohada des sociétés commerciales et à élargir son périmètre de compétences pour qu'elle puisse participer au financement de la Stratégie nationale de développement 2020-2030 (SND30). Selon Patrice Yantho Yondeu, patron du cabinet JMJ Africa, spécialisé dans le conseil en investissements, cette mutation va permettre à l'entreprise publique de sortir de sa longue léthargie et de répondre aux besoins de l'environnement de l'investissement industriel au Cameroun.
Cependant, tous les doutes ne sont pas levés quant à la performance attendue de la nouvelle SNI. Emmanuel Noubissie Ngankam, économiste et ancien fonctionnaire de la Banque mondiale, regrette que la SNI ne soit pas transformée en un fonds souverain comme il le proposait dans une tribune en août 2022, à l'instar de son homologue marocain, le holding royal SNI devenue Al Mada en 2019. Il déplore également que la SNI soit devenue une entreprise rentière voire un boulet pour l'économie camerounaise.
Selon Jeune Afrique, la composition du portefeuille de la SNI illustre son état quasi comateux. Sur 31 entreprises dans lesquelles la SNI a pris des parts, cinq sont en arrêt d'activité depuis des années. Parmi celles en exploitation, des canards boiteux comme Maïscam (groupe Abbo), le raffineur Sonara, l'aluminerie Alucam. Mais aussi des pépites comme la Société anonyme des boissons du Cameroun (SABC, groupe Castel) et ses filiales Socaver et le producteur d'eau SEMC, le cimentier Cimencam (groupe LafargeHolcim), Sic Cacaos (Barry Callebaut), Sosucam (Somdiaa) ou encore la Société camerounaise des dépôts pétroliers (SCDP).
La nouvelle SNI voit le périmètre de ses interventions s'élargir à la gestion d'actifs, l'intermédiation boursière, la réhabilitation des entreprises publiques, leur liquidation ou privatisation, et leur mise à niveau. Une évolution majeure pour l'avenir du Cameroun, selon Emmanuel Noubissie Ngankam, qui analyse que la SNI est placée au cœur de la politique nationale de développement économique. Cependant, cette ambition nécessite des moyens conséquents. Pour ce faire, l'État entend injecter 200 milliards de F CFA (plus de 304 millions d'euros) de ressources budgétaires sur les quatre prochaines années, afin de porter son capital social à 226 milliards de F CFA et en attendant que la nouvelle entité soit en mesure de lever ses ressources, notamment sur le marché financier.
Cependant, la réforme enclenchée n'inspire pas un optimisme à toute épreuve. Beaucoup d'observateurs ne cachent pas leur scepticisme, surtout si le management de la SNI n'évolue pas. Le fait de placer l'entreprise publique sous les tutelles financière du ministère des Finances et technique du ministère de l'Économie fait craindre une mainmise pesante du gouvernement. Patrice Yantho Yondeu conclut que moins la SNI sera dépendante de l'État sur le plan opérationnel, plus elle sera autonome et prospère. Car il faut de l'agilité, de la vivacité, de la flexibilité et de la rigueur dans l'appréciation des bons risques. C'est prioritairement une question d'aptitude managériale et de gouvernance, assise sur des valeurs et standards.