Invincibilité : Paul Biya et le sacrifice sur le fleuve la Sanaga

Une procession de véhicules se prépare à sortir du Palais

Thu, 17 Oct 2024 Source: www.camerounweb.com

Comment un militaire a été offert en sacrifice par Paul Biya dans la Sanaga.

L’écrivain EBALE ANGOUNOU Daniel St Yves, raconte dans son livre « Sang pour sang », comment un militaire a été offert en sacrifice par Paul Biya dans la Sanaga.

Régnant sur le quartier général de l'armée, le désormais Général Asso'o Emane Benoît ordonne à un de ses éléments de le suivre à son bureau. Le soldat, plus connu sous le pseudonyme de "Commando" s'exécute. Mais grande sera sa surprise d'entendre le haut gradé lui dire qu'il a besoin de lui pour une mission "ultra secrète" au profit du chef de l'Etat. Le soldat se serait attendu à tout, sauf à quelque chose du genre. Honoré par ce choix, parmi des milliers d'éléments que compte le quartier général, le soldat attendra patiemment dans le bureau du Général jusqu'à ce que survienne un véhicule de marque Peugeot 505, de couleur noire à bord duquel il embarquera pour une destination inconnue. Il se retrouvera finalement au Palais de l'Unité où des dispositions particulières l'attendent : un logement dans la maison du chef de l'Etat, un personnel de service prompt à obéir à ses moindres caprices, un équipement distractif et de loisir à portée de main, etc.. A quoi donc sont dus tant d'égards ? Il en est plutôt ému. Et du coup, il éprouve à l'endroit d'Asso'o un profond sentiment de reconnaissance car pense-t-il, le Général l'aura honoré de son choix pour lui faire vivre la phase la plus palpitante de sa vie.

Aurait-il une seule fois pensé qu'il établirait ses quartiers au Palais de l'Unité un jour ?

A midi, il est conduit à la table du chef de l'Etat qui, sans préalables se limitera à souhaiter un bon appétit à tous ceux qui s'apprêtent a partager son repas. Et, faisant signe à quelqu'un qui se rapprochera de lui, il va engager un dialogue sournois avec son interlocuteur. "Commando" sent alors le regard du Président le survoler sans jamais réellement se poser sur lui, afin, sans doute, de ne pas se trahir car ils sont en train de

parler de lui. Il ne voudrait pas que ce dernier s'en rende compte. Alors il se sent davantage honoré : le Président parle de lui ; il le connaît donc. Peu importe qu'il quitte la table sans avoir approché le chef de l'Etat de plus près, mais il est fier que le Président le compte parmi ses connaissances.

Dans la soirée, une procession de véhicules se prépare à sortir du Palais. Le président est dans l'une d'entre-elles. Le soldat du quartier général aussi a une voiture. On lui a même attribué un chauffeur. Et il ne se gêne pas de prendre place à l'angle droit, à l'arrière du véhicule. N'est-il pas entré dans la cour des grands ? Pourquoi dès lors ne deviendrait-il pas lui aussi grand ? Son patron, le Général Asso'o, ne s'assied-il pas ainsi dans ses voitures ? Et tous ces grands qui vont effectuer la sortie ne sont-ils pas assis

de la sorte ? Dès lors qu'on lui a attribué une Renault 25 et un chauffeur, il est par la force des choses devenu grand. Est-ce un hasard si dans l'ordre des choses il occupe la deuxième place après le chef de l'Etat, alors que même le Général est loin derrière? II s'agit quand même d'un cortège de près d'une douzaine de voitures, et l'ordre de préséance constitue certainement à ses yeux une échelle de valeurs ...

Des ministres, des généraux, des colonels et autres hauts dignitaires du régime, dans une procession à laquelle il a place. Pas de doute, il est miraculeusement entré dans le cercle des décideurs de ce pays. Le cortège s'ébranle vers l'Ouest, mais fera halte dans le département du Mbam. Et pied à terre. Il faut aller par la brousse, pour rejoindre le fleuve Sanaga. Tant bien que mal, ils y parviennent. Les groupes vont alors se constituer par affinités. Le soldat se retrouve tout seul, tandis que l'attente se fait de plus en plus longue et lourde. Manifestement, on attend quelque chose ou quelqu'un qui ne saurait davantage tarder.

La nuit est noire sur les bords de la Sanaga, et le ciel est tapissé d'étoiles. Le brise est régulière. Subitement, une lumière apparaît au loin. Elle évolue lentement, se précise en décrivant tous ses contours : c'est une lampe à pétrole. Celui qui la détient est debout dans une pirogue qui vient accoster. Mais le nouvel arrivant ne descend pas de la pirogue. Il s'agit du sorcier des eaux de la Sanaga. Asso'o va à lui. Ils se parlent quelques secondes durant, puis le Général rejoint le Président et lui explique la situation.

Alors, ce dernier va vers le sorcier avec qui ils échangent quelques mots. De retour de cet entretien, il rejoindra le groupe et, se dirigera cette fois là vers le soldat esseulé, le temps de lui dire : "Merci soldat". Sur ces entre-faits, il va esquisser un mouvement de retrait avant de se prosterner légèrement et d'embrasser le militaire. Honneur suprême pour un homme de troupe. Le Président de la République, chef suprême des armées, l'a embrassé. "Commando" effectue un impeccable salut militaire en guise de reconnaissance et répond : "Je suis à votre disposition et à vos ordres Monsieur Le Président". Et Paul Biya de s'incliner une fois de plus à titre de remerciement et d'hommage avant de rentrer auprès du sorcier. Pendant ce temps, Asso'o lui succède auprès du soldat, et lui tend la main. "Bonne chance soldat" dit-il. Le jeune militaire s'en va alors auprès du sorcier. Il va également embarquer dans la pirogue qui s'éloignera lentement. Du coup, alors qu'ils observent encore l'embarcation qui prend des distances sur le fleuve, des cris d'homme se font entendre, mêlés à des aboiements et hurlements de chiens. "Commando" les appelle au secours en des termes on ne peut plus clairs : "Général, sauvez-moi ...!, Général, sauvez-moi ...!". Mais le Général ne pouvait plus rien faire. Pas plus que le Président d'ailleurs. Lorsque revint le silence sur le fleuve, il ne fut que de courte durée. Les battements de tam-tams intervinrent, créant la panique sur les

berges de la Sanaga. Et, à nouveau, les hurlements d'un être humain terriblement torturé, supplicié.

Partons d'ici tout de suite ! Ordonne le Président. "Commando" est alors abandonné à son triste sort. Personne ne l'a jamais revu. Au départ, on lui avait fait caresser l'espoir de remplir une mission "ultra secrète" pour le compte du Président. Seulement, à dessein on lui a occulté en quoi consisterait celle-ci. Mais personne ne lui avait dit qu'il finirait dans les eaux de la Sanaga, sacrifié comme il le fut aux dieux du fleuve, dans l'intérêt du chef de l'Etat. Et contre un acte aussi extrême qu'il paya de sa vie, ses seuls lauriers furent les hommages du Président de la République, l'embrassant pour lui dire "Merci soldat". Jamais ses parents à Bamenda ne le revirent. Jamais, ils ne le reverront.

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