On pourrait dire que ce sont des affaires classées depuis belle lurette. Mais c’était sans compter avec Jean Michel Nintcheu. Le 30 juin dernier, le sulfureux député a exhumé le scandale lié à la gestion des fonds de la CAN 2019 et la gestion des fonds covid-19. Avec son style provocateur qu’on lui connaît, il a adressé deux questions orales au Premier ministre, Joseph Dion Ngute.
« Pouvez-vous nous dire s'il y a eu tout au moins une commission d'enquête prescrite sur la gestion des fonds gérés par la Task force CAN 2019 ? Sinon, qu'est-ce qui justifie cet attentisme jusqu'ici ? Y a-t-il une justice à double vitesse pour les cas de détournements de deniers publics dans ce pays ? », pose Jean Michel Nintcheu qui parle de « plus de 3000 milliards de Fcfa engloutis dans tous ces chantiers de la CAN ».
Sur le second dossier (COVIDGATE), il fait d’autres révélations toutes aussi caustiques, piquantes et gênantes pour son vis-à-vis. « La Chambre des comptes (de la Cour suprême, ndlr) a fait un rapport remarquable sur la gestion desdits fonds (Covid). Qu'est-ce qui a été fait des conclusions de ce rapport qui avait clairement demandé que certaines personnalités soient traduites devant la justice ? Dans le cadre des enquêtes, certains membres du gouvernement dont vous-même ont déjà été auditionnés. Il m'est par contre revenu que le ministre d'État, Secrétaire général de la présidence de la République et président de la Task force covid-19, a refusé de se faire auditionner. M. le Premier ministre, existe-t-il deux catégories de justiciables au sein d'un même gouvernement de la République ?
Sinon, qu'est-ce qui peut justifier un tel mépris de ce membre du gouvernement à l'endroit de la justice de notre pays ? La justice n'est-elle plus rendue au nom du peuple, comme le stipule la Constitution ? », développe Jean Michel Nintcheu.
Olembé
Visiblement aguerri pour faire face à ce parlementaire qu’il connait d’ailleurs, le chef du gouvernement s’en est sorti sans trop de difficultés. Non pas en prenant les questions une par une, mais en globalisant à chaque fois, faisant presque passer le député pour un affabulateur. S’agissant de la CAN 19, Joseph Dion Ngute fait savoir que les infrastructures y relatives sont toujours en cours de construction. Les principales composantes du complexe sportif d’Olembé sont fonctionnelles, à savoir le stade central de 60 000 places et les deux terrains d’entraînement. « Le gouvernement travaille actuellement avec l’entreprise MAGIL en charge des travaux en vue d’aplanir certaines divergences et de poursuivre la collaboration pour la finalisation de cet important projet », ajoute-t-il.
Il en est de même pour le complexe sportif de Japoma, « dont de nombreux lots ont déjà fait l’objet d’une réception provisoire. Il ne reste que la piscine olympique dont les travaux sont très avancés », soutient le Premier ministre. Le stade Roumdé Adjia à Garoua et le stade de la Réunification ont définitivement été réceptionnés. Cependant, le complexe hôtelier prévu à Garoua, connait « des difficultés d’ordre technique et procédural que les administrations sectorielles et structures compétentes s’attèlent à résorber », indique-t-il. En revanche, le Premier ministre y va avec prudence quant à l’enquêté évoquée par Jean Michel Nintcheu, préférant se murer derrière les principes de la séparation des pouvoirs. « Je n’ai pas connaissance de l’institution d’une commission d’enquête autour de la gestion de fonds qui ont été mobilisés dans le cadre des préparatifs de la Can 19 (… ).
Il n’appartient pas au gouvernement de faire une appréciation spécifique, en raison du principe de la séparation des pouvoirs qui gouverne le fonctionnement de nos institutions », s’est-il défendu. Pratiquement les mêmes arguments sont mobilisés au sujet de la gestion des fonds Covid. « Nous n’avons pas connaissance au niveau du gouvernement de l’information selon laquelle des personnalités auraient refusé de se faire auditionner dans le cadre des enquêtes. En tout état de cause, je n’ai jamais été auditionné », réfute Joseph Dion Ngute qui rappelle un au sacrosaint principe de droit : la présomption d’innocence. Et de conclure sur un ton un peu narquois. « Il ne m’a pas semblé indiqué de m’attarder sur certaines déclarations contenues dans les deux questions orales, lesquelles n’engagent du reste que leur auteur, étant donné qu’elles semblent relever plus des allégations et de la fiction que de la réalité », a achevé le chef du gouvernement.