Je ne suis pas le tout puissant manitou de la CRTV - Vamoulke

AmadouVamoulke Photo d'archive utilisée juste à titre d'illustration

Tue, 22 Sep 2015 Source: L'Equation

Le directeur général de la chaîne publique dit tout sur les récentes nominations, les nouvelles orientations à l’office et sur l’affaire qui le concerne en justice.

La 34e session extraordinaire du conseil d’administration de la CRTV vient de réorganiser l’organigramme de cette entreprise publique. Quelle est l’opportunité de ces nominations ?

C’est le récent basculement de l’analogie vers le numérique qui explique cette réorganisation. Ce processus demande un important personnel pour qu’il soit effectif. Chacune des personnes qui a été nommée sera utile et est à son poste.

On a l’impression que tout le monde a été nommé à la CRTV, c’est à se demander s’il reste assez de journalistes de terrain…

Bien entendu. A la CRTV, il y a environ 1900 employés qui travaillent quotidiennement. Sur ce chiffre désormais, 600 personnes occupent des postes de responsabilité. Vous voyez qu’il reste toujours du personnel pour effectuer le travail dont vous parlez.

Je pense d’ailleurs que nous sommes restés raisonnables et pragmatiques dans la composition de ce nouvel organigramme. Quand je vois les chaînes de télévision françaises où les effectifs sont le triple de celui de la CRTV et où les responsables sont des milliers, je crois que le nombre de responsables est adéquat. Surtout au vu des défis à venir du numérique au Cameroun.

Le plus important est de savoir si les ressources sont suffisantes pour entretenir tout ce monde et je pense que c’est le cas. Sinon nous ne l’aurons pas fait. Le modèle économique que nous avons adopté va certes être difficile à tenir pour un début, mais je pense qu’à l’avenir, il marchera très bien. Et il est en mon sens le meilleur.

Beaucoup de jeunes ont en tout cas été promus. Comment faut-il comprendre ce rajeunissement des cadres ?

Beaucoup de jeunes ont contribué à l’avancement de la structure sauf qu’ils étaient restés dans l’ombre. Nous avons voulu, au travers de ce renouvellement des organes, les mettre au-devant de la scène pour leur permettre de briller. Nous avons bien sûr mis un accent sur le mérite et la compétence.

Ceci implique donc que si vous étiez jeune et compétent vous aviez une chance d’être promu. Le même schéma a été réalisé pour les femmes à qui nous avons voulu accorder une place de choix. Nous avons constaté qu’il y a des femmes qui font de très bonnes choses pour la structure. Il était donc question pour nous de leur donner leur chance et de leur faire participer à la nouvelle dynamique au sein de la CRTV.

Première curiosité de ces nominations, la création des postes de directeurs centraux radio et télé. Comment faut-il comprendre ce choix ?

Nous devons savoir que l’information au Cameroun a franchi une nouvelle étape. Avant, nous étions dans un système anglais où la télévision et la radio étaient jumelées. Je prends le cas de la BBC (British Broadcasting Corporation) ou les deux types de medias sont un. Cette manière de faire avait des avantages, surtout qu’elle permettait d’avoir des personnes qui travaillaient à la fois à la radio et à la télévision sans que cela soit onéreux pour l’entreprise.

Vous avez l’exemple de Alain Belibi qui est à la radio mais rend des services à la télévision. Ils sont plusieurs les personnes qui ont un tel statut. Avec l’avènement de la TNT, nous voulons spécialiser davantage les journalistes. Si quelqu’un est un journaliste radio, nous voulons qu’il s’y adonne exclusivement pour un meilleur rendement. Il était donc question pour nous de nommer un patron à la radio et un patron à la télévision. Deux hommes qui ont l’expérience et la maîtrise de leur travail.

Désormais, si vous êtes bon en télévision, vous ferez exclusivement de la télévision où un plus grand rendement vous est demandé. Il n’y aura plus d’excuses. Je tiens également à préciser que nous sommes désormais dans une structure à responsabilités partagées. Finie la pyramide où le sommet prenait toutes les décisions et la base appliquait. Maintenant, tout le monde est à son niveau garant de la survie de la CRTV.

Pour beaucoup, la création de ces deux postes qui sont revenus à Alain Belibi pour la radio et Charles Ndongo pour la télévision avait pour but de dégeler la querelle permanente entre ces derniers et vous. C’est exagéré de le dire ?

Mieux qu’exagéré, c’est faux.

La promotion de mes deux collaborateurs ne tient qu’à leur compétence et à leur mérite. De plus, cette nouvelle structuration qui inclut des directeurs centraux donne à la CRTV, la possibilité d’être plus efficace. Avant, pour résoudre un problème, il fallait faire monter l’information, attendre qu’une décision redescente et agir.

Or, maintenant les responsabilités sont plus accrues au niveau des autres responsables qui peuvent intervenir avec une plus grande célérité. Ils sont désormais plus autonomes et sont donc en mesure de trouver des solutions rapides aux problèmes urgents. De plus, je ne suis pas le tout puissant manitou de la CRTV. Je ne suis pas là pour décider seul du destin de la structure.

En créant ces deux postes, le conseil d’administration de la CRTV n’a-t-il pas quelque peu rogné sur vos prérogatives ?

Bien évidemment ! Ceci étant, le bien de la structure passe avant toute chose. Ce qu’il faut comprendre néanmoins, c’est que je reste le patron de toute l’entreprise. Bien que les directions centrales soient apparemment indépendantes, elles dépendent de moi à certains niveaux. Je prends l’exemple de l’émission de chèques, je demeure le seul à émettre des chèques au nom de la structure. Mêmes si la radio et a télévision veulent effectuer des dépenses, elles expriment leurs besoins et je décaisse de l’argent.

Je coordonne également les directions transversales telles que les ressources humaines, l’administration et les Finances, les équipements techniques, etc. Je suis également celui qui répond devant la justice au nom de la CRTV. Je tiens à préciser qu’on parle bien de directions centrales et non de directions générales. La nuance est très importante.

Certains journalistes bien connus, à l’instar de Michel Njock Abanda et Roger Betala, sont finalement allés en retraite. C’est la fin du système de retraite à géométrie variable que les employés de la CRTV décrient depuis quelques années déjà ?

Le moment du repos était arrivé pour eux et ils sont allés. Comme ce sont des personnes pleines d’énergie et de vie, ils sont partis avec le sourire aux lèvres, très reconnaissantes envers l’état pour les différentes prorogations dont ils avaient déjà bénéficiées.

Personnellement, je les ai rencontrés récemment et ils sont très épanouis dans leurs nouvelles vies et ne se plaignent de rien. Il était bien pour eux qu’ils prennent du repos après tous les services qu’ils ont rendu à la nation. Je tiens à préciser qu’il n’y a aucun système de retraite à géométrie variable à la CRTV. Quand c’est le moment de la retraite, nous mettons nos personnels en retraite.

Autre curiosité, la nomination des responsables des chaînes spécialisées. Ces nominations signifient-elles que les contenus de ces chaînes spécialisées sont disponibles et les chaînes prêtes à émettre ?

Pas du tout. Nous avons installé les chefs de chaînes pour qu’ils viennent commencer le travail. Il s’agit de nettoyer la maison, de la dépoussiérer. Ce sont les nouveaux promus qui seront le point de départ de ces différentes chaînes spécialisées. Exception faite pour la chaîne d’information en continu, CRTV News, qui est sur le point d’être mise en service. Cette dernière est en construction depuis bientôt trois ans. Nous avons mis des professionnels au travail pour que le contenu soit prêt. Donc, d’ici peu, elle sera sur nos petits écrans.

Parlant de ce bouquet TNT, à quoi il faut s’attendre après la première consultation populaire en vue de l’élaboration des contenus de ce bouquet ?

La consultation populaire concerne le CAMD-TV. C’est cet organe qui s’occupe de la gestion des contenus. Ce que nous pouvons dire à l’issue de cette consultation c’est qu’au lieu de six chaînes de l’office national de radiotélévision, nous allons plutôt en avoir dix chaînes.

Les six premières sont connues. A cet effet, nous allons tenir un grand forum dans la première quinzaine du mois d’octobre à la CRTV pour recueillir les avis du plus grand nombre sur les attentes réelles du public. Nous avons adressé des invitations à toutes les couches de la société pour s’assurer que tout le monde soit représenté.

L’opinion populaire, qui continue de critiquer la qualité des contenus de la CRTV, ne croit pas que le bouquet TNT du Cameroun puisse faire concurrence aux bouquets étrangers. Quel commentaire faites-vous ?

Ce qui me gêne le plus, c’est que des personnes avancent des propos sans faire des enquêtes. Est-ce qu’ils ont interrogé le public ou ce sont simplement ce qu’ils pensent. Au regard des différentes études faites, nous remarquons que la CRTV est une chaîne de service public qui tient la route.

C’est vrai que nous ne satisfaisons pas tout le monde, ce qui est d’ailleurs impossible. Ceci est d’avance compliqué parce que nous n’avons qu’une seule chaîne et que la journée n’a que 24h. Néanmoins, je pense que les programmes que nous mettons à la disposition du public doivent être avant tout des programmes citoyens.

Maintenant, les goûts de certaines personnes peuvent ne pas converger dans ce sens. L’arrivée des chaînes spécialisées annoncées viendra résoudre ce problème. Nous allons penser les programmes de telle sorte qu’ils puissent satisfaire les publics qui viennent chercher des informations de nature différentes à la télévision. Chacun trouvera, avec l’arrivée de la TNT, son compte dans le bouquet que la CRTV va mettre sur le marché.

D’autre part, votre tutelle a annoncé la réhabilitation de la CRTV. En quoi va constituer cette réhabilitation ?

La réhabilitation consistera à la mise à neuf de la CRTV. La grande tour de Mballa II que vous connaissez sera poncée et renouvelée. Nous allons intégrer du matériel neuf pouvant répondre aux exigences de la TNT. Tout ce qui doit être renouvelé le sera.

Comment comprenez-vous la polémique qui bat son plein autour de ces travaux de réhabilitation ?

La réhabilitation technique de la CRTV consiste à doter l’office des équipements technologiques de pointe. Ce projet devrait permettre à la CRTV de s’affirmer sur le plan international et de s’arrimer ainsi au basculement de l’analogique vers le numérique.

L’objectif est de faire de la CRTV l’une des meilleures télévisions sur le continent. En tant que directeur général, je ne peux que saluer cette initiative. Nous n’attendons plus que le résultat des 24 mois de travail de la société coréenne Startimes, en charge de cette réhabilitation.

Autre polémique qui vous interpelle à tort ou à raison, c’est le coût du contrat entre le Cameroun et Startimes pour la migration vers le numérique. Vous direz une tempête dans un verre d’eau ?

C’est ce que je viens de signifier plus haut, je ne peux pas faire de commentaire sur une décision prise par les plus hautes instances du gouvernement.

Enfin monsieur le directeur général, cette affaire qui vous concerne au TCS ne vous incommode-t-elle pas dans votre travail ?

Pour l’instant, je ne suis pas encore perturbé dans mon travail de directeur général de la CRTV. La raison est simple, nous n’en sommes qu’aux audiences préliminaires qui ne sont pas encore légions. Nous en sommes à deux ou trois pour le moment, donc j’attends de voir le dénouement des choses tout en espérant qu’il me sera favorable.

Je suis cependant sûr d’une chose, chaque fois que j’ai été à un poste de responsabilité, j’ai effectué la tâche qui m’était assignée avec tout dévouement et l’efficacité dont je suis capable. Je travaille depuis plus de 40 ans et je pense avoir servi au mieux de mes compétences. Je ne peux faire de commentaire supplémentaire étant donné que l’affaire est en cours au tribunal.

Source: L'Equation