Hamet Fall Diagne, BBC Afrique
Idriss Tatou est un étudiant camerounais originaire de Mbouda, à l’ouest du Cameroun en pays Bamiléké. Très tôt, il s’est mis à l’agriculture pour financer ses études d’informatique et poursuivre son objectif de devenir ingénieur. La hausse des prix des intrants agricoles est en train de compromettre ses desseins.
''Chez nous dans notre village dès l’enfance, on partait aux champs cultiver le maïs, le haricot, la pomme de terre et consort. Depuis enfant, je partais aux champs avec ma mère.''
Ainsi s’exprime Idriss Tatou, d’une voix posée d’où pointe un soupçon d’inquiétude teintée de nostalgie.
Du haut de ses 24 ans, cet étudiant en 2ème année option systèmes et réseaux à l’institut africain d’informatique (IAI) à Yaoundé, contemple un avenir incertain marqué par la hausse des prix des intrants agricoles qui met en péril son objectif de poursuivre ses études pour devenir ingénieur.
C’est en classe de 3è qu’il dit avoir commencé avec son propre petit jardin dans lequel il cultivait de la salade et des poireaux.
En classe de seconde, il a vendu un porc, acheté 2 ans plus tôt, à 83 000 frs CFA. En plus de ses épargnes, cela lui a permis de mobiliser une somme d’environ 150 000 frs CFA pour faire son premier plus gros investissement agricole.
''L’agriculture m’a permis de financer mes études, c’était une bonne chose pour moi mais à l’école je n’étais plus trop brillant comme j’étais avant et cela m’a coûté encore une année en terminale.''
Après avoir finalement réussi au bac, l’écueil financier se dresse entre lui et sa passion : l’informatique. Idriss décide alors de travailler pendant un an dans son champ pour mobiliser l’argent nécessaire.
''Surtout grâce à la récolte de poireaux j’ai pu acheter mon ordinateur, mes vêtements pour l’école et payer ma première année de formation à l’IAI Cameroun.''
Après son inscription à l’IAI l’année dernière, il a laissé son champ avec sa mère et l’un de ses oncles. Ils ont pu récolter et lui reverser une partie.
Cette année, les données ont changé.
''Au début de la saison des pluies, j’avais prévu de semer des pommes de terre mais à ma grande surprise, il y au eu la hausse. Par exemple, pour un sac de pommes de terre on utilisait un demi sac d’engrais, au moins 3 litres de fongicides. Maintenant le demi sac est passé de 10 000 à 15 000, voire 20 000 francs CFA. »
Son plan était de semer pour récolter en décembre et payer ses études mais la hausse des prix est passée par là.
Dans ces terres de l’ouest du Cameroun, l’agriculture y est l’activité principale, surtout le maraîchage. On y cultive carottes, pommes de terre, tomates, choux, betterave, salade, poireaux.
''Dans mon village, on utilise plus les engrais importés et les fientes qui sont des déchets des fermes'', s’empresse de préciser Idriss.
La production est écoulée dans les grandes villes du pays mais aussi acheminée vers d’autres pays voisins d’Afrique centrale.
Il déplore le manque d’organisation des paysans dans son village, ce qui les laisse aussi à la merci des spéculateurs et accroît leur vulnérabilité.
En attendant, Il installe des caméras de surveillance et des petits réseaux domestiques à Yaoundé.
''Pour l’instant je ne compte pas continuer avec les études sauf si un miracle s’opère. Ce sera très dur pour moi parce que l’année prochaine, je devais continuer pour devenir ingénieur des travaux.''
Cela lui aurait permis de mieux s’occuper de ses quatre frères et sœurs mais aussi de sa mère restés au village.