Le député de 49 ans, anglophone et francophile, est le candidat du Social Democratic Front à l’élection présidentielle prévue fin 2018.
Depuis que le Social Democratic Front (SDF), le principal parti d’opposition au Cameroun, l’a propulsé sur le devant de la scène politique, le 24 février, en faisant de lui son candidat à la présidentielle prévue fin 2018, Joshua Osih incarne aux yeux de ses soutiens « le sang neuf tant attendu » et, pourquoi pas, « le jeune qui chassera » Paul Biya, 85 ans et président du Cameroun depuis trente-cinq ans.
A 49 ans et après une vie politique déjà bien remplie, le député du Wouri, dans la région du Littoral, joue à plein de sa relative jeunesse dans un pays où l’âge moyen des ministres oscille le plus souvent autour de 70 ans. « Je me suis rendu compte ces dix dernières années que ceux qui nous gouvernent ne comprennent plus le langage des Camerounais. C’est un problème générationnel. Ce n’est pas parce qu’ils sont moins intelligents que d’autres. Ils ne sont plus dans l’air du temps », affirme Joshua Osih, assis à la terrasse de l’hôtel des députés, à Yaoundé.
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« Marre des vieux qui gouvernent »
Deux jours avant ce 24 février, John Fru Ndi, le patriarche de 76 ans à la tête du SDF depuis sa création, avait sûrement pressenti ce « problème ». Candidat malheureux aux élections de 1992, 2004 et 2011, il avait décidé, à la surprise générale, de ne pas briguer une nouvelle investiture. Le « chairman » avait alors confié vouloir céder la place aux « jeunes cadets » du parti.
Pour le politologue Moussa Njoya, la jeunesse de Joshua Osih est un « réel avantage », d’autant que depuis plus de dix ans, les Camerounais ont pu observer sa lente et méthodique progression au sein du parti, de simple militant à premier député anglophone élu dans le Wouri en 2013. A l’Assemblée nationale, il est aujourd’hui le vice-président de la commission du budget et des finances.
Une réussite qui parle à la jeunesse qui « en a marre des vieux qui la gouvernent et volent des milliards sans honte », poursuit Moussa Njoya : « Joshua n’est pas sorti de nulle part. Il a travaillé dur. Il est connu de tous, des vendeurs à la sauvette en passant par des enfants de la rue, des étudiants ou encore des hommes d’affaires. Il a un bagage politique incontesté et l’électorat, qui est de plus en plus jeune, n’est pas indifférent. »
Expert en aéronautique, Joshua Osih est aussi est un homme d’affaires, promoteur des entreprises Africa Travel Management et Camport PLC (représentant de la multinationale Swissport au Cameroun). Né d’un père originaire de Kumba, dans le Sud-Ouest, l’une des deux régions anglophones du Cameroun en crise depuis 2016, et d’une mère suisse, il est régulièrement accusé par ses détracteurs de détenir la double nationalité, ce qui est interdit par la loi camerounaise.
« Un métis est un Blanc »
Selon le maire d’une localité située non loin de Kumba, membre du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) et qui a souhaité garder l’anonymat, Joshua doit, pour faire taire les rumeurs, rendre public les documents prouvant qu’il est bel et bien camerounais. C’est là que se trouve peut-être son principal défi. « Personne n’oublie qu’il est un métis. Un métis est un Blanc, et vous savez que les Occidentaux sont aujourd’hui considérés comme ceux qui alimentent les crises qui nous menacent au Cameroun. Joshua doit nous démontrer qu’il est avec nous », soutient l’édile.
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« Je suis député à l’Assemblée nationale. Vous pensez que j’aurais pu tromper 180 députés ? Je suis camerounais. J’ai été élu par le peuple camerounais que je sers. Je ne le trahirai jamais, réplique, agacé, l’intéressé. Je suis un opposant qui rêve de changer le Cameroun, un pays qui va mal et qui est en train d’imploser. »
Pour le candidat, les défis sont ailleurs : chômage des jeunes, crise économique, manque d’infrastructures routières et sanitaires, mauvais système éducatif… Ses solutions pour résoudre la crise qui agite la partie anglophone du pays et qui a pris un nouveau tournant avec les assassinats de policiers, militaires et gendarmes et les kidnappings de responsables de l’administration ? « Je le dis et répète : il faut un changement de leadership au Cameroun. C’est la solution », lâche-t-il, précisant qu’une fois élu, il se battra pour l’instauration du fédéralisme, réclamé par des anglophones modérés.
A Kumba, Sah Biken, producteur de cacao depuis vingt-trois ans, connaît bien l’homme d’affaires, qu’il a rencontré « au moins trois fois dans les rues et lors d’un meeting du parti ». Mais comme beaucoup d’anglophones, il pense que « le SDF et John Fru Ndi ont longtemps pactisé avec le pouvoir et détruit la confiance ». En effet, pour de nombreux observateurs, le parti dont le fief est la ville de Bamenda, dans la région du Nord-Ouest, a perdu de son influence dans cette zone qui lui était traditionnellement acquise. Lors du dernier congrès du SDF, les séparatistes anglophones avaient menacé de s’en prendre aux délégués, les poussant à changer de lieu.
« Faire partir Monsieur Biya »
Dans la course à la présidence, deux candidats anglophones se sont déjà déclarés : Akere Muna et Joshua Osih. Pour le politologue Moussa Njoya, le danger qui les guette est de mener une campagne « axée uniquement sur les anglophones » et le secret d’une éventuelle victoire se trouve dans « la mobilisation et l’occupation du terrain, comme le fait le parti au pouvoir ».
« Joshua Osih a de réelles chances. Il est jeune, bilingue, anglophone et francophile. C’est le candidat que les Camerounais attendaient. Je pense qu’il va battre Paul Biya », assène Carlos Ngoualem, militant du SDF et adjoint au maire de Douala 5e, dans la capitale économique. Pour maximiser ses chances de victoire et « faire partir Monsieur Biya », Joshua Osih se dit « ouvert » à une coalition avec les autres partis d’opposition. Reste à en déterminer les « modalités ».