Le général président de transition, bombardé au sommet du pouvoir tchadien depuis la mort violente d’Idriss Deby Itno, sort de ces assises avec une virginité retrouvée. Un soft passage en force ?
Le général président de transition, bombardé au sommet du pouvoir tchadien depuis la mort violente d’Idriss Deby Itno, sort de ces assises avec une virginité retrouvée. Un soft passage en force ? L’odeur de soufre que trainent les dirigeants des régimes militaires en Afrique est désormais aseptisée au Tchad. Celui qui s’était emparé du pouvoir à la mort de son père le 20 avril 2021 à la tête du Conseil militaire de la transition(Cmt), vient de briser en douce le verrou qui lui empêchait d’être candidat à la prochaine élection présidentielle pour un retour à l’ordre constitutionnel dans son pays. La transition qui devait s’achever ce mois d’octobre 2022 avec la tenue des élections sans Mahamat Idriss Deby Itno et les siens, est désormais repoussée de deux ans et donnant du même coup la possibilité à l’homme en tenue d’être candidat à la prochaine élection présidentielle. Telles sont les deux résolutions majeures de cette grand-messe tenue à Ndjamena du 20 août jusqu’au 8 octobre 2022. Si le Dialogue national se voulait souverain et inclusif, il y a lieu de noter qu’elle a été boycottée par deux des trois mouvements rebelles les plus puissants ainsi que la principale coalition de l’opposition du pays d’après des sources tchadiennes. Ce 10 octobre 2022, l’homme fort du pays a prêté serment, une fois de plus, devant la Cour suprême comme président de la Transition, cette fois en tenue civile et décorée de la Croix du Tchad. Il revient ainsi sur ses engagements pris à son arrivée au pouvoir en avril 2021. Au sein de la communauté internationale si souvent critique des coups d’Etat militaires en Afrique, les condamnations sont tièdes et se contentent juste d’un rappel de revenir à l’ordre constitutionnel. Il faut par ailleurs préciser que les chancelleries occidentales étaient bien présentes à cette cérémonie d’investiture. Le premier acte qui suit sa prestation de serment est la nomination de l’opposant Saleh Kebzabo au poste de Premier ministre ce 12 octobre 2022, le lendemain de la démission du gouvernement dirigé par Albert Pachimi Padacké. Comme on le voit, Mahamat Idriss Deby est déjà bien parti pour se succéder à lui-même à l’élection présidentielle de 2024. Tout porte à croire qu’il va définitivement troquer la tenue militaire pour la tenue civile comme l’avait su si bien faire la Maréchal du Tchad. A Bamako, à Conakry ou à Ouagadougou, les régimes militaires doivent bien s’arracher les cheveux pour savoir sous quelle étoile est né l’homme fort du Tchad pour que la Cemac aussi bien que l’Union africaine (Ua) soient si accommodantes vis-à-vis de son pouvoir. Ils doivent se demander s’ils ne font pas partie de l’Ua ou bien pourquoi la Cedeao est-elle si virulente en comparaison de la Cemac alors qu’elles sont toutes deux des organisations communautaires sous régionales africaines. Bien plus encore, les juntes peuvent être prises d’une envie folle de prendre à tour de rôle un bain de « Dialogue national souverain et inclusif », pour s’imprégner d’un parfum démocratisé. Peut-être que le Tchad est là en train de tracer le chemin de contournement des sanctions des coups d’Etat, et cela se fait sous le silence complice de l’Ua et de la communauté internationale. La politique du deux poids deux mesures exacerbe précisément les tensions sur le contiennent. Et dès que survient le moindre couac, comme on l’a vu récemment au Burkina Faso, les symboles des Etats gendarmes du monde sont visés. Pour être plus précis, l’abstention de Paris est plus que jamais interprétée dans certains Palais africains comme une intervention. Et c’est bien dommage pour la politique de Macron en Afrique.