Le président du Kenya, William Ruto, a mis fin à un moratoire de six ans sur l'exploitation forestière, suscitant l'indignation des écologistes. Il a déclaré que sa décision était motivée par la "nécessité d'ouvrir les économies" des régions qui dépendent des produits forestiers.
Pourquoi l'interdiction a-t-elle été levée ?
Le président Ruto a souligné l'ironie de voir des arbres adultes dépérir dans les forêts kenyanes alors que le pays importe du bois de l'étranger. « Nous ne pouvons pas avoir des arbres matures qui pourrissent dans les forêts alors que les habitants souffrent du manque de bois. C'est de la folie » a déclaré le chef de l' État.
Il souhaite relancer l'exploitation du bois afin de créer des emplois pour les jeunes et d'ouvrir la voie aux entreprises dans ce secteur d'activité qui pèse plusieurs milliards de dollars.
Les importateurs de bois et de meubles seront désormais taxés, car M. Ruto souhaite que ces produits soient fabriqués dans le pays.
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Pourquoi le moratoire a-t-il été mis en place ?
Le tollé général suscité par les effets néfastes de l'exploitation forestière illégale, tels que la baisse des niveaux d'eau dans les principales rivières du Kenya, a conduit à l'interdiction de l'exploitation forestière dans les forêts publiques en février 2018.
Le président de l'époque, Uhuru Kenyatta, a déclaré que cette mesure contribuerait à réhabiliter les forêts épuisées et à intensifier les campagnes de plantation d'arbres.
Le Service forestier du Kenya (KFS), l'agence chargée de la protection des forêts, a également été entièrement restructuré pour lutter contre la corruption et améliorer l'efficacité.
Quels ont été les effets de l'interdiction ?
Une étude récente a montré la perte de 4 milliards de shillings (28 300 000 dollars soit plus de 17 milliards de Fcfa) de revenus et de 44 000 emplois pendant les six années d'interdiction.
L'exploitation rationnelle des arbres forestiers représente 3,6 % du produit intérieur brut du Kenya.
Le Kenya espérait atteindre une couverture forestière de 10 % d'ici 2022.
Le rapport de l'étude économique 2020 indique que la couverture forestière publique globale est passée de 141 600 hectares en 2018 à 147 600 hectares en 2019, soit une augmentation d'un peu plus de quatre pour cent.
Quel est le plan du gouvernement pour préserver les forêts ?
L'administration de Ruto a annoncé un plan ambitieux visant à planter 15 milliards d'arbres en 10 ans afin d'augmenter la couverture forestière du pays.
L'industrie du bois est souvent décrite comme l'un des secteurs les plus lucratifs du Kenya, employant des centaines de milliers de jeunes sans emploi et sans éducation au cours de la dernière décennie.
Les régions qui dépendent du bois pour vivre se trouvent principalement dans la vallée du Rift, en particulier dans le sud du Rift.
Décision fortement contestée
C'est la colère et l'indignation chez les défenseurs de l'environnement.
Jointe par BBC Afrique, Irène Wabiwa, cheffe de programme Forêt de l'ONG Greenpeace Afrique a délcaré que tous les Africains devaient être inquiets de cette décision du président Ruto.
''Le kenya a connu la pire sécheresse en 40 ans, une sécheresse extreme causée par la déforestation, cette levée va donc aggraver la déforestation'', a-t-elle indiqué.
Par rapport aux raisons économiques avancées par le président Kényan, Irène Wabiwa précise que le service que les arbres rendent à l'humanité pour la qualité de vie et la qualité de l'air, est inestimable.
''Les services environnementaux que nous procurent les arbres ne peuvent pas être comparés à aucun montant en shilling ou en dollar'' a-t-elle ajouté.
La défenseure de l'environnement recommande la plantation des arbres à croissance rapide pour suppléer le besoin du pays en bois.
Elle a demandé au président Ruto de rétablir rapidement l'interdiction de l'abattage dans toutes les forêts publiques et classées.
Greenpeace Afrique craint que d'autres pays disposants de moratoires comme la République Démocratique du Congo, ne copient le ''mauvais exemple'' donné par le Kenya.
D'autres défenseurs de l'environnement ont aussi exprimé leur inquiétude sur Twitter à propos de la décision de M. Ruto, certains affirmant que le président revenait sur certaines des promesses qu'il avait faites en matière de lutte contre le changement climatique.
"Triste jour pour les arbres du Kenya, alors que l'interdiction de l'exploitation forestière est levée. Les Kenyans expriment leurs inquiétudes : comment les forêts seront-elles protégées ? Les arbres plantés n'apporteront pas la valeur écologique, sociale, culturelle et génétique des forêts anciennes.", a déclaré l'écologiste Paula Kahumbu.
La militante écologiste kényane Elizabeth Wathuti a affirmé que l'idée selon laquelle 'les bûcherons choisiraient les vieux arbres et laisseraient les jeunes arbres "est un sophisme".
Au Kenya, les forêts abritent des espèces rares et menacées, et des millions de personnes dépendent de ces forêts pour leur subsistance, pour se nourrir et se soigner.