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L’ADDEC refuse de soutenir l'action de Biya

ADDEC 13082016 Otric 1213 Ns 600 800xyyy Association de Défense des Droits des Étudiants du Cameroun

Sat, 13 Aug 2016 Source: cameroon-info.net

L’Association de Défense des Droits des Étudiants du Cameroun (ADDEC) sort enfin de sa réserve. Elle a réagi 13 jours après l’annonce du don de 500 000 ordinateurs aux étudiants camerounais par le Président de la République, Paul Biya.

Dans la déclaration que sa direction signe le 10 août 2016, il n’est pas question d’applaudir l’acte attribué au Chef de l’État camerounais. Le syndicat étudiant dénonce un acte inutilement onéreux. Il est surtout ulcéré par le fait que l’on assimile l’acte du 29 juillet 2016 à un don. «L’éventuelle remise d’une machine à chaque étudiant a été présentée à l’opinion publique et estudiantine comme un «don du Chef de l’État». Ce qui est une hérésie ! Dans aucun pays au monde, un Gouvernement qui a de l’estime pour son peuple, ne peut aller jusqu’à parler de «don» alors que dans le même temps c’est l’État qui a contracté la dette de 75 milliards de FCFA. C’est une dette que les étudiant(e)s qui ne feront pas partie dans l’avenir des 40% des diplômés au chômage au Cameroun vont devoir contribuer lourdement à la rembourser avec intérêts compris», déplore l’ADDEC.

Ci-dessous l’intégralité de sa réaction.

DECLARATION<

L’UNIVERSITE A BESOIN DES INITIATIVES QUI CRÉENT UNE RÉELLE DYNAMIQUE!!!

La communauté universitaire et l’opinion nationale ont pris connaissance dans un sentiment mitigé de l’annonce de l’octroi de 500 000 ordinateurs aux étudiants sous le slogan « un étudiant, un ordinateur ». Ce slogan rappelle un autre très familier « un étudiant, un emploi » sorti des entrailles de la manipulation du ministère de l’Enseignement Supérieur (Minesup) lors de l’introduction du système LMD en 2007/2008. Cette annonce fait suite à la signature le mercredi 27 juillet 2016 entre le Minesup et la société chinoise Sichuan Telécom Construction Engeneering d’une convention pour le programme dénommé « e-national higher education ». Ce dernier a pour but de généraliser l’usage des TIC auprès des étudiant.e.s camerounais à travers un prêt de 75 milliards consenti par la banque chinoise Exim Bank. Ces différentes machines devraient être distribuées gratuitement pour la seule année académique 2016/2017 à tous les étudiants des institutions universitaires publiques et privées du Cameroun. Jusqu’à présent, le protocole d’octroi de ces machines reste flou.

D’une nécessité de faciliter l’acquisition d’une machine par chaque étudiant pour pallier aux multiples besoins qui s’imposent au quotidien à la nécessité de favoriser l’usage du numérique dans le système éducatif supérieur, la convention entre le Minesup et la société chinoise Sichuan Telecom est à saluer.

Cependant, nous ne saurons rester indifférents devant l’inefficacité de l’annonce portant sur la distribution de 500 000 machines qui, en plus du fait qu’elle ne provoque aucune impulsion salvatrice pour l’Enseignement Supérieur et la Recherche, exige un tribut onéreux sans apporter fondamentalement une réponse aux attentes des Universités depuis l’éclatement de l’Université de Yaoundé en 1993. Ce qui suscite légitimement des suspicions tout en discréditant cet acte du Gouvernement. Le discrédit se conforte lorsque des scènes désormais folkloriques dans le paysage camerounais des marches de soutien à l’endroit du Chef de l’État sont provoquées et soutenues par le Minesup, les Gouverneurs, les Responsables du Comité Central du RDPC pour lui manifester une gratitude factice des étudiants. S’il est commun de voir ces marches de soutien à l’endroit du Chef de l’État se dérouler moyennant une somme de 2000 FCFA à chacun des étudiant.e.s (exploitation mesquine de l’indigence de l’étudiant.e), il n’est pas possible de faire valoir une opinion contraire. En effet, bien qu’il soit encore permis au Cameroun de faire valoir son droit à la liberté de manifestation, son droit à la liberté d’expression, il faut tout de même regretter et dénoncer que ces droits fondamentaux ne soient réservés qu’aux Camerounais adeptes du Président Paul Biya. Les autres doivent choisir soit le musellement soit d’être violentés, incarcérés, exclus, insultés, calomniés bref ils n’ont pas droit au chapitre. Dès lors, toute cette annonce et sa mise en scène pourraient dénoter d’une manipulation de l’opinion publique avec d’autres visées que le développement de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. De toute évidence, de nombreux points d’ombre restent en suspens et laissent perplexes et très circonspects.

Sur la forme, il se trouve qu’il y a déjà fourvoiement. L’éventuelle remise d’une machine à chaque étudiant.e a été présentée à l’opinion publique et estudiantine comme un « don du Chef de l’État ». Ce qui est une hérésie ! Dans aucun pays au monde, un Gouvernement qui a de l’estime pour son peuple, ne peut aller jusqu’à parler de « don » alors que dans le même temps c’est l’État qui a contracté la dette de 75 milliards. C’est une dette que les étudiant.e.s qui ne feront pas partie dans l’avenir des 40% des diplômés au chômage au Cameroun vont devoir contribuer lourdement à la rembourser avec intérêts compris. Il est ainsi hors de propos d’assimiler les impôts du peuple camerounais qui paiera enfin de compte cette dette aux avoirs du Président de la République qui seul, nous le redoutons ne peut disposer d’une telle fortune. Si tel est le cas, les suspicions auraient un autre centre d’intérêt et on se demanderait comment a-t-il fait ? Pourquoi avoir alors autorisé le ministre de l’économie a contracté cet emprunt s’il pouvait régler la facture directement ?

Ensuite il faut questionner la démarche employée par rapport à la situation actuelle. Une volonté du Minesup d’encourager un arrimage au numérique doit se percevoir dans les différentes institutions universitaires à travers des gestes simples mais concrets tels la numérisation des cours, la numérisation des thèses de doctorats, des mémoires, la facilitation des recherches en ligne, les bibliothèques en ligne, une interconnexion, une couverture internet des campus universitaires du pays. Alors qu’il n’en est rien. Il est plutôt question d’annonces pompeuses et de platitudes communicationnelles. Comment sérieusement peut-on parler d’« économie numérique universitaire » sans faciliter l’accès à l’information par une connexion internet sur les campus. Ce même ministère avait annoncé en avril 2015, le déblocage d’un montant de 400 millions FCFA destiné à moderniser les infrastructures numériques dans les universités publiques. Depuis cette annonce jusqu’à nos jours, la situation n’a pas évolué.

Sur l’impact, il faut revoir ce programme. Dans un contexte de paupérisation de la population et de la stérilisation de nos universités, cette dette contractée n’aurait-elle pas pu servir à créer une meilleure dynamique universitaire, à équiper nos laboratoires, à moderniser les infrastructures numériques, à installer des réseaux wifi adéquats sur nos campus. Il est connu que le développement du numérique n’est pas le fait d’une seule génération mais le fait de la définition d’une politique à long terme qui impliquera les générations qui se succéderont. Dès lors, le Gouvernement aurait pu s’activer à créer au sein des lycées et des collèges tout comme des institutions universitaires publiques et privées des salles multimédias gratuites pour faciliter l’apprentissage et la transmission du savoir. Pourtant, l’annonce des 500 000 ordinateurs aux étudiant.e.s n’est qu’une action ponctuelle de l’année académique 2016/2017 comme l’a fait savoir le ministre de l’enseignement supérieur Jacques FameNdongo dans son communiqué d’annonce. Ce qui rend cette annonce d’une inefficacité criarde. Il faut même encore questionner la qualité et la performance de ces machines qui devraient être remises aux étudiant.e.s de par leurs caractéristiques et leur solidité. D’ailleurs pour ne pas réduire au néant le peu de crédibilité que cette annonce suscite, nous espérons que le Minesup s’assurera que ces machines promises seront au moins dotées d’un wifi, d’une webcam, d’un lecteur.

La meilleure dynamique que nous soulignons plus haut pour l’université Camerounaise passe par l’octroi des bourses aux étudiants, au moins ceux de Master 2 et du cycle Doctorat dont la production valorisée pourra encourager le mécénat et permettre un meilleur financement de l’Université. Au lieu de contracter une telle dette, le Président et son Gouvernement auraient pu remettre sur pied les services d’aides sociales aux étudiant.e.s moins nantis en y intégrant dans cette aide l’octroi d’une machine. Ces aides auraient pu atténuer le poids du prix des loyers, et du transport des étudiant.e.s comme ceux de Soa, Ngaoundéré etc. On évite ainsi que ce soit les mêmes nantis de la République qui détournent ces machines et s’octroient comme c’est souvent le cas la part du lion au détriment des vrais nécessiteux. En plus on pérenniserait de ce fait un service social utilisé de façon optimale. Contrairement à la pratique actuelle où on constate que le montant emprunté est totalement retourné au créancier qui se voit avantager par la création d’emplois chez lui tandis qu’au Cameroun, il n’y a aucun gain autant dans la transmission de la technologie, le développement de l’expertise camerounaise que la création d’emplois.

L’Addec rappelle qu’en 2014, l’État avait fait savoir que le pays connaitrait 150 milliards FCFA d’économie par an après l’augmentation du prix du carburant et du gaz domestique. Jusqu’à ce jour la communauté universitaire n’a connu aucune mesure d’accompagnement et le budget du Minesup a plutôt connu une baisse. Cette action mal négociée (distribution de 500 000 machines aux étudiant.e.s) n’est qu’un juste retour et il est important que le Gouvernement repense sa stratégie globale. A titre d’exemple, dans l’annonce mirobolante de l’intensification des constructions de logements sociaux par le ministre de l’Habitat et du Développement Urbain, il est incompréhensible que les cités universitaires ne soient pas prises en compte alors que le besoin est prégnant.

L’Addec soutient des initiatives pérennes qui font créer une réelle dynamique pour faire sortir du gouffre l’université et de la paupérisation les Camerounais. Ce qu’elle ne perçoit pas vraiment à travers cette annonce pompeuse. Par conséquent, l’Addec ne peut soutenir une telle action du Gouvernement. Elle exprime son souhait de voir le Gouvernement œuvrer réellement au développement véritable de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche en associant toutes les forces vives du pays pour prendre des initiatives qui vont créer une réelle dynamique.

Yaoundé, le 10/08/2016

Source: cameroon-info.net