Une aggravation de la crise humanitaire est à craindre en 2016 au Cameroun due à une augmentation du nombre de réfugiés et de déplacés, conséquence des violences persistantes de la secte islamiste nigériane Boko Haram, déjà à l'origine de la présence dans des camps de réfugiés dans ce pays de quelque 61.000 ressortissants nigérians, alertent les Nations Unies.
Selon les dernières estimations, le pays accueille sur son sol à ce jour, en l'occurrence dans la région de l'Extrême-Nord, un total de 61.435 réfugiés nigérians dont plus de 45.000 dans le camp de Minawao, un site sous protection des forces de défense et de sécurité camerounaises, administré avec le concours du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), en appui aux autorités locales.
S'y ajoutent 81.693 déplacés internes camerounais poussés hors de leurs foyers par les attaques croissantes depuis 2014 de Boko Haram, précise en outre Najat Rochdi, coordinatrice-résidente du système des Nations Unies au Cameroun.
En augmentation suite aux attentats-suicides enregistrés depuis juillet, ces chiffres sont supérieurs aux prévisions établies en début d'année et pour lesquelles les Nations Unies avaient estimé à un montant de 260 millions de dollars (130 milliards de francs CFA) les financements annuels pour la gestion de la crise humanitaire.
A l'approche de la fin de l'année, seule un peu plus de la moitié de ces fonds, soit 140 millions de dollars (7 milliards de francs CFA), a pu être mobilisée, de la part d'un petit nombre de donateurs, dont en tête les Etats-Unis, suivis du Fonds des Nations Unies pour l'aide alimentaire, de la Grande-Bretagne, du Japon, du Canada, de la Suède, de la France ou encore de la Suisse, révèle Mme Rochdi.
Parmi les quatre pays affectés par cette menace terroriste, dont en outre le Nigeria, le Tchad et le Niger, le Cameroun, peu habitué avec l'expérience de l'aide internationale due aux crises humanitaires de cette nature, est "le mieux financé", a-t-elle relevé lors d'une rencontre avec la presse mardi en prélude à la 70e Journée des Nations Unies qui se célèbre vendredi à Yaoundé.
Avec l'arrivée de centaines de nouveaux réfugiés presque chaque semaine, le HCR craint une augmentation des chiffres en 2016. "Donc, il y aura plus de besoins", prévient Laurent Raguin, représentant-résident adjoint de cette agence au Cameroun.
Une crise pouvant en cacher une autre, environ un million de personnes sont aussi victimes de l'insécurité alimentaire et quelque 100.000 enfants touchés par la malnutrition chronique dans l'Extrême-Nord, à cause des aléas climatiques illustrés par la sécheresse, les inondations et les maladies infectieuses, selon les statistiques officielles.
Ces populations sont également prises en compte par les programmes d'assistance humanitaire développés par les Nations Unies, en collaboration avec le gouvernement camerounais. Et pour une meilleure réponse à toutes ces crises, un appel à financements est prévu en décembre pour la mise en œuvre d'un plan d'intervention stratégique en cours d'élaboration.
Pour Najat Rochi, l'objectif est de "sortir de cette chronique [humanitaire]" dès 2016, par la mise en place d'une stratégie de résilience adéquate visant l'autonomisation au plan économique et social des déplacés internes et des populations locales des zones concernées.
Dans cet ordre d'idées, il est annoncé le lancement dans les trois semaines à venir d'un Fonds d'urgence pour les déplacés internes englobant le Cameroun, le Nigeria, le Tchad et le Niger.
"Nous sommes dans un stade de stabilisation des réfugiés, dans les sites de réfugiés et dans les villages camerounais qui ont accueilli des réfugiés", a fait savoir dans le même temps la responsable onusienne.
Dans les régions de l'Est, de l'Adamaoua et du Nord, le Cameroun accueille aussi quelque 240.000 réfugiés centrafricains, pour lesquels des programmes de relèvement précoce étendus notamment à ces victimes nigérianes de Boko Haram de l'Extrême-Nord, sont exécutés depuis cette année. C'est pour préparer leur retour au pays une fois que les conditions seront appropriées, explique Mme Rochdi.
Juguler l'insécurité dans ses régions septentrionale et orientale est un défi crucial pour le Cameroun, qui a choisi de célébrer le 70e anniversaire de l'ONU sous le thème "paix et sécurité pour la réalisation des Objectifs du Développement Durable" adoptés fin septembre à New York, en remplacement des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) qui ont enregistré des résultats mitigés dans ce pays.