L’affaire Boulin: le crime qui a inspiré les assassins de Mgr Bala

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Fri, 10 Nov 2017 Source: ebugnti.wordpress.com

Le ministre français avait été passé pour suicidé en octobre 1979, on sait aujourd’hui qu’on l’a assassiné. Ebugnti vous amène à la découverte des étranges similitudes qui font de l’assassinat de Boulin l’inspirateur potentiel des meurtriers de l’évêque de Bafia.

Les camerounais qui ont regardé l’émission d’enquête « Envoyé spécial » le 26 octobre dernier, sur la deuxième chaîne de télévision publique française, ont sans doute eu l’étrange sentiment de vivre, sous d’autres cieux et à une autre époque, le drame qui leur enserre le cœur depuis cinq mois : l’assassinat de Monseigneur Jean Marie Benoît BALA.

Ironie du hasard, ce documentaire était programmé trois jours seulement avant la commémoration du cinquième mois de l’enlèvement, suivi de l’assassinat de l’évêque de Bafia. En fait, les deux hommes ont été enlevés à une date près.

Robert Boulin a été aperçu la dernière fois le 29 octobre 1979, aux environs de 23h. C’est exactement aux mêmes heures, le 28 mai 2017, que Monseigneur BALA a été enlevé à son évéché de Bafia.

L’on pourrait aller jusqu’à penser que les meurtriers de l’évêque de Bafia ont joué à reproduire cet assassinat, tant il y a des similitudes entre les deux affaires.

À moins que, à la manière de la cinéfiction, toute ressemblance avec une affaire existant ou ayant existée ne soit que pure fortuité.

Des dates, la scène et les pistes

Robert BOULIN est porté disparu le 29 octobre 2019 au soir. Probablement enlevé par deux individus et amené à bord de sa 305 Peugeot. C’est du moins ce qu’affirmera un témoin à la police.

À défaut d’une version policière, l’on a beaucoup entendu parler de ce coup fil (du Directeur du Cabinet Civil de la présidence de la République), qui aurait sorti Monseigneur BALA de l’évêché pour le mettre « nez à nez avec ses ravisseurs ».

Le 30 octobre 1979, le corps sans vie de Robert BOULIN, ministre du Travail et de la Participation sous Giscard D’ESTAING, est découvert dans un étang, dans la forêt de Rambouillet, dans les Yvelines, en France. Monseigneur Jean Marie Benoît BALA avait été jeté dans les eaux de la Sanaga.

Il est 8h40, quand les gendarmes découvrent le corps du ministre. C’est à peu près à la même heure que la nouvelle de la découverte du corps de Mgr BALA commence à faire bruit le 02 juin 2017.

Le véhicule de Robert BOULIN est garé sur la berge de l’Étang Rompu. Celui de l’évêque de Bafia était garé sur le pont d’Ebedba, du fleuve Sanaga.

L’on parle de lettres, dactylographiées sur la machine personnelle de Robert BOULIN, pour expliquer son geste. L’on a aussi entendu parler de courriers saisis dans le secrétariat de l’évêque de Bafia et qui aurait été adressés au nonce et au Vatican.

L’écriture du ministre a été imitée pour rédiger ces fausses annonces de son suicide et le faux mot d’adieu qui a été retrouvé dans sa voiture. Le fameux mot (« je suis dans l’eau »), trouvé dans le véhicule de Monseigneur BALA, fait similaire.

De la gestion et des mobiles présumés

Au Cameroun, l’affaire a été confié au procureur de la République, près la Cour d’Appel du Centre. 38 ans plutôt, en France, c’est le procureur de la République près la Cour d’Appel de Versailles qui a été chargé de faire le boulot.

« L’homme qu’il fallait pour ce genre de « truc à emmerdes » », selon une amie. Difficile de ne pas en dire autant de son collègue camerounais.

La mort du ministre est tout de suite présentée comme un suicide par noyade. Et la scène du crime est un a priori parlant.

C’est exactement à cette conclusion que forçait la scène et tous les éléments du crime de Monseigneur BALA. C’est surtout ce que va retenir le procureur de République, NTAMACK Fils, dans son communiqué du 04 juillet 2017.

Le suicide du ministre français était motivé par une dépression, conséquente à un scandale révélé dans la presse de l’acquisition présumée frauduleuse d’une propriété foncière. L’idée du suicide de Monseigneur BALA était soutenue par une présumée dépression, suite au décès de l’abbé Armel Collins NDJAMA, recteur du Petit Séminaire Saint André de Bafia.

La police dira que, meut par la dépression, Robert BOULIN aurait garé son véhicule, serait entré dans l’eau et aurait avalé une grande quantité de valium. Si l’on n’a jamais eu les résultats des analyses toxicologiques du corps de Monseigneur BALA, le mot retrouvé dans son véhicule (« je suis dans l’eau »), évoque très clairement le même scénario.

Quelques acteurs, proches de l’homme politique, seront pris au dépourvu ou mis à contribution pour accréditer la thèse du suicide. Ce sera le cas de Luc LA FAY, membre de son cabinet, corroboré par Maxime DELSOL, ancien garde du corps du ministre, qui affirmera que : « Tous ses proches collaborateurs ont constaté que le comportement de Robert Boulin se délitait dans les jours qui ont précédé sa mort ».

« Le matin du lundi 29 octobre 1979, jour de sa disparition, à la suite de la réunion de cabinet, insiste le collaborateur, j’ai souhaité lui parler en tête à tête. Il se tenait debout devant son bureau, très agité, et il a eu une sorte de crise de nerfs. Ses propos étaient incohérents, il parlait de lui-même à la troisième personne en répétant : « Boulin est celui auquel on fait faire toutes les merdes. » Il se sentait lâché par Giscard D’ESTAING. Avec le recul, je pense qu’il avait déjà pris la décision de se tuer ».

Sans clairement arriver à cette conclusion, c’est exactement ce qui s’est passé avec certains proches de l’évêque, notamment des prêtres du diocèse de Bafia. Lesquels ont mis de l’emphase sur l’affection de l’évêque, à la suite du décès de l’abbé Armel Collins NDJAMA, le recteur du Petit Séminaire Saint André de Bafia.

Des anomalies de traitement

Le médecin réanimateur, dépêché à l’Étang Rompu, et qui ne sera jamais entendu par la police, indiquera 17 ans plus tard, qu’on avait « l’impression qu’il avait été placé mort dans l’eau, parce qu’il n’avait pas la position d’un noyé dans l’eau. Il était presque à genoux. On aurait dit qu’on le sortait d’une malle. Il était comme assis, c’est-à-dire qu’il était comme dans une position assise, mais penchant vers le bas ».

« Normalement, ajoute-t-il, les noyés ont le visage dans l’eau. Or, son visage n’était pas totalement hors de l’eau, mais aux quatre cinquièmes hors de l’eau ». « Il avait des ecchymoses sur le visage, poursuit-il, des éraflures et le dos un peu bizarre, comme une bosse de buffle au niveau cervical bas. Son visage était éraflé, presque griffé ». Propos corroborés par un ancien gendarme, indiquant que le cadavre « regardait vers sa voiture ».

Le cadavre de Monseigneur BALA a été sorti intact, après présumément trois nuits et deux jours passés dans l’eau. Selon des témoignages et les images du pont d’Ebedba, il était entièrement vêtu, les sandales renversées aux pieds, le ventre complètement plat, les yeux fermés.

Un médecin, présent sur les lieux, aurait même indiqué qu’il ne peut pas avoir passé plus de 4h dans l’eau. Propos corroboré par des populations de Monatele, localité où la dépouille sera retrouvé « flottant a une mètre de profondeur ». Celles-ci auraient entendu un hélicoptère jeter quelque chose dans l’eau, la veille de ce 02 juin des trouvailles.

Ni le pantalon, ni les chaussures de BOULIN ne portaient ni vase, ni boue. Une boucle d’une de ses chaussures était manquante et n’a jamais été retrouvée. Son gilet était aussi entièrement décousu dans le dos.

Son corps, une fois ramené sur la rive, a été déplacé avant que les premières constatations n’aient été faites par un médecin légiste, exactement comme dans le cas BALA.

De la disparition, les recherches et la mort

Une source indiquait que l’archevêque de Yaoundé avait été informé, très tôt le 29 mai par un membre de sa famille, de l’anomalie qu’il y avait dans le comportement de Monseigneur BALA. Joint la veille et qui se serait précipité de le congédier, se proposant de le rappeler, sans suite.

Il ne sera plus joignable du tout. La disparition de l’évêque ne sera pourtant constatée que vers 11h et la découverte de son véhicule sur le pont d’Ebedba. Les recherches commenceront quelque quatre heures plus tard.

Situation quasi similaire pour le ministère français. Le 29 octobre 1979 à 20h, Collette BOULIN apprend, d’un collaborateur du ministre, son décès. À la même heure, un autre de ses collaborateurs apprends lui aussi la nouvelle.

Le ministère de l’intérieur, puis le premier ministre sont informés peu après minuit, par le directeur de cabinet du disparu. Pourtant, les recherches ne seront lancées que le 30 octobre, vers 6h25.

Dès 2 heures du matin, l’information de la découverte du corps remonte au sommet de l’État. Au Cabinet du ministre de l’Intérieur notamment. Celui-ci ne sera pourtant retrouvé qu’à 8h40 par la gendarmerie. Les contractions sur l’heure de trouvailles du corps sont nombreuses.

À la similitude de Bafia, dès le 31 mai, le site internet hiérarchy catholic.org, proche du Saint-Siège et dédié à l’épiscopat Catholique, annonce le décès de Monseigneur Jean Marie Benoît BALA. Des sources crédibles annonçaient déjà, le 1er août au soir, la découverte du corps. Les plongeurs traditionnels d’Ebedba l’avaient aussi prédit.

Le corps de l’évêque sera retrouvé le lendemain, le 02 juin. C’est pourtant la date du 31 mai qui sera officiellement retenue par l’Église, pour les obsèques et la postérité.

Des mobiles du meurtre

Robert BOULIN a été blanchi dans l’affaire d’acquisition frauduleuse de propriété. Il se trouve qu’il était pressenti pour être nommé premier ministre à la place de Raymond Barre.

La cabale aurait donc eu pour but de le fragiliser. Pour y répondre, il aurait réuni des dossiers compromettants de son parti, le RPR, notamment le financement du parti par Saddam HUSSEIN et Omar BONGO. Il s’apprêtait à les rendre public quand il est assassiné.

Des sources concordantes, sans preuves avérées, indiquent que Monseigneur BALA avait dementelé un réseau de pédophilie au Petit Séminaire de Bafia. Réseau qui comprendrait de hauts dignitaires à la fois de l’État et de l’Église.

Ces dires concordent néanmoins avec l’homélie tonitruante de Monseigneur Joseph AKONGA ESSOMBA, le 02 août, en guise d’oraison funèbre en la cathédrale Notre-Dame des Victoires de Yaoundé.

L’ancien Administrateur diocésain de l’archidiocèse et ancien Secrétaire Général de la Conférence Épiscopale Nationale du Cameroun indiquait que « l’Église est livrée aux forces des ténèbres par certains membres de cette Église ». Il ajoutait que ce sont « des faux frères, amis et bienfaiteurs, qui tuent les prêtres au Cameroun ».

L’assassinat présumé de l’abbé Armel Collins NDJAMA, recteur du Petit Séminaire, aurait donc été un avertissement face à la volonté de dénonciation de Monseigneur BALA. Une menace assassine qui l’aurait plutôt stimulé.

Des raisons d’y croire

D’autres similitudes existent entre ces deux meurtres, comme les menaces de mort, les intimidations, la dissimulation des preuves, la partialité de la justice et de la police, etc. Du classique dirait-on !

Mais ces quelques éléments devraient pouvoir convaincre les septiques, s’il y en a encore, sur la nature criminelle de la mort de Monseigneur BALA.

La preuve que ce meurtre a été savamment planifié et organisé ; grotesquement préméditée et perpétré sur le modèle historique d’un crime d’État similaire en tout point, peut-être même jusque dans la nature des mobiles.

Ils devraient faire comprendre, aux acteurs encore vivants de ces assassinats, qu’il n’échapperont pas au verdict de la vérité et de l’histoire.

Ils devraient enfin conforter Monseigneur Samuel KLEDA et la Conférence Épiscopale Nationale du Cameroun (CENC) qu’il préside, ainsi que tout le peuple de Dieu et les non croyants qui les soutiennent, que la vérité finira par éclater.

Mais il faudra pour cela avoir la témérité, l’engagement et la foi de la famille Boulin. Elle qui n’a jamais doutée de la thèse criminelle et s’est battue pour obtenir des éléments de l’enquête et convaincre une vingtaine de personnes de témoigner. L’Église a largement les moyens d’en faire autant.

Source: ebugnti.wordpress.com