De fausses vidéos relatives aux migrants subsahariens basés en Tunisie inondent les réseaux sociaux.
Des faits qui coïncident avec la polémique suite aux propos jugés racistes par une partie de l'opinion nationale et internationale, du président tunisien Kais Saied qui avait déclaré que la migration va "modifier" le profil démographique du pays.
La Côte d'Ivoire et la Guinée ont rapidement commencé à rapatrier leurs ressortissants par crainte pour leur sécurité.
Nous avons analysé plusieurs vidéos qui circulent sur le net dans lesquelles on peut voir de supposés migrants de l'Afrique Subsaharienne en Tunisie. Mais elles ont été filmées ailleurs.
Les migrants basés Tunisie n'ont pas manisfesté
Plusieurs vidéos récentes, postées sur TikTok montrent des foules immenses qui courent dans les rues. Cet attroupement ressemble à une manifestation.
L'une des vidéos, visionnée des millions de fois, est intitulée en arabe : "La Tunisie sous occupation". Une autre est dénommée : "La Tunisie est devenue le royaume des Africains".
Mais, en réalité, l'événement s'est produit à Dakar, la capitale du Sénégal, notamment à la place de la nation ex place de l'obélisque. D'ailleurs, le célèbre monument apparaît dans la vidéo à un moment donné.
Cet édifice se trouve à la place de l'Obélisque, un lieu visible sur Google Maps.
Un autre élément, le drapeau sénégalais est visible. Les gens dans la vidéo parlaient le wolof, la langue nationale du Sénégal.
Nous avons fait les recoupements et avons trouvé des références par rapport à l'événement. En vérité, il s'agit d'une manifestation de l'opposition organisée à Dakar en juin 2022. La vidéo est disponible ici.
Les migrants subsahariens n'ont pas caillassé de voitures
D'autres vidéos postées sur TikTok font croire à tort que des manifestations organisées par des migrants subsahariens se sont tenues dans les rues de Tunisie.
Une autre largement partagée, montre des groupes de personnes qui semblent être originaires de l'Afrique subsaharienne s'attaquer aux conducteurs et aux passants.
Le titre de la vidéo en arabe signifie : " des Africains subsahariens assiègent des provinces tunisiennes".
Cependant, dans les commentaires, certains internautes soulignent qu'il ne s'agit pas de la Tunisie, mais du Maroc. Des faits que nous avons confirmé à partir d'indices dans la vidéo.
Une voiture rouge que l'on aperçoit à un moment donné porte sur le toit un panneau indiquant de petites écritures en arabe. Cette voiture est identique aux taxis de couleur rouge qui circulent dans la ville marocaine de Casablanca.
Bien que la plaque d'immatriculation arrière ne soit pas trop visible, elle comporte cinq chiffres initiaux, et correspond aux plaques marocaines.
Nous avons également vérifié les dialogues entendus à un moment donné, et certains des mots arabes prononcés ont un accent propre au Maroc.
Ces migrants ne vont pas vers la Tunisie
Une autre vidéo récente partagée sur TikTok montre des groupes d'hommes marchant dans un désert. Il est écrit en gras sur la vidéo : "Un grand nombre de migrants subsahariens traversent le désert en direction de la Tunisie".
Cependant, nous avons trouvé sur TikTok une version plus longue de la même vidéo. Elle a été postée en septembre 2022 par un homme qui enregistrait son voyage. Il quittait l'Algérie, après avoir été contraint de partir.
La vidéo la plus récente a été légèrement zoomée et les écritures masquent certaines parties de l'image, mais on y voit les mêmes personnages qui apparaissent dans les mêmes groupes et portent les mêmes vêtements, y compris un homme portant un sac en rayures rose et blanc.
Des milliers de migrants originaires d'Afrique subsaharienne ont été expulsés d'Algérie l'année dernière, selon les organisations humanitaires.
Dans une autre vidéo postée par le même homme, il dit être arrivé à Bamako, la capitale du Mali. Ce périple, normalement, devrait être un long voyage et un long détour à travers le désert du Sahara.
Les migrants n'arrivent pas à bord de véhicules blindés
Une autre vidéo, visionnée des dizaines de milliers de fois, montre des véhicules remplis d'hommes armés circulant sous le regard de passants.
Elle est légendée en arabe : "Les Africains sont aussi armés". L'un des hashtags en arabe indique : "Africains en Tunisie".
Cependant, nous avons identifié une publication antérieure de cette même vidéo, indiquant qu'elle a été filmée au Soudan, et certains éléments de la vidéo le prouvent.
Sur le bord de la route, un magasin porte l'enseigne "Tappco", une société d'huile et de lubrifiants basée au Soudan.
On peut également voir un emblème blanc, rouge et vert sur la portière d'un des véhicules qui passent, ce sont les couleurs du drapeau soudanais.
Nous avons réussi à faire une comparaison avec les insignes des uniformes portés par les forces spéciales de l'armée soudanaise. Les bérets rouges et les ceintures blanches portés par les soldats sont également connus pour être portés par certaines unités des forces armées soudanaises.
Dernier indice : sur la devanture de l'un des magasins de la vidéo, figure le mot "rakshat" en arabe, une appellation typiquement soudanaise pour désigner les taxis.
Images anciennes d'un incident à l'aéroport
Dans certains cas, des vidéos ont été sorties de leur contexte. Le but est de soutenir les subsahariens en Tunisie.
Par exemple, c'est le cas de la publication sur Twitter d'un incident dans un aéroport tunisien, dans laquelle un homme est impliqué dans une bagarre et est maîtrisé par les agents de l'aéroport et les agents de sécurité.
"Les Africains noirs sont attaqués en Tunisie même lorsqu'ils essaient de quitter le pays".
Cet incident s'est effectivement produit en Tunisie, mais comme le soulignent certains commentaires, il date de juillet 2022.
Il a été rapporté par plusieurs médias à l'époque, y compris au Royaume-Uni. Il ne s'agit donc pas d'une affaire anti-migrants.
En effet, il y avait des cas de harcèlement et d'agression contre des migrants d'Afrique subsaharienne en Tunisie. Une situation qui a installé la psychose chez de nombreux migrants.
Recherches et rapports réalisés par Abdirahim Saeed, Alioune Diop, Alphonse Dioh, Taouba Khelifi, Kumar Malhotra, Peter Mwai et Raissa Okoi.