Un échange épistolaire entre Guibai Gatama, leader du mouvement 10 millions de nordistes et Kand Owalski, partisan de Maurice Kamto, a été publié par Boris Bertolt.
Lettre ouverte à Guibaï Gatama… par Kand Owalski
Monsieur Guibaï,
En 2018, alors que le MRC remportait démocratiquement l’élection dans plusieurs départements du septentrion, vous avez prêté main forte au RDPC pour travestir la vérité des urnes. Depuis votre salon, à l’abri des regards mais non de la conscience nationale, vous avez fabriqué de faux procès-verbaux, que vous avez ensuite fait circuler sur les réseaux sociaux. Il était 21 heures ce soir-là lorsque les internautes ont découvert, avec stupeur, la nappe blanche de votre table, rougie du sang de votre de trahison. Je n’oublierai jamais la texture de cette image, véritable scène de crime où vous avez assassiné les aspirations de tous les nordistes, en orchestrant la victoire de l'auteur de leurs malheurs.
Vous qui vous proclamez aujourd’hui défenseur du "Grand Nord", dites-nous : en participant à la reconduction frauduleuse de Paul Biya, quel bien espériez-vous pour cette terre que vous dites aimer ? De quelle justice étiez-vous le serviteur en trahissant la volonté de vos frères et sœurs ?
Plus tard, l'un des fils dignes du Grand Nord, Mamadou Mota, fut arrêté, brutalisé, emprisonné, accusé de rébellion pour avoir simplement manifesté pacifiquement en faveur de la vérité des urnes. Quelques jours avant son arrestation à Yaoundé, il inaugurait un forage à Lalawaye et lançait la construction d'un second à Wollorde, ce village meurtri où des enfants avaient péri en tentant de puiser de l'eau dans un puits.
Vous qui prétendez porter la voix des Nordistes, où étiez-vous pendant qu'on broyait la vie et l'honneur de ce frère ? Où était donc L’œil du Sahel pendant qu'un homme du Nord, un vrai, payait de sa liberté son engagement pour les siens ? Pourquoi donc cet œil fut si subitement frappé de cécité ?
La vérité, monsieur, est que vos postures identitaires ne sont que l’écran de vos ambitions personnelles. Car, qu'on se le dise bien, vous êtes comptable de la misère du Nord, pour ce que vous avez fait en 2018 et avant...même après. Vous êtes un mercenaire au service d’un régime qui affame les vôtres tout en vous engraissant.
Et aujourd’hui, vous tentez de rejouer une vieille partition, en opposant le Nord au Sud, dressant les uns contre les autres, brandissant la carte du tribalisme comme un talisman de survie politique. Mais cette stratégie est usée, Monsieur Guibaï. Usée comme l'est Biya que vous servez. Usée parce que le peuple camerounais n’est plus dupe. Le Grand Nord n’a pas besoin de griots de la division. Il a besoin de points d'eau, d'écoles, d'hôpitaux, de routes ; et ses fils ont besoin de travailler décemment.
Comme tous les Camerounais, les jeunes nordistes en ont assez des clivages tribaux qui nourrissent la misère. La soif, la faim, le chômage, l’obscurité n’ont ni langue ni ethnie. Et l’alternance qu’ils espèrent ne portera pas un nom de clan, mais un projet pour tous.
Monsieur Guibaï, l’histoire retiendra ce que vous avez fait. Mais elle retiendra aussi que des Camerounais, de toutes origines, vous auront vu venir, et vous auront répondu.
Le Cameroun de demain ne sera pas fait pour les uns contre les autres. Il sera fait par tous et pour tous. Avec ou sans vous.
Kand Owalski
Ma réponse à monsieur Kand Owalski
Le réveil du grand-nord n’est contre personne… par Guibaï Gatama.
À Monsieur Kand Owalski,
Merci de l’intérêt que vous portez à notre combat, celui de ramener le Grand-Nord au centre du débat politique; nous y sommes déjà… et pour longtemps. À titre personnel, je n’ai rien contre le MRC où j’y compte d’ailleurs de nombreux amis, rien contre mon jeune-frère Mota dont j’admire le courage et la détermination. Ne me considérez pas comme un adversaire sauf si vous estimez que le Grand-Nord n’a pas sa place dans le débat sur la marche de notre pays, sauf si vous considérez que dans le mot « peuple », il n’y a pas Nordiste.
Ouvert au débat, je préfère donc en rester là pour garder le meilleur de votre lettre. Je ne m’attarderais pas sur l’élection de 2018, selon vous, remportée dans plusieurs départements du Septentrion par le candidat du MRC. C’est une très belle fable pour l’égo des militants, pas plus, et une telle affirmation ne peut qu’affecter la crédibilité de son auteur. Je préfère ne pas évoquer cet aspect, parce que je considère que vous êtes de bonne foi et je vous accorde ce bénéfice. Sinon je vous aurais demandé la liste de ces départements où le candidat du MRC, pour qui j’ai du respect, est arrivé en tête dans le Grand-Nord. À défaut de la liste, de ne citer qu’un seul département, mieux un seul arrondissement... Et puisque vous dites être en possession des procès-verbaux de ladite élection, lesquels vous ont permis de distinguer les vrais des faux que j’aurais fabriqués, publiez donc ici ceux des départements où vous aviez triomphé.
Je me permets de vous rappeler que Votre candidat n’était représenté que dans moins de 10% de bureaux de vote - là même je suis très gentil - dans le Septentrion. Dans cette désorganisation, comment aviez-vous fait alors que le défi de la simple présence de scrutateurs dans les bureaux de vote n’avait pu être relevé ?
Ne vous méprenez pas. Le MRC est un grand parti, comme de nombreux autres; mais dans le Grand-Nord, il a encore du chemin à se frayer pour être compétitif; la route est longue, les obstacles nombreux. Ma modeste opinion est que dans les circonstances du moment, il ne peut y être qu’un parti d’alliance symbolique, un partenaire de second plan, qui ne peut y dicter les règles du jeu.
Et pour finir, permettez-moi de rappeler que le retour du Grand-Nord au-devant de la scène est d’abord pour son intérêt et dans l’intérêt du pays; il ne vise point la fragilisation d’une formation politique; il ne se dresse contre personne. Il se trouve que nous avons pris conscience de notre situation et ne voulons plus être absents du débat public. Nous en avons payé par le passé un lourd tribut : celui de l’oubli, de la déconsidération... Il nous faut retrouver la place centrale qui jadis était la nôtre et nous la retrouverons. Pour nous-mêmes, pour notre pays. Contre personne, mais avec détermination.
Guibai Gatama