L'heure est grave: grosse pression sur MTN Cameroun

Avec une nouvelle amende salée, l'Agence de régulation des télécommunications (ART) met en cause le respect des engagements contractuels des deux opérateurs. Un énième coup de semonce dans un marché en quête d'amélioration tangible.

L'Agence de régulation des télécommunications (ART) du Cameroun vient de frapper fort contre les deux géants du secteur. Orange Cameroun et MTN Cameroun se voient infliger de lourdes sanctions financières pour manquements graves à leurs obligations contractuelles, révélant une fois de plus les défaillances persistantes d'un secteur stratégique pour l'économie nationale.

Selon l'agence camerounaise de régulation des télécommunications, les contrôles menés en avril et mai 2024 ont mis en évidence de graves insuffisances, notamment "des taux de couverture inférieurs aux seuils exigés dans les cahiers de charges des deux opérateurs". Cette situation témoigne d'un décalage préoccupant entre les promesses faites lors de l'attribution des licences et la réalité du terrain.

Dans une note partagée avec la presse, l'agence reproche aussi à Orange Cameroun des "dysfonctionnements" dans le processus de désinscription à certains services qui entraînent une "violation manifeste des droits des consommateurs". Ces pratiques soulèvent des questions sur le respect des standards de protection des usagers dans un secteur où la concurrence reste limitée.

Les sanctions financières infligées reflètent l'ampleur des dysfonctionnements constatés. Orange Cameroun écope ainsi d'une amende d'environ 2,44 millions d'euros "pour non-respect des obligations de couverture et de qualité de service" et d'environ 304 898 euros "pour non-conformité aux règles de tarification". De son côté, MTN Cameroun est sanctionné à hauteur de 1 milliard de francs CFA (environ 1,52 million d'euros) "pour manquements en matière de couverture et de qualité de service".

Ces montants, bien que significatifs, interrogent sur leur capacité réelle à modifier le comportement d'opérateurs qui génèrent des milliards de revenus annuels. La récurrence des sanctions suggère que les mesures précédentes n'ont pas suffi à induire les changements attendus.

Les deux groupes, français pour Orange et sud-africain pour MTN, contrôlent à eux seuls plus de 80 % du marché des télécommunications au Cameroun et sont régulièrement critiqués pour la qualité de leurs services. Cette position dominante leur confère une responsabilité particulière dans l'amélioration de l'accès aux services de télécommunications pour les populations camerounaises.

Cette situation de quasi-duopole explique en partie la vigilance accrue du régulateur, qui doit compenser par des sanctions la faiblesse de la pression concurrentielle naturelle. Les usagers, captifs d'un marché peu diversifié, subissent directement les conséquences de ces défaillances.

Des sanctions récurrentes qui questionnent l'efficacité du système

En mai 2023, les quatre opérateurs actifs sur le marché camerounais avaient déjà été sanctionnés à hauteur d'environ 9,15 millions d'euros pour des manquements similaires. Cette répétition des sanctions pour des problèmes identiques révèle soit une résistance des opérateurs aux injonctions du régulateur, soit l'insuffisance des mesures correctives mises en place.

Malgré ces sanctions répétées et en dépit d'importants investissements annoncés par les opérateurs, la qualité du réseau demeure globalement insatisfaisante pour de nombreux usagers. Les coupures fréquentes, les problèmes de connexion et les dysfonctionnements des services continuent d'affecter quotidiennement millions d'abonnés.

L'agence, à travers ces sanctions exécutoires, "adresse un signal fort aux opérateurs qui sont par ailleurs appelés à poursuivre leurs efforts en matière d'amélioration de la qualité de service". Cette déclaration traduit la volonté du régulateur de maintenir la pression sur des acteurs qui peinent à honorer leurs engagements contractuels.

Reste à savoir si ces nouvelles sanctions produiront les effets escomptés ou si elles ne constitueront qu'un coût d'exploitation supplémentaire pour des opérateurs qui semblent avoir intégré ces pénalités dans leur modèle économique. L'amélioration tangible de la qualité des services reste l'objectif ultime, au bénéfice des millions d'usagers camerounais qui attendent des télécommunications à la hauteur de leurs attentes et de leurs besoins.