C’est un livre né suite à la retraite des prêtres du Diocèse de Nkongsamba prêchée par le Frère Etienne Harding Mboule, Prieur du Monastère N.D. de Koutaba. Il s’agit en réalité d’un manuel de 200 pages dont l’objectif est de « de raviver le désir d’une intériorité vive, capable de donner à notre sacerdoce ministériel, sa véritable âme : capable de nous mettre à la hauteur d’une nouvelle évangélisation intégrale du cœur de l’homme et de nos sociétés », précise l’auteur. Pour atteindre cet objectif, le Père Etienne Harding y est allé avec une précision d’orfèvre sur la forme ou la présentation de l’exposé qui rejaillit avec une sorte de saisissement sur l’âme du lecteur. Le message du fond n’est pas comme on le comprend, en berne. C’est un cheminement construit de mots justes qui portent les fruits escomptés.
La forme de « L’Esprit saint et le sacerdoce intérieur »
Ce qui frappe d’emblée à la lecture de quelques phrases de ce livre est le soin du style. Cela se comprend car le Frère Etienne Harding Mboule est avant tout un littéraire, un philosophe méticuleux sur le choix des mots, de la sémantique. Plus encore, dans son effort de ramener le message à la compréhension de tous, il les cisaille, les éclate par des explications qui fluidifient la réception du message. Une nourriture solide qu’il met à la portée de tous, pourvu que le lecteur un tant peu soit modeste et humble d’esprit. En parcourant le livre aussi, on est saisi par la volonté du lecteur à inciter ses récepteurs à lire les Saintes Ecritures. Il y a de ce fait un renvoi foisonnant aux bas des pages aux textes bibliques. Il ne s’arrête pas car il réveille aussi bien la mémoire des hommes de sciences que les hommes de la foi dans leur parcours terrestres. Dans son écriture, l’auteur alterne les longues phrases, parfois très longues, avec de très courtes. On peut le comprendre quand il confie qu’au début, ce manuel n’était pas dédié à la publication. Pour autant, la compréhension ne s’en trouve nullement entamé ou complexifiée d’aucune manière. Dans l’ensemble, le livre est structuré en deux grandes parties. La première qui est l’essentiel de l’ouvrage est construite autour d’une introduction qui s’étale sur cinq points : l’Esprit Saint et le Christ, unique prêtre (l’onction ontologique du Christ, l’onction baptismale ou prophétique du Christ, le sacerdoce intérieur de Jésus-Christ : l’usage sacerdotal de sa liberté ; l’Esprit saint et le sacerdoce de puissance du Christ ressuscité). Le deuxième point est l’Esprit saint et la mission des apôtres (l’esprit Saint restaurateur ; l’Astre du matin). L’Esprit saint dans la vie du prêtre et du laïc est le troisième point et traite tour à tour de la quête d’intériorité et brisure du cœur ; le mystère pascal et fécondité (Fécondité dans la prière et le ministère ; quelques témoins en étoile (désolation et consolation : l’expérience de Saint Paul, ramener la brebis égarée : le témoignage du Cardinal Barnadin, « Je suis sans mesure content de Dieu » : l’histoire de Monseigneur Vincent ; le témoignage d’un prêtre camerounais, l’Abbe Simon Mpecke (Baba Simon), « Ce que je cherche, c’est Dieu même, sa face, qui est sans changement » ; quelques témoignages laïcs) ; le discernement dans l’Esprit. Le quatrième point est la Triduum pascal et le sacerdoce intérieur du laïc qui parle du Traduum pascal en général ; vivre les trois grands jours et le jour de Pâques (le Jeudi saint, le Vendredi saint, le Samedi saint, dimanche de Pâques : la fête du sens et de la victoire de la vie) ; le sacerdoce intérieur du chrétien (le sacerdoce intérieur de Jésus-Christ, le sacerdoce intérieur du baptisé (prêtre, prophète et roi ; le leadership du service évangélique (un service fondamental) ; le sacerdoce intérieur et notre nom nouveau ; comment vivre et bénéficier des richesses spirituelles de la semaine sainte ? (Les moyens d’ordre spirituel, relationnel et les œuvres de miséricorde). Le cinquième et dernier point porte sur Marie et le sacerdoce intérieur (La Vierge : auditrice de la Parole et inspiratrice des prêtres (la chasteté et contemplation : la pudeur contemplative ; la chasteté et essor spirituel : la perte féconde). La conclusion de cette partie traite du prêtre et le laïc que cherche le Christ. Par ailleurs, les Remerciements sont de Monseigneur Innocent Feugna ; Vicaire général et Superviseur de la formation professionnelle des prêtres (Fopep) ; la Préface de Michel Kouam, Coordonnateur de la Fopep diocésaine ; l’Avertissement du Frère Etienne Harding Diboule.
Au menu des Annexes (deuxième partie du livre) qui occupent la moitié du livre (103 pages), c’est un ensemble de trois maillons structurés en Textes. Au premier Annexe, il y a les Textes d’Etienne Mboule (le premier est construire la Béthanie intérieure ; le deuxième est la Célébration pénitentielle ; quelques homélies dont (Messe et profession de foi du Frère Jean-Paul II) ; Clairvoyance de l’amour ; Nativité de Saint Jean-Baptiste ; le Testament de l’humilié ; Ami de l’Epoux et moine jusqu’au cou !; Où est la source ? ; Protester humblement ! ; le droit de mieux respirer !; « Mes enfants, ayez soif de la pureté ». Le quatrième Texte est la Vie monastique au Cameroun (éléments de réflexion ; brève présentation : bénédictins et bénédictines ; Cisterciens et Cisterciennes ou Trappistes et Trappistines ; les Carmélites ; les Clarisses ; les Petits Frères et Petites Sœurs de Jésus du Père de Foucauld : contemplatifs en plein monde ; Sœurs de Saint Jean ; Nouvelles communautés). En deuxième lieu, il y a le Défi d’aujourd’hui (la vocation ; la formation ; l’économie ; les moyens modernes de communication, la discipline et l’ascèse monastique ; inculturation et conversion en guise de conclusion). En ce qui concerne l’Annexe 2, il s’ouvre avec le premier Texte intitulé Le Traits du prêtre de demain (un homme dépouillé de puissance humaine ; un homme au cœur transpercé ; le cœur du Christ, archétype du prêtre de demain). Le deuxième Texte porte sur l’unité du ministère et de la personne (Coïncidence absolue, en Marie, de l’être et de la fonction (une exigence interne et une exigence éternelle) ; l’exigence analogue pour le prêtre (Non identité de l’être et de la fonction ; leur exigence mutuelle ; un programme de vie) ; la situation de Marie et la nôtre. « Le prêtre que je cherche » est le troisième Texte est un texte complet de Hans Urs Von Balthasar. L’Annexe troisième décline quelque grandes figures camerounaises à l’exemple de Mathias Djoumessi (1900-1966) ; Baba Simon Pecke (1906-1975) ; Alyos Tapiemene (1913-1959) ; Abbé Barthelemy Tchuem (1920-1982) ; Mgr André Wounking (1930-2002) ; Robert Naoussi (1947-1970) ; Frère Ebogo Thierry (1982-2006).
Le message « L’Esprit saint et le sacerdoce intérieur »
Avant de dire quoi que ce soit sur ce livre percutant pour celui qui s’y aventure avec l’âme réceptive au message de l’auteur, je me dois de confesser que c’est un manuel brutal pour tous ceux qui sont à la recherche de la rédemption, de la renonciation avec soi-même et en partant avec Dieu. Je suis ne suis pas un chrétien catholique, soit ! Mais l’auteur a le génie à travers les lignes, à travers chaque mot, de s’éclipser pour céder le pouvoir de conviction à une force indescriptible de persuasion qui vous met face à vous-même. L’Esprit saint ? C’est vrai aussi que pour le lire, il faut avoir un certain background dans le service chrétien, dans la volonté d’œuvrer dans toute entreprise avec une justice et équité, à l’Eglise ou partout ailleurs car cette dernière ne s’enferme pas dans les quatre murs d’un somptueux édifice. Et en parcourant les grandes figures camerounaises à la fin du livre, on comprend cette volonté du moine d’élaguer les branches touffues de nos compréhensions qui veulent enfermer l’Eglise dans quelques murs faits de mains d’hommes, ici et ailleurs. Parlant du sacerdoce intérieur, l’auteur précise que c’est ce sacerdoce qui empêche aux prêtres ou laïcs, « d’être de bruyants tâcherons dans la vigne du Seigneur, et nous condamne, en quelque sorte, à la sainteté, à une culture d’une véritable et profonde amitié avec le Seigneur, et dont l’amour fraternel et social, ne peut qu’en tirer les meilleurs bénéfices, pour le salut des hommes et des femmes de notre pays, et la croissance intérieure de l’Eglise de Dieu qui est au Cameroun », énonce le prêtre en guise d’avertissement. Il poursuit en étant plus explicite : « il s’agit des balbutiements de quelqu’un, d’un disciple qui n’est pas lui-même très heureux de son propre sacerdoce intérieur de moine te de prêtre, et qui a le désir et la volonté de faire mieux, sachant lucidement qu’il claudique encore lourdement intellectuellement et spirituellement, sur le chemin… Il s’agit juste pour moi, à partir de l’humble « observatoire monastique » de donner le goût de ce qui sauve, dans l’accomplissement de nos différents ministères et vocations dans l’Eglise : le sacerdoce intérieur. » Dans la mouvance de son humilité, le prêtre ne manque pas de relever que « le livre n’est pas l’œuvre d’un maître, loin s’en faut vraiment, malgré le ton et le style pouvant, quelquefois, donner le change ! » Sur le cheminement du sacerdoce intérieur, on apprend que « l’Esprit seul dans sa puissance, nous met à la hauteur du travail d’évangélisation intégrale de nos propres personnes, de nos villes et villages. Certes, il est bien possible de faire un type d’évangélisation sans l’Esprit, en privilégiant nos forces, nos intelligences, nos vies et projets plutôt que Dieu. Une sorte d’humanisme qui se colore d’un peu de religion, en réduisant l’histoire des hommes aux projets des hommes ». Aussi, il prend l’exemple de Jésus-Christ, le prêtre. « Jésus-Christ n’était pas prêtre dans sa préexistence de Verbe, de Logos du Père. Il l’est devenu par son incarnation. Autrement dit, il ne l’est pas devenu en recevant l’onction des mains d’un autre, extérieurement…C’est par son union à notre nature que le Fils de Dieu est constitué ontologiquement souverain prêtre de l’humanité, et Dieu le Père le reconnaît en tant que tel ». (Pages 14 et 15). Par ailleurs, en ce qui concerne le sacerdoce intérieur de Jésus-Christ, il est dit sans cesser d’être Fils Unique, il s’est fait l’Aîné, pour amorcer en personne cette vaste liturgie d’obéissance au Père. Depuis le « Me voici » de son entrée dans le monde jusqu’au «Oui » douloureux sur le Calvaire, le Christ n’est qu’ablation ininterrompue : cela par la façon dont il use de sa liberté, par l’adhésion incessante à la volonté du Père. Le sacerdoce intérieur de Jésus-Christ, c’est-à-dire la manière dont il accomplit à chaque moment de son existence la volonté du Père et le salut des hommes, la manière dont il s’offrait continuellement au Père, s’enracine dans l’usage sacerdotal de sa liberté, dans le dynamisme d’une fidélité intérieure à l’Esprit qui fut, pour ainsi dire, sa règle de vie. (Pages 17 à 18). Au sujet du sacerdoce intérieur des hommes, « de beaucoup d’entre nous, prêtres et tous les baptisés », souffre de cette économie de certaines dimensions de la vie personnelle que la mission n’absorbe pas. On s’octroie alors soi-même indûment les permissions de résister à l’Esprit, aux effusions de ses grâces, se livrant désarmés, sans sérieuses résistances, aux séductions de ces redoutables idoles que sont l’argent, le pouvoir et le sexe. Car il y a des choses qu’on ne peut faire en restant solidement vautré dans le canapé des plaisirs par trop mondains, manifestant la disgrâce plutôt que la grâce, raison de la résistance à l’Esprit.
Sur Etienne Harding Mboule
Issu d’une famille protestante de l’Eglise évangélique du Cameroun, originaire du département du Nkam (Yabassi), né le 22 février 1970 à Yaoundé, le Seigneur lui ouvre les portes de l’Eglise catholique romaine à la fin du premier cycle de ses études en philosophie à l’Université de Yaoundé 1, en 1994. L’appel initialement ressenti au sacerdoce se transforme en profondeur en appel à la vie monastique cistercienne. Il entre au Monastère de Koutaba en 2001, y remplit respectivement les charges d’hôtelier, maître des novices, et prieur de 2014 à 2017. Il est en réalité aujourd’hui, « prieur administrateur », représentant du Commissaire apostolique de leur Monastère, le Père Henri Fouda. Parlant de son livre, il avoue : « Chers amis lecteurs, ce livre entre vos mains, n’était pas destiné à la publication. Il s’agissait initialement d’une simple retraite prêchée. D’abord au presbyterium du diocèse d’Obala en 2017 et ensuite à celui du diocèse de Nkongsamba, mais revue et augmentée en 2021. Il n’a été publié qu’à la demande insistante de plusieurs prêtres et amis, dont l’Abbé Marcelin Moukam-Kameni, et principalement l’Abbé Michel Kouam. Ce n’était donc pas un écrit destiné à la publication, n’ayant jamais personnellement caressé le projet et ne me sentant pas capable de le faire. Leur insistance répétée, et parfois ferme, a progressivement vaincu mes scrupules de moine qui sait qu’il n’a pas tellement qualité et vocation de la faire. » Que le message du Père Mboule adressé aux prêtres et laïcs de l’Eglise particulière de Nkongsamba, suscite et favorise un leadership de plus en plus spirituel ; c’est-à-dire travailler à une nouvelle culture d’action pastorale qui s’abreuve à la source du Saint Esprit. Il est le moyen efficace de transformation intérieure pour des actions concrètes qui exhalent le parfum du vrai amour au service de Jésus-Christ, prie pour sa part l’Abbé Michel Kouam.