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La femme de Martinez Zogo auditionnée

Elle a été écoutée par le juge d'instruction

Mer., 24 Mai 2023 Source: Kalara

Deux mois et demi après l’inculpation des mis en cause de la mort atroce de l’animateur radio pour torture et complicité, le juge d’instruction chargé du dossier a enfin démarré son enquête. Les ayants droits du disparu et le témoin de l’enlèvement entendus en premier par le magistrat-militaire. Les zones d’ombre laissées par l’enquête de la commission mixte gendarmerie-police vont-ils enfin être éclairées ?

Il y a un mois, précisément le 24 avril 2023, le Tribunal militaire de Yaoundé créait l’événement dans l’affaire Martinez Zogo. Par une ordonnance rendue ce jour-là, le chef de cette juridiction décidait de retirer des mains de M. Oyono Esseba Prosper l’enquête judiciaire concernant la disparition sauvage de l’animateur radio. Juge au Tribunal de première et grande instance d’Akonolinga jusque-là inconnu du grand public, M. Oyono Esseba avait été subitement exposé à la lumière le 3 mars précédent, à l’occasion de l’inculpation des personnes suspectées d’être impliquées dans l’assassinat de Martinez Zogo. A la surprise de tous, ce jeune magistrat était désigné comme juge d’instruction de ce dossier fortement suivi. Mais, coup de théâtre, le 24 avril, le commissaire du gouvernement sollicitait avec succès le dessaisissement de ce juge d’instruction en lui reprochant de s’être endormi avec le dossier.

Comme cela était pressenti alors même que ce dossier judiciaire était encore à la phase de l’enquête préliminaire menée par une commission mixte gendarmerie-police, le magistrat-militaire Sikati II Kamwo Florent Aimé a pris la relève du président Oyono Esseba. C’est à lui que revient depuis lors la responsabilité de diligenter l’enquête judiciaire. Nommé finalement comme vice-président et juge d’instruction au Tribunal militaire de Yaoundé le 6 mars, en provenance de la juridiction sœur de Bamenda, le lieutenant-colonel Sikati II Kamwo a pris trois semaines pour se mettre dans le bain du dossier. Et, depuis la semaine dernière, il a décidé d’entrer dans le vif du sujet, quelques jours après avoir rejeté la demande de remise en liberté introduite par le commissaire divisionnaire de police, Maxime Léopold Eko Eko, l’un des inculpés de l’affaire Martinez Zogo.

Témoin de l’enlèvement

Kalara a en effet appris de diverses sources confirmées par l’un des avocats des parties civiles (ayants-droits de Martinez Zogo) que M. Sikati II Kamwo a démarré les auditions dans le dossier de l’animateur radio. Ainsi, Mme Diane Zogo, la compagne du disparu, a été longuement reçue mardi dernier (16 mai 2023) par le juge d’instruction. Ce même mardi, selon les sources de Kalara, l’un des témoins de l’enlèvement de l’homme des médias, dont l’identité n’a pas été révélée, devrait aussi être entendu. Cette audition aurait été finalement reportée à ce lundi, 22 mai. De toutes les façons, selon la pratique judiciaire, le juge d’instruction entend sans doute avoir la version des faits des victimes et de leurs témoins, avant de s’intéresser aux différents mis en cause. Il est donc très probable que dans les prochains jours, le lieutenant-colonel Danwe Justin, le commissaire divisionnaire Eko Eko, l’homme d’affaires Jean-Pierre Amougou Bélinga et leurs autres compagnons d’infortune défilent à tour de rôle devant le juge d’instruction.

De quoi le juge d’instruction Sikati II Kamwo a-t-il discuté avec Mme Zogo ? Nul ne peut le dire pour l’instant, l’enquête judiciaire étant couverte par le secret. Ce qui est certain, c’est que le magistrat essaie de se faire à son tour une idée précise aussi bien sur les faits ayant conduit à la disparition brutale de Martinez Zogo qu’à toutes les personnes impliquées dans cette affaire. Disposant de plus de temps que la police judiciaire (soit une période initiale de 6 mois depuis le 3 mars 2023 qui peut s’étendre à 18 mois en cas de nécessité), et étant techniquement plus qualifié aussi, le juge d’instruction devrait aller plus en profondeur dans son enquête. Il n’est donc pas exclu que le périmètre de ses auditions s’étende au-delà des personnes déjà entendues par la commission mixte, mais aussi que de nouvelles interpellations aient lieu. Tout comme il n’est pas exclu que certains des inculpés actuels du dossier soient innocentés et que les infractions déjà notifiées aux mis en cause soient requalifiées en fonction de ses découvertes.

Rappelons que Martinez Zogo, adjoint au chef de chaine d’Amplitude FM à Yaoundé et présentateur vedette d’un programme très couru par les basses classes sociales de la capitale, notamment les transporteurs urbains, avait été enlevé à l’entrée d’une unité de gendarmerie dans la soirée du 22 février 2023 alors qu’il tentait d’échapper à des inconnus qui l’avaient pris en chasse sur son chemin du retour à la maison après sa journée de travail. Le corps de l’animateur radio, en état de décomposition, avait été retrouvé dans la matinée du 27 février, dans la localité de Ebobo 3 voisine à Yaoundé. Une enquête avait immédiatement été ouverte à travers plusieurs actes, dont la réalisation d’une autopsie médicale, des prélèvements sur son corps et sur certains membres de sa famille pour la réalisation des tests ADN. Et, rapidement, l’enquête avait connu un coup d’accélérateur.

Scénario flou

A la grande surprise des Camerounais, ils apprenaient que le lieutenant-colonel Justin Danwe, directeur des opérations de la Direction générale de la recherche extérieure (Dgre) avait été interpellé par la gendarmerie nationale et était passé aux aveux au sujet de la filature puis de l’enlèvement de l’homme des médias par un commando sous sa direction, dénonçant son commanditaire supposé, M. Amougou Bélinga, et déclarant que son chef, le patron de la Dgre, M. Eko Eko, était informé de l’opération. Dans sa première audition devant les gendarmes, consultée par Reporter sans frontière (RSF), il laissait entendre que l’ordre d’éliminer le journaliste avait été donné au téléphone par l’actuel ministre de la Justice, très proche de M. Amougou Bélinga. Le chef de l’Etat décidait de placer l’enquête sous la supervision du secrétaire d’Etat à la Défense chargé de la gendarmerie secondé par le Délégué général à la sûreté nationale. C’est à travers ce dispositif que la plupart des mis en cause, dont M. Amougou Bélinga et M. Eko Eko, furent présentés au Commissaire du gouvernement.

Depuis la reprise en main du dossier par le Tribunal militaire, de nombreuses zones d’ombre sont demeurées au sujet du scénario précis du processus ayant conduit à la mort de l’animateur radio. L’implication ou non du ministre de la Justice, le rôle concret de M. Amougou Bélinga mais aussi des éléments de la Dgre dans les tortures ayant conduit à la mort de l’homme des médias, le lieu de sa torture, etc. C’est pour éclairer toutes ces zones d’ombre et imputer plus sérieusement les responsabilités, en attendant la phase du jugement public des mis en cause, que l’enquête judiciaire finalement lancée la semaine dernière doit s’atteler. L’opinion publique reste donc suspendue aux conclusions attendues du travail du lieutenant-colonel Sikati II Kamwo.

Source: Kalara