La justice camerounaise s’est muée en un «instrument de règlement de comptes au service de certains», estime l’avocat Claude Assira Engouté dans une lettre ouverte au chef de l’Etat Paul Biya.
Indiquant avoir procédé à une démarche similaire, sous la forme conventionnelle depuis le 30 mai 2012 mais qui est restée sans suite, l'auxiliaire de justice explique avoir choisi cette forme d'interpellation du président de la République en désespoir de cause.
Pour lui, la justice de ce pays, qui a par ailleurs adhéré aux différentes Conventions consacrant et instituant l'indépendance de la magistrature comme un principe républicain sacré, est «devenue ferment de l'absurde, de l'incompréhension et de l'arbitraire que seule compte la condamnation de ceux qui sont désormais présentés à la vindicte», particulièrement dans les procès touchant de présumés d'atteintes à la fortune publique.
Les condamnations paraissent ainsi imposées d'avance, dictées par des paramètres étrangers aux griefs imputés aux personnes poursuivies, avec des personnes acquittées mais jamais remises en liberté, avec en prime des magistrats muselés ou indirectement sanctionnés pour avoir voulu faire correctement leur travail.
Pour Claude Assira Engouté, les règles élémentaires garantissant l'éthique et l'équité sont allègrement foulées aux pieds, de sorte que des magistrats ayant été les principaux accusateurs comme procureurs généraux de cour d'appel, se retrouvent à juger ceux qu'ils accusaient naguère.
Comment expliquer, écrit-il, que, lorsque la plus haute juridiction du pays qu'est la Cour suprême fait une proposition d'arrêt susceptible d'être favorable à un accusé, la machine et les moyens colossaux de l'Etat sont mis en œuvre pour empêcher cette occurrence ?
Cette façon de faire, constate-t-il «crée, et cela est perceptible, démotivation et auto-dévalorisation» chez les magistrats.
Pour lui, toutes ces anomalies sont caractéristiques d'injustice et de violence et constituent le ciment de la haine et de la discorde qui est en train de se mettre en place et dont le Cameroun risque de pâtir à l'instar de certains autres pays.
Lui-même fils d'un ancien haut magistrat, Claude Assira Engouté appelle le chef de l'Etat à œuvrer pour un retour à la justice juste et équitable pour que les institutions républicaines séculaires soient respectées, et que les auteurs de violations graves au bon fonctionnement des institutions «soient invités à respecter les décisions de l'autorité judiciaire».