Les relations diplomatiques entre Yaoundé et Paris, déjà marquées par le passé par des crispations, risquent de se compliquer dans les mois à venir.
Une décision de la justice française condamnant l'Etat camerounais à payer 17,88 millions à la société Garoubé est au cœur de ce qui risque de devenir une nouvelle tension diplomatique entre les deux pays.
"La justice française a confirmé le jugement de la cour d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale de Paris (CCI), qui condamnait le ministère des forêts et de la faune camerounais à verser 17,88 millions à la société Garoubé", apprend la rédaction de CamerounWeb.
L'affaire
Le 14 novembre 2001 a été conclu entre l’ETAT DU CAMEROUN (le CAMEROUN) et la SARL de droit camerounais PROJET PILOTE GAROUBE un contrat d’affermage portant sur un élevage de faune sauvage dans une zone protégée d’intérêt cynégétique de 40.000 ha au Nord du Cameroun. A la suite de modifications de son capital, la SARL PROJET PILOTE GAROUBE a été transformée en SPRL de droit belge PROJET PILOTE GAROUBE (GAROUBE) et son siège social transféré en BELGIQUE.
Le 13 novembre 2007, GAROUBE, invoquant la résiliation abusive de la convention d’affermage et les entraves mises par le CAMEROUN à l’évaluation de son fonds de commerce et de ses actifs, a introduit auprès de la Chambre de commerce international une demande d’arbitrage fondée sur la clause compromissoire stipulée par le contrat du 14 novembre 2001.
Par une sentence partielle rendue à Paris le 16 février 2010, le tribunal arbitral composé de MM. Estoup et Sommelet, arbitres et de M. Poncet, Président, a écarté les différentes fins de non-recevoir, admis la continuité de la personnalité juridique de la société GAROUBE, constaté l’existence d’une clause compromissoire liant les parties, retenu sa compétence et, à la majorité, condamné le CAMEROUN à payer à GAROUBE la somme de 157 990, 13 euros au titre des frais exposés à ce stade de la procédure, outre les intérêts. Le CAMEROUN a formé un recours contre cette sentence le 26 mars 2010 (enregistré sous le n° 10/06953).
Par conclusions du 6 janvier 2012, il en poursuit l’annulation et sollicite la condamnation de GAROUBE à lui payer la somme de 20.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Il fait valoir que le tribunal arbitral était irrégulièrement constitué (article 1520 2° du code de procédure civile), qu’il s’est déclaré à tort compétent (article 1520 1° du code de procédure civile), qu’il a méconnu les termes de sa mission (article 1520 3° du code de procédure civile) et violé le principe de la contradiction (article 1520 4° du code de procédure civile), enfin, que la reconnaissance ou l’exécution de la sentence est contraire à l’ordre public international (article 1520 5° du code de procédure civile).
Par conclusions du 12 janvier 2012, GAROUBE demande à la Cour de déclarer “l’appel/annulation” irrecevable pour tardiveté, et faute d’articulation de l’une des causes limitativement énumérées par l’article 1520 du code de procédure civile, de constater que le moyen relatif à l’indépendance du tribunal arbitral a été formé hors délai, d’écarter des débats les pièces du recourant numérotées 3, 5, 11, 12, 19, 22, 27 à 29, 31, 33, 71, 91, 93, et 94, d’écarter des débats diverses allégations des conclusions adverses qualifiées de diffamatoires, subsidiairement de dire le recours mal fondé, plus subsidiairement, de réduire l’annulation à un membre de phrase du paragraphe 28 du dispositif de la sentence et, en toute hypothèse, de condamner le CAMEROUN à lui payer les sommes de 50.000 euros en réparation du préjudice causé par des imputations calomnieuses, 30.000 euros d’indemnité pour procédure abusive et 40.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 27 septembre 2010, dans la même instance arbitrale, le tribunal arbitral composé de MM. Estoup et Sommelet, arbitres et de M. Poncet, président, a rendu un “Addendum à la sentence partielle sur la compétence du 16 février 2010" qui a fait l’objet d’un recours en annulation formé par le CAMEROUN le 20 décembre 2010 (enregistré sous le n° 10/24658). Par conclusions du 6 janvier 2012, le CAMEROUN sollicite l’annulation de cet addendum ainsi que la condamnation de GAROUBE à lui payer la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par des conclusions du 12 janvier 2012, GAROUBE reprend les demandes et moyens développés dans les écritures prises à l’égard de la sentence partielle et sollicite subsidiairement la limitation de l’annulation au paragraphe 28 du dispositif de l’addendum, et plus subsidiairement à la résolution n° 28 de cet addendum.